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Edito : Le Gouvernement s'honorerait à retirer, sans retard, son projet de circulaire d'application de l'Article L1511-6 du CGCT

Le Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire (CIADT) qui s'était réuni à Limoges le 9 juillet 2001 sous l'autorité du Premier Ministre, avait solennellement déclaré que les collectivités locales devaient devenir les aménageurs numériques du Territoire. Emporté par son lyrisme, le Gouvernement avait même promis que le haut débit devait être accessible pour tous avant 2005. C'est mal parti. Et pourtant, avalant son chapeau, l'Assemblée nationale avait décidé le 17 juillet 2001, pour être en cohérence avec le Gouvernement, de revenir sur son triste amendement dit des « fibres noires » du 25 juin 1999, fortement inspiré, chacun le sait, par le lobbying de France Télécom. Pour mettre en oeuvre ce nouvel amendement qui doit faciliter l'intervention des Collectivités locales dans le domaine des Télécommunications en supprimant le constat de carence prévu dans le Loi de Juin 1999 , chacun attend, avec impatience, un décret qui doit permettre d'organiser le financement public d'infrastructures destinées à supporter le réseau de télécommunications et précisant les zones qui seront concernées par ce financement. Et patatras. Toujours pas de décret mais, par contre, est mis en ligne sur Internet en février 2002 un projet de circulaire qui soulève un réel tollé car ce projet va bien au-delà de la volonté exprimée par le législateur et instaure de nombreuses règles et contraintes non prévues ou imaginées par le Parlement. Le Gouvernement ferait bien de remettre, sans retard, de l'ordre dans sa maison et de faire en sorte que les textes d'application respectent la volonté du législateur. Pour le décret, le Gouvernement devra être à la fois volontaire et réaliste. Il serait incohérent et contre-productif que la publication de ce décret soit l'occasion de dresser une carte des ghettos numériques de la France. En effet, jamais un opérateur privé qui doit rendre compte à ses actionnaires n'ira dans des régions où il n'y aurait aucune chance, même au niveau de l'exploitation, de trouver un jour l'équilibre financier. Dans ce cas là, même des aides « mirobolantes » à l'investissement ne seraient pas assez incitatives pour faire boire un âne qui n'a pas soif. C'est pourquoi, rejoignant en cela l'avis de l'Association des Départements de France, je pense que le territoire départemental est le seul qui soit pertinent pour être le chef de file des aménageurs numériques du territoire. Non pas parce que les Départements, depuis deux siècles, ont réalisé tous les grands réseaux de France : réseau routier départemental, maillage local du réseau ferré, réseaux d'eau, réseau électrique de basse tension et même réseau hertzien du téléphone dans les années 1970 mais parce que c'est la bonne échelle où peut s'exprimer la solidarité de proximité. Cette solidarité de proximité, quand nous parlons de l'investissement, ne peut s'exprimer au niveau communal car les communes riches et denses peuvent se numériser sans avoir recours aux subventions alors que les communes rurales et pauvres ne peuvent rien faire sans aides. Il faut donc que le Décret reconnaisse aux Départements la capacité de faire jouer la solidarité entre ses zones riches et ses zones pauvres pour ces aménagements numériques. Si l'ensemble d'un Départements est trop pauvre, il faudra alors que la solidarité régionale puisse s'exprimer et l'Etat ne devra pas être absent de cet effort important d'aménagement du territoire. Il devra traiter le problème avec équité et, dans le cadre d'une profonde révision des contrats Etat - Région, il devra faire en sorte que l'engagement pris pour que tous les Français puissent accéder au haut débit soit tenu. Mais au-delà de ce décret qui est attendu avec impatience par tous les acteurs, le Gouvernement s'honorerait à retirer, sans retard, son regrettable projet de circulaire. En effet, comment le Premier Ministre a-t-il pu apposer son nom au bas d'un projet qui manifestement a, directement ou indirectement, été rédigé par ceux qui avaient été marris de voir l'Assemblée nationale revenir sur l'amendement scélérat, tant il a retardé l'équipement numérique de la France, du 25 juin 1999 ? Ce comportement pourrait légitimement inciter le législateur à demander au Gouvernement de faire respecter la Loi. Une loi dite Loi de Libéralisation des Télécoms a été votée en 1996. Or, l'opérateur dominant n'applique qu'en traînant les pieds cette Loi après avoir souvent, trop souvent, voulu au préalable épuiser toutes les voies de recours. Si cela continue ainsi, le législateur pourrait être amené à prévoir des mesures qui obligeraient tous les opérateurs à respecter strictement la Loi. Ceux-ci pourraient, bien entendu, continuer à faire auprès des tribunaux tous les recours prévus par la Loi mais, en raison de l'urgence et de l'importance de l'équipement numérique de la France, une autorité incontestable désignée par la Loi dans chaque département pourrait obliger les opérateurs à s'exécuter sans retard. En effet, trop nombreux et trop irritants sont les cas, en France, qui nous sont rapportés, où France Télécom multiplie les obstacles pour empêcher le développement d'une réelle concurrence sur la boucle locale et ce, malgré une volonté clairement exprimée par le législateur. Cela ne peut plus continuer ainsi. Après la publication du décret qui, nous l'espérons, doit être proche maintenant, le Gouvernement devra préparer une nouvelle circulaire précisant les règles d'application de l'article L.1511-6 du CGCT. Dans cette nouvelle rédaction, le Gouvernement devra être particulièrement vigilant pour que les Collectivités locales respectent la neutralité technologique dans leurs choix d'investissements. Il serait inopportun et regrettable de les inciter, comme le fait le regrettable projet mis en ligne en février, à privilégier les investissements en fibre optique ou en coaxial. Chaque personne un peu avertie sait en effet qu'il ne serait pas économiquement raisonnable de couvrir l'ensemble de notre Pays avec ces seules technologies. Nous savons bien que des technologies radio seront précieuses pour couvrir, en particulier, les territoires peu habités. Cela révèle l'archaïsme de certaines démarches administratives françaises quand nous constatons que les rédacteurs du regrettable projet de circulaire auraient voulu interdire aux collectivités locales de lancer des expérimentations dans des approches technologiques radio tout à fait novatrices et séduisantes telles que le Wifi ... Dans cette aventure du numérique, les Collectivités locales doivent initier, faciliter et accompagner ces opérations fondamentales d'aménagement. Laissons-leur la liberté d'accomplir cette belle mission.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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