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Edito : maladie d'Alzheimer, un défi social majeur

Le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy a présenté le 13 septembre un plan pour favoriser un diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer et mieux prendre en charge les 800.000 personnes qui souffrent de cette maladie ou de troubles apparentés. Alors que 165.000 nouveaux cas sont enregistrés chaque année, un diagnostic précoce est le "seul moyen", a-t-il dit, pour ralentir l'évolution de cette maladie neuro-dégénérative du cerveau, actuellement incurable, qui conduit à une disparition graduelle des facultés intellectuelles et physiques. Stimulation de la mémoire et médicaments peuvent cependant freiner ce processus et retarder le déclin de la personne. "La maladie d'Alzheimer va devenir une des préoccupations de santé du monde moderne", a souligné le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy.

Le ministre a promis de renforcer les moyens des 238 consultations mémoires existantes et d'en créer cent de plus d'ici 2007, une mesure qui devrait coûter 15 millions d'euros sur trois ans. Ces centres, où une équipe pluridisciplinaire peut faire ce diagnostic complexe et démarrer la prise en charge, sont inégalement répartis : il en existe un seul dans le Limousin, mais 22 en Midi-Pyrénées et 43 en Ile-de-France. Autre mesure pour faciliter le diagnostic : une "évaluation cognitive" à partir de 70 ans va être intégrée aux consultations de prévention prévues par la loi de santé publique.

Pour mieux accompagner les malades vivant à domicile, le nombre de places d'hébergement temporaire et d'accueil de jour en "petites unités de vie" devrait passer de 2.378 en 2004 à 15.500 en 2007. Un décret, promis depuis deux ans et actuellement examiné par le Conseil d'Etat, devrait permettre à l'Assurance maladie de financer ces structures de moins de 25 places. Cette mesure vise à permettre aux familles de "souffler", a précisé le ministre, qui a aussi évoqué la création de "gardes itinérantes de nuit" susceptibles de venir sur appel de la famille ou de façon programmée pour "calmer le malade". L'Association France Alzheimer, qui doit tenir son congrès mardi à Paris, chiffre pour sa part à 100.000 le nombre de places d'accueil de jour nécessaires, alors que sept malades sur dix résident à domicile.

Répondant à une autre revendication de l'association, M. Douste-Blazy a annoncé que la maladie d'Alzheimer serait inscrite en tant que telle sur la liste des affections de longue durée, et non plus, comme actuellement, sous la rubrique "psychose, troubles graves de la personnalité, arriération mentale". Pour financer ce plan, qui prévoit aussi d'allouer 88 millions d'euros d'ici 2007 pour améliorer l'encadrement médical des établissements de personnes âgées dépendantes, 105 millions d'euros avaient été réservés sur les crédits du plan "vieillissement et solidarités" adopté cet été. Mieux former les professionnels de santé, favoriser la recherche et prendre en compte la spécificité des patients touchés par Alzheimer avant 65 ans figurent également au nombre des objectifs.

Ce plan gouvernemental est d'autant plus nécessaire qu'avec le vieillissement de notre population la maladie d'Alzheimer est en train de devenir un véritable défi médical et social. Seulement la moitié des patients sont diagnostiqués, "voire 30 % dans certains endroits", souligne Françoise Forette, présidente du Comité scientifique de l'Association France Alzheimer. Une fois le diagnostic posé, il faut soigner et aider. Malgré la dégénérescence des neurones provoquée par cette maladie actuellement incurable, le cerveau peut compenser, il est "plastique", explique le Professeur Touchon. Pour cela, il doit "être stimulé de façon plurielle, adaptée", ajoute-t-il, évoquant notamment l'art-thérapie et la musicothérapie.

Des médicaments peuvent atténuer les symptômes, précise le Professeur Bruno Dubois (La Pitié-Salpêtrière, Paris), alors que des recherches se poursuivent pour trouver des molécules susceptibles de freiner l'évolution de cette forme de démence, voire un vaccin. La maladie "commence d'abord à bas bruit", peut-être dès 40 ou 50 ans, mais les premiers symptômes visibles n'apparaissent que vingt à vingt-cinq ans plus tard, ajoute-t-il. Hormis pour des formes héréditaires très rares (0,3 % des cas), la cause première reste inconnue.

L'agrégation de protéines (peptides) amyloïdes sous forme de plaques séniles est observée, mais on ignore si c'est pour protéger le cerveau d'une protéine qui s'avérerait toxique. D'où des doutes sur les stratégies à suivre pour lutter contre la maladie, qui tue les neurones. Les techniques de neuro-imagerie pourraient favoriser un diagnostic précoce, en permettant de repérer, avant l'apparition des premiers symptômes, des altérations dans certaines zones du cerveau, explique-t-il encore. Des avancées en matière de traitement sont attendues d'ici quatre à dix ans, selon les experts.

Mais pour les familles touchées, c'est au quotidien qu'il faut assumer un parcours du combattant pour trouver aides financières, soins et structures de prise en charge. La prise en charge d'une personne souffrant de la maladie d'Alzheimer peut coûter plus de 20.000 euros par an, selon plusieurs expertises, dont certaines prennent en compte le coût de l'aide informelle des familles. Pour l'assurance-maladie, le coût estimé par la direction générale de la santé est évalué à 15.200 euros par malade vivant à domicile et 20.800 à 24.300 euros en institution, selon qu'elles sont médicalisées ou non, a rappelé Eric Badonnel, sous-directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie. L'OCDE avait estimé en 2000 à 19.581 euros le coût annuel de la maladie en France par patient, chiffrant à 43 % de ce montant le coût médical direct, à 26 % les coûts directs non médicaux et à 31 % la part de l'entraide informelle.

Mais avant que les recherches en cours ne débouchent, d'ici une dizaine d'années, sur de réelles percées thérapeutiques, il est important de rappeler que la maladie d'Alzheimer, même chez les personnes très âgées n'est nullement une fatalité. On ne sait pas assez que cette maladie, trop souvent présentée comme inévitable, peut être très largement prévenue grâce à une bonne hygiène de vie, surveillance du cholestérol, exercice physique régulier, alimentation équilibrée et riche en vitamines E. Il semble également que la prise régulière de certains anti-inflammatoires entraîne un effet protecteur réel contre l'Alzheimer. Il est enfin démontré qu'une vie intellectuelle et sociale riche permet également de prévenir dans une certaine mesure cette maladie neuro-dégénérative. Nous devons donc mettre en oeuvre dès à présent une politique de prévention globale et ambitieuse qui pourra à long terme -20 à 30 ans- diminuer de manière considérable l'apparition de nouveaux cas.

Il faut que nos concitoyens comprennent qu'une bonne hygiène de vie constitue la première arme contre cette maladie redoutable. Quels que soient les futurs progrès de la médecine, le coût de cette politique de prévention sera toujours infiniment moins lourd pour la collectivité que celui des traitements curatifs. Il est temps que notre pays accepte cette réalité et consacre enfin à la prévention des grandes pathologies tueuses ou invalidantes, cancer, maladies de coeur, diabète, Alzheimer, des moyens humains et financiers à la hauteur des défis de société à relever.

René Trégouët

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