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Selon le CNRS, il est possible de faire fonctionner une chaudière avec 50 % d’hydrogène

Dans un monde où la combustion de ressources diverses – dont une écrasante majorité de carburants fossiles – est à l’origine de 90 % de notre énergie, il est intéressant de se demander si d’autres éléments pourraient devenir des alternatives permettant d’abaisser l’impact carbone de ce secteur. Produit par électrolyse de l’eau à l’aide d’électricité verte, l’hydrogène viendra peut-être un jour remplacer, au moins pour partie, le gaz naturel qui alimente les chaudières industrielles et domestiques.

Spécialiste des instabilités de combustion, notamment appliquées aux réacteurs d’avion, Laurent Selle fait alors le choix de réorienter ses recherches vers un vecteur énergétique qui semble avoir le potentiel de répondre aux besoins d’une transition vers le "bas carbone". Ce terme, qui fait aujourd’hui l’objet de labels gouvernementaux, n’est pas anodin pour un scientifique dont le domaine de recherche se trouve intrinsèquement lié aux carburants fossiles et donc à de potentielles pollutions. Après être finalement revenu vers ses collègues toulousains spécialistes de l’hydrogène, Laurent Selle fait la rencontre d’une jeune entreprise lors d’un groupe de travail de la Région Occitanie sur le sujet. Connue pour sa production de postes de soudure et de brasure à base d’hydrogène, Bulane cherche alors à élargir ses compétences liées à cet élément chimique.

« Bulane avait un positionnement sur la combustion, et en ce sens ils souhaitaient approfondir leurs connaissances. Ils étaient en recherche d’expertise sur cette thématique pour accélérer le développement de leurs innovations ». Leur feuille de route nécessite une expertise que l’entreprise doit structurer. Un besoin qui rencontre alors la curiosité d’un scientifique dont les recherches orientées vers le bas carbone trouvent une opportunité applicative dans le cadre de cette collaboration à venir.

Forts d’une expertise toulousaine reconnue dans le domaine, les échanges entre l’entreprise montpelliéraine et le directeur de recherche CNRS se concentrent sur une approche brevetée par la société, l’hybridation de brûleurs de chaudières à gaz. Pour atteindre cet objectif, il est alors nécessaire de comprendre s’il est possible d’introduire une quantité donnée d’hydrogène au sein d’un brûleur disponible sur le marché, en complément du gaz de ville, majoritairement composé de méthane. L’hybridation de carburants au sein d’un brûleur n’est pas quelque chose de particulièrement nouveau pour Laurent Selle. Le faire avec toutes les caractéristiques et contraintes d’un produit commercialisé, beaucoup plus. En effet, les brûleurs des chaudières à gaz du marché débordent de capteurs et autres sécurités qui complexifient l’hybridation à l’hydrogène.

Qui dit nouvel objet d’études, dit besoin de nouveau personnel dédié à la question. Pour répondre à cet état de fait, un ingénieur Bulane a été recruté par l’entreprise et Laurent Selle, puis hébergé à l’IMFT pendant une année pour accompagner cette recherche. Dans un second temps, c’est une thèse sous la direction de Laurent Selle qui a été co-financée par Bulane et le "Défi Clé Hydrogène Vert" de la Région Occitanie. Un argument de poids de la solution développée par Bulane avec l’appui de Laurent Selle et de l’IMFT réside dans sa capacité à « hybrider jusqu’à un certain pourcentage d’hydrogène, sans rien changer au système. On n’investit pas, on remplace et on substitue » précise le chercheur CNRS.

Les résultats des recherches menées à l’IMFT sont très encourageants. L’équipe de Laurent Selle a d’ores et déjà réussi à démontrer qu’il est possible d’introduire jusqu’à 50 % d’hydrogène (en volume) dans un brûleur de chaudière, sans modification de son architecture. Ces premières percées permettent d’envisager à moyen terme l’hybridation des chaudières au gaz qui équipent 12 millions de foyers en France, mais elles ne sont pas exemptes de contraintes. Tout d’abord, il existe des réglementations sur les infrastructures qui encadrent la composition du gaz qui peut être distribué dans le réseau français, qui se trouvent être inadaptées à l’introduction d’un volume important d’hydrogène. L’évolution de ces normes, régulièrement contrôlées par les pouvoirs publics, fait partie des adaptations nécessaires à la démocratisation de l'arrivée de l'hydrogène dans les moyens de combustion.

Ensuite, dans l’optique d’un usage de l’hydrogène le moins impactant possible pour l’environnement, il est primordial d’être attentif à un effet secondaire de la combustion de cet atome : la production d’oxydes d’azote. Cette famille de composés chimiques, issue de la combustion de divers carburants, compte de nombreux polluants dont l’impact est néfaste sur la santé humaine, sur l’effet de serre ou encore sur la destruction de la couche d’ozone. Il est donc primordial de limiter autant que possible sa production. Il est connu que la production d’oxydes d’azote est d’autant plus élevée que la température dans la chambre de combustion qui accueille l’hydrogène l’est également. Pour limiter au maximum cet effet délétère, il est nécessaire de ne pas dépasser une température critique. Or, plus on ajoute d’hydrogène dans un brûleur, plus la température augmente.

Ce dilemme fait partie des verrous scientifiques et techniques qui peuvent être levés grâce à cette collaboration entre l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse et l’entreprise montpelliéraine. Une solution spécifique à ce principe physico-chimique, encore en cours d’élaboration, participera à soutenir la transformation d’un secteur économique à fort impact écologique, dont la décarbonation fait partie des axes majeurs des politiques nationales.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

CNRS

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