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Un ascenseur spatial pour remplacer la navette

Un monte-charge qui s'élèverait à 35 000 kilomètres : ce projet vieux d'un siècle pourrait aboutir dans 10 à 20 ans.

C'est une idée ancienne qui refait surface : l'ascenseur spatial. N'y voyez pas une blague d'ingénieur voulant se payer la tête d'un journaliste, mais une idée sérieusement étudiée par la Nasa et par plusieurs instituts de recherche, notamment aux États-Unis et au Japon.

Imaginez un monte-charge s'élevant le long d'un câble de 35 000 kilomètres jusqu'à une plate-forme spatiale placée en orbite géostationnaire. Et pour tendre ce câble, un contrepoids fixé, lui, à 100 000 kilomètres du sol. N'oublions pas qu'en tournant, la Terre crée ce qu'on appelle la force centrifuge. Le câble se tend alors comme les lanières d'une fronde en rotation. Cette idée naît en 1895 dans l'esprit génial du pionnier russe des vols spatiaux, Konstantin Tsiokovsky. Lors d'une visite à la tour Eiffel, il imagine une tour géante reliée à des châteaux célestes par un chemin de fer. Mais, à l'époque, le projet était irréalisable, aussi tomba-t-il dans l'oubli jusqu'en 1979, quand l'écrivain de science-fiction Arthur C. Clarke s'en empara dans son ouvrage Les fontaines du paradis. Depuis, plusieurs scientifiques travaillent sur la question.

En août prochain, l'ISEC (International Space Elevator Consortium) convie toutes les équipes travaillant à cette idée à Washington pour faire un point. On y parlera beaucoup de la conception du câble qui doit allier une immense solidité à un poids plume. Désormais, il semble que ce gigantesque défi pourrait être relevé par les fameux nanotubes en carbone. William Flew, un spécialiste des matériaux au King's College de Londres, affirme que de récents progrès permettent enfin d'envisager la fabrication d'un câble suffisamment solide pour résister à la tension immense, aux vents et aux orages. Soit une résistance d'au moins 180 fois celle de l'acier, selon Yoshio Aokki, professeur d'ingénierie et directeur de la Japan Space Elevator Association. Reste à inventer le rouet capable de filer ces nanotubes. Une équipe de l'université de Cambridge vient d'annoncer la fabrication de premières mini-fibres. Un premier pas.

La propulsion de la cabine, de même que son freinage lors de la descente, est le deuxième gros problème à résoudre. Les Américains imaginent de braquer des rayons laser depuis le sol sur le véhicule ascensionnel pour l'approvisionner en énergie. Les Japonais, eux, réfléchissent à un procédé copié sur la propulsion magnétique de leur train. "Les nanotubes de carbone étant de bons conducteurs d'électricité, nous envisageons la présence d'un second câble qui fournirait l'énergie nécessaire tout au long du trajet", poursuit Aokki. D'autres projets envisagent d'utiliser l'énergie solaire, même nucléaire. Quoi qu'il en soit, les ingénieurs ont calculé qu'un tel monte-charge nécessitera cent fois moins d'énergie qu'un tir de fusée. L'ascension sera aussi plus lente, elle prendra entre quatre et cinq jours. Des premiers essais ont été menés par les Japonais avec un modèle réduit. La cabine s'est élevée le long d'un câble de 28 mètres.

Si les nanotubes en carbone tiennent leurs promesses, l'inauguration du premier ascenseur spatial pourrait théoriquement intervenir dès 2020 ou 2030. Une estimation du coût a déjà été faite : environ 12 milliards de dollars, soit moins cher que le tunnel sous la Manche. Selon l'ISEC, chaque kilo mis en orbite reviendra à quelques dizaines de dollars, contre 20 000 pour un lancement avec une fusée Titan ou Ariane.

Article rédigé par FRÉDÉRIC LEWINO pour Le Point

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