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Edito : Les trous noirs recèlent-ils les secrets de l’Univers ?
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Le 11 février dernier, une coopération scientifique internationale regroupant les équipes LIGO et VIRGO a annoncé la détection et l’enregistrement pour la première fois, le 14 septembre 2015, du passage d'une onde gravitationnelle. Cette infime déformation de l'espace-temps a été détectée avec 7 millisecondes d'écart par les deux instruments séparés par 3000 kilomètres et cette découverte extraordinaire, à laquelle j'ai consacré un éditorial récent (le 19 février dernier) a véritablement fait entrer la physique et la cosmologie dans une nouvelle ère.
Rappelons que le signal détecté est parfaitement en accord avec ce le cadre cosmologique théorique prévu lorsque deux trous noirs fusionnent. Ceux qui ont été observés avaient une masse respective de 29 et de 36 fois la masse du Soleil. La forme du signal complexe détecté par LIGO montre que les deux objets finissent par n'être plus qu'à quelques centaines de kilomètres l'un de l'autre. Or, seuls des trous noirs permettent d'expliquer une telle masse confinée dans une si petite zone de l'espace. Les scientifiques désignent ces trous noirs sous l'appellation GW150914. Le résultat de la fusion des deux astres est un nouveau trou noir d'une masse de 62 masses solaires, et non 65 masses solaires comme on pourrait s'y attendre. Les 3 masses solaires manquantes sont précisément celles qui ont été dissipées sous la forme d'énergie gravitationnelle. La quantité d'énergie libérée est colossale, elle répond à la fameuse loi d'Einstein E=mc² (l'énergie est égale à la masse multipliée par le carré de la vitesse de la lumière).
Les mesures réalisées ont permis de localiser cet événement cosmique très violent à quelque 1,3 milliard d'années-lumière. Sur son passage, l'onde gravitationnelle générée par ce cataclysme cosmique a déformé l'espace-temps et c’est cette "vague" gravitationnelle très brève qu’a détecté LIGO.
Les membres de la collaboration Ligo, qui ont analysé le signal GW150914 avec l’aide de leurs collègues européens de Virgo, ont également pu réaliser une estimation plus précise du nombre de flashs d’ondes gravitationnelles produits par des collisions de trous noirs atteignant la Terre chaque année, ainsi que le nombre de ceux suffisamment intenses pour être détectés avec aLigo et aVirgo. Et le résultat est incroyable : la Terre serait frappée en moyenne tous les quarts d’heure par une onde gravitationnelle produite depuis plus de 13 milliards d’années par les collisions de trous noirs quelque part dans l’univers observable. Ligo devrait donc être en mesure, lorsqu'il sera pleinement opérationnel, à l'automne 2016, de détecter et d'analyser une centaine de "vagues gravitationnelles" par jour...
Le 18 avril dernier, quelques mois avant cette découverte historique, le grand physicien Stephan Hawking, a fait à Harvard une conférence très remarquée sur ces objets fascinants que sont les trous noirs. Ces trous noirs sont, selon le physicien britannique qui a consacré sa vie à leur étude, des astres "plus étranges que tout ce qui a été imaginé par les auteurs de sciences fiction et ils pourraient bien être des portes de passage vers d’autres univers."
C’est en 1915, grâce à la théorie de la relativité générale d’Einstein, complétée par les travaux du physicien Karl Schwarzschild, que l’hypothèse de l’existence des trous noirs, objets cosmiques étranges résultant d’un effondrement gravitationnel, est devenue véritablement plausible. Mais il a toutefois fallu attendre 1994 pour que deux observations réalisées par le télescope spatial Hubble dans deux galaxies lointaines (M87 et NGC4258) confirment pour la première fois de manière indirecte (les trous noirs ne pouvant par nature être directement observés) la présence certaine de deux trous noirs.
Dès 1975, Stephen Hawking a émis l’hypothèse que certains phénomènes quantiques laisseraient présager que les trous noirs puissent émettre des radiations. Ce phénomène est aujourd’hui connu sous le nom "d’évaporation quantique" ou encore de "radiation de Hawking". Par la suite, Stephen Hawking a revu et complété sa théorie en apportant des hypothèses sur la perte d’information concernant les objets qui pourraient être engloutis par le trou noir.
En août 2015, Hawking a proposé de surmonter ce paradoxe de l'information perdue en présentant une hypothèse comme toujours, tout à fait passionnante : selon lui, l’information absorbée par un trou noir ne serait pas vraiment définitivement détruite et perdue car en fait elle ne pénètrerait pas à l'intérieur du trou noir mais resterait à sa périphérie, ce qu’on appelle son horizon, c'est-à-dire la limite en deçà de laquelle la lumière ne peut plus s’échapper, qui marque le diamètre physique de trou noir. Selon Hawking, l’information en 3D qui arrive dans le trou noir est convertie en une information 2D codée à la surface de l’horizon, sur le principe de l’hologramme. De ce fait, cette information peut être restituée par le trou noir en prenant la forme de cette fameuse "radiation de Hawking".
Le problème vient du fait que cette radiation – et la perte de masse qui lui est associée – est si faible, qu’il est très difficile d’en démontrer l’existence sur le plan expérimental. Mais cette incertitude pourrait peut-être être surmontée, si l’on en croit les récents travaux de Jeff Steinhauer, du département de physique de l’Institut de technologie Technion de Haïfa en Israël. Ce physicien travaille en effet sur des "trous noirs de laboratoire". Concrètement, il s’agit de reconstituer en laboratoire l’équivalent acoustique d’un trou noir en utilisant de l’hélium refroidi à des températures juste au-dessus du zéro absolu (-273,15°C) et en imprimant à ce gaz très froid un mouvement de rotation (Voir Science alert).
Or, Jeff Steinhauer affirme avoir observé des émissions d’énergie qui seraient l’équivalent des radiations de Hawking, obéissant précisément aux hypothèses formulées par le Britannique. Si ces résultats venaient à être confirmés, la nouvelle hypothèse de Stephen Hawking concernant la conservation de l’information entrant dans un trou noir s’en trouverait singulièrement confortée.
Mais si les propriétés des trous noirs restent mystérieuses et très débattues au sein de la communauté des physiciens, leur nombre et leur taille ne cessent également d'intriguer les scientifiques. Comme je l'évoquais dans mon éditorial du 19 février dernier, une équipe internationale d’astrophysiciens a ainsi détecté, il y a un peu plus d'un an, un trou noir absolument gigantesque, d'une masse de 12 milliards de fois supérieure à celle du Soleil de notre système. Fait encore plus troublant, ce monstre de l'espace, baptisé "SDSS J0100+2802"se situe à 12,8 milliards d'années-lumière de notre système solaire, ce qui signifie qu'il serait apparu seulement 875 millions d'années après la naissance de l'Univers. L'ennui est qu'un tel trou noir ne devrait pas exister dans le cadre cosmologique actuel...
Il y a quelques semaines, alors qu'ils traquaient les ondes radio les plus faibles émises dans l'Univers, des scientifiques de l'université de Cape Town et de Western Cape, en Afrique du Sud, ont fait une autre découverte stupéfiante : après avoir observé pendant trois ans des trous noirs supermassifs, ils ont constaté que leur activité semble synchrone, alors qu'ils se trouvent à des millions d'années-lumière de distance.
Ces chercheurs ont remarqué que les jets supermassifs des trous noirs étaient tous orientés dans la même direction et qu'ils tournaient tous de concert. Le problème est que ces trous noirs sont bien trop éloignés les uns des autres pour s'influencer, certains étant séparés par plus de 320 millions d'années-lumière. "Etant donné que ces trous noirs ne se connaissent pas les uns les autres, n'ont aucun moyen d'échanger des informations ou de s'influencer directement du fait des vastes échelles, cet alignement de rotation a dû avoir lieu pendant la formation de ces galaxies dans les premiers temps de l'Univers", explique le professeur Andrew Russ Taylor, principal auteur de l'étude.
Et justement, cette étrange "couplage" des alignements de rotation de ces trous noirs nous ramène à une théorie que j'avais également évoquée dans mon éditorial du 19 février dernier et qui est celle émise en 2000 par Niayesh Afshordi, astrophysicien au Perimeter Institute for Theoretical Physics à Waterloo (Canada). Selon ce physicien, notre Univers tout entier pourrait être issu d’un trou noir résultant de l’effondrement d’une étoile quadridimensionnelle, elle-même provenant d’un autre univers à quatre dimensions d’espace. Dans cette hypothèse, cette étrange synchronisation observée dans l'alignement de rotation de trous noirs très éloignés les uns des autres pourrait s'expliquer le fait que notre Univers soit lui-même né d'un trou noir.
Mais une autre observation, elle aussi très troublante, est à mettre en relation avec cette nouvelle physique des trous noirs qui émerge : en 2007, une équipe internationale de recherche, dirigée par Yair Krongold de l'université de Mexico et associant notamment des chercheurs du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, a découvert, en utilisant les observations du satellite XMM Newton, que les trous noirs possédaient la particularité de contribuer, via des flux de gaz interstellaire, à la nucléosynthèse primordiale, processus par lequel les étoiles fabriquent les éléments chimiques (carbone, oxygène, azote) indispensables à l’apparition de la vie.
La galaxie NGC 4051 possède un trou noir central supermassif, comme presque toutes les galaxies de taille moyenne. En l'étudiant avec le satellite de l’ESA XMM Newton, les chercheurs se sont aperçu qu'un vent chaud de gaz, riche en élément lourds tels que l'oxygène, l'azote et le carbone, s'échappait à grande vitesse (jusqu’à trois millions de km/heure) en direction de l'espace intergalactique. Or, la production en quantité suffisante de ces éléments lourds est l'une des conditions essentielles à l'apparition de la vie et à la formation des premières cellules vivantes. Il semblerait donc qu'en favorisant la dispersion de ces éléments, les trous noirs géants aient contribué, peut-être de manière décisive, à produire les conditions physico-chimique indispensable à la naissance du vivant (Voir Harvard-Smithsonian Center For Astrophysics et Space Daily).
Il y a quelques semaines, un autre article de physique théorique publié par l'université Cornell est venu relancer une autre hypothèse, elle aussi très intéressante : les trous noirs seraient constitués de matière noire, cette étrange matière invisible qui constitue un peu plus du quart de l’Univers, contre seulement 5 % pour la matière ordinaire (Voir Cornell University Library). Selon ces travaux, si ces trous noirs sont en si grand nombre dans l'Univers, c'est peut-être parce qu'ils sont composés de matière noire. Simeon Bird de l’université de John Hopkins et ses collègues font en effet l'hypothèse que, compte tenu de la masse des trous noirs détectés, LIGO a pu détecter une paire de trous noirs primordiaux plutôt que des trous noirs astrophysiques lorsque des étoiles massives s’effondrent à la fin de leur vie.
L’équipe de LIGO a tenté de prédire toute la matière noire qui est composée de trous noirs primordiaux autour de cette masse et elle a calculé la probabilité que ces objets deviennent des systèmes binaires susceptibles de fusionner. Selon ces prévisions, il devrait y avoir quelques collisions dans notre galaxie chaque année, ce qui est en parfait accord avec le taux de détection du LIGO. Le futur télescope Einstein, qui va succéder à LIGO et sera capable de détecter les couples de trous noirs avant leur collision, devrait permettre de confirmer ou non cette hypothèse.
Il faut également souligner que, fin 2012, des scientifiques de l’Institut Max-Planck (MPI), ont découvert un gigantesque trou noir, baptisé NGC12777 et situé dans une toute petite galaxie (environ un quart du diamètre de la Voie lactée), située à 220 millions d’années-lumière de la Terre. Ce trou noir a une masse équivalente à 17 milliards de fois celle de notre Soleil. A lui seul, son centre représenterait onze fois l’orbite de Neptune autour du Soleil.
Ce trou noir est atypique non seulement par sa masse phénoménale mais surtout par la proportion de sa galaxie qu’il représente. Les trous noirs observés jusqu’aujourd’hui représentaient environ 0,1 % de la taille de leur galaxie. Mais NGC12777 équivaut à 14 % de sa galaxie et sa taille est telle que les scientifiques se demandent s’ils n’ont pas affaire à un nouveau type d’objet cosmique, le « trou noir galactique ».
Ce très gros trou noir, qui continue à prendre de la place dans une très petite galaxie, remet en question toutes les théories scientifiques sur ce sujet. NGC12777 ne se serait peut-être pas formé à la suite de l’effondrement d’une grosse étoile sur elle-même. Selon les astronomes, il a dû se former grâce à un autre mécanisme cosmique, jusqu'ici ignoré.
Un autre trou noir absolument gigantesque, ayant lui aussi une masse d’environ 17 milliards de fois celle de notre Soleil, a été découvert il y a quelques semaines, début avril, à 200 millions d’années-lumière de notre Terre. Ce trou noir géant se trouve au cœur de la galaxie elliptique NGC 1600, située dans une région peu dense de l’Univers qui n’était pas sensée abriter un tel monstre (Voir NASA). Ces découvertes récentes pourraient signifier que les trous noirs supermassifs sont bien plus nombreux que prévus et que leurs modes de formation sont multiples et encore largement inconnus.
Evoquons enfin l’expérience tout à fait décisive en cours, menée par Guy Perrin et son équipe du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Lésia), qui vise à tester la relativité générale d’Einstein dans un champ extrêmement fort, en l’occurrence, celui qui se trouve au centre de notre galaxie (à 26 000 années-lumière de notre Terre), à proximité de Sagittarius A, un super-trou noir 4 millions de fois plus massif que le Soleil !
Dans cette expérience, les chercheurs français utilisent l’interféromètre Gravity qui, en combinant la lumière collectée par quatre télescopes du Very Large Telescope (VLT) situés dans le désert d’Atacama, au Chili, permet depuis la fin 2015 de disposer de l’équivalent d’un super-télescope de 140 mètres de diamètre. Ce nouvel instrument permet pour la première fois de repérer les blocs de matière, échauffés par les forces de marée exercées par le trou noir Sagittarius A. Comme le souligne le physicien Guy Perrin, « En mesurant leur trajectoire, nous pourrons analyser la métrique de l’espace-temps dans cette zone ». Cette expérience va donc permettre d’observer comment ce trou noir déforme l’espace autour de lui, mais également le temps, puisque Einstein a montré dans sa théorie de la relativité générale que le temps et l’espace formaient un continuum indissociable d’espace-temps.
Guy Perrin attend avec impatience les résultats de cette expérimentation, soulignant que « Si la théorie de la relativité générale fonctionne très bien pour décrire l’horizon du trou noir, elle rencontre ses limites dans la description de la singularité centrale, située au-delà de cet horizon. C’est pourquoi nous avons besoin d’englober la relativité générale dans une théorie plus fine, comme la théorie des cordes ou la gravitation quantique à boucles, ce que nous testerons dans les années qui viennent ».
Grâce à ces récentes et magnifiques avancées de la physique et de la cosmologie, nous savons à présent que non seulement les trous noirs existent bel et bien mais qu’ils sont présents en très grand nombre dans l’Univers et qu’il en existe une étonnante variété, les uns minuscules, les autres absolument gigantesques (plus de 20 milliards de fois la masse de notre soleil pour les plus massifs).
Mais les scientifiques reconnaissent humblement que maintenant qu’ils ont la certitude que les trous noirs existent et produisent ces fameuses ondes gravitationnelles qu’ils ont enfin réussi à détecter, ils sont confrontés à un nombre encore plus grand de questions sans réponse. L’un des mystères les plus fascinant qui accompagne ces objets cosmique énigmatiques est certainement cette étrange corrélation de rotation entre trous noirs distants qui vient d’être observée et n’est pas sans rappeler la corrélation qui persiste entre plusieurs photons issus d’une même source, même quand ceux-ci sont ensuite séparés par des distances astronomiques.
Il faudra sans doute attendre que physiciens, cosmologistes et mathématiciens parviennent enfin à articuler correctement la relativité générale et la mécanique quantique dans un nouveau cadre théorique plus vaste et plus complexe, pour que ces objets si déroutants se laissent peut être appréhender dans toutes leurs dimensions et nous dévoilent quelques-uns des secrets de notre Univers.
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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- Publié dans : Espace Espace et Cosmologie
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Jack Teste-Sert
27/05/2016Je parierais et donnerait "ma main à couper" que si Stephen Hawking s'intéressait à une Conscience Universelle active en tout effet cosmique, en s'y alignant, il se guérirait d'un coup, car son aura quantique le reflèterait grâce à des intentions créatrices plus correctes.
On sait que les constantes fondamentales de la physique et de la cosmologie sont précises au moins jusqu'à la distance de Planck (1,616 10^-35 m), d'une précision colossale, à partir de laquelle les effets quantiques démarrent !
La même orientation dans l'espace de trous noirs fortement éloignés les uns des autres n'est-elle pas le signe de cette Conscience Cosmique agissante et quantique, donc invisible ?
Il y a là de quoi réunir toutes théories existantes, mais cela demande de sortir du cartésianisme "pur" et dur du passé (celui à prétendre qu'il n'y a "rien" et qu'il ne se passerait "rien" de nouveau, alors que tout ne cesse d'évoluer !)...
De donner toute conscience intentionnelle et vie à l'astrophysique quantique, même dans le "vide" intersidéral..., voilà une perspective des plus réjouissantes !
Douard alexandre
18/06/2016Merci pour cet article détaillé sur ces nouvelles découvertes passionnantes!
Très intéressante la piste de l'intrication quantique pour expliquer la corrélation entre ces monstres.
Alain Simon
29/10/2016En fait, la théorie de l'Univers holographique, reprend la forme classique d'un mythe, telle que Lévi-Strauss l'a défini dans "La potière jalouse". Ce qui indique l'anthropomorphisme du concept.
http://www.entropologie.fr/2016/10/l-univers-holographique-un-mythe-mode...