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La santé de l’adulte se forge dès les prémices de la vie

« Les déterminants précoces de la santé de l’adulte : alimentation et épigénétique » faisaient l’objet d’un colloque organisé par le Fonds Français Alimentation & Santé le 6 octobre 2011 à Paris. Le concept et les mécanismes de l’origine développementale de la santé et des maladies (DOHaD) y ont été explorés, avec des interventions de Claudine Junien et Pascale Chavatte-Palmer de l’unité Biologie du Développement et Reproduction (BDR), Inra de Jouy-en-Josas. Les deux scientifiques nous éclairent sur ce champ de recherche prometteur qui a émergé depuis deux décennies.

  • La santé et la prédisposition à certaines maladies se forgent au cours des phases précoces du développement

La santé des enfants, et surtout plus tard des adultes, est influencée, avant même et après leur naissance, par l’alimentation et l’hygiène de vie de leurs parents. Ainsi, par exemple, s’il est bien établi que l’obésité se développe à la faveur de la sédentarité et d’un déséquilibre nutritionnel excédentaire, sous l’influence de facteurs génétiques, l’environnement joue aussi un rôle. L’alimentation, le métabolisme, l’état psycho-affectif ou la condition sociale de la mère peuvent ainsi transmettre des influences non génétiques à l’enfant au cours de la grossesse et de l’allaitement. Même avant la conception, la nutrition, qu’il s’agisse d’excès ou de sous-nutrition, la composition corporelle et des perturbations métaboliques de la mère mais aussi du père peuvent avoir une influence sur le développement du futur enfant. Ces effets, jusqu’ici méconnus, sont très importants et permettent de comprendre des observations que la génétique ne peut pas expliquer. Ainsi, au cours des deux dernières décennies, un ensemble de données épidémiologiques chez l’Homme et des études expérimentales chez l’animal ont confirmé "l’origine développementale de la santé et des maladies" (DOHaD pour : Developmental Origin of Health and Diseases), également connue comme l’hypothèse de Barker.

  • Tout n’est pas écrit dans les gènes… l’environnement influence leur lecture à terme

Les données scientifiques ont mis en évidence des marques, dites épigénétiques (du grec "epi" = dessus), qui s’apposent sur les gènes tout au long du développement, en particulier de la conception à la naissance (qui sont des périodes particulièrement "plastiques"), puis tout au long de la vie. Ces marques, servent à moduler l’expression des gènes sans altérer les gènes eux-mêmes. Mais ces marques peuvent être, à tout instant, perturbées par l’environnement. L’épigénétique concrétise ainsi la marque de l’environnement sur les gènes. Elle est un des mécanismes reconnus de la DOHaD. Par ce mécanisme, notre mode de vie, notre alimentation, nos relations psycho-affectives peuvent laisser dans nos cellules une "trace épigénétique" éventuellement transmissible d’une génération à l’autre.

  • Les marques épigénétiques peuvent être modifiées à des stades clés du développement

Les altérations de marques épigénétiques, lorsqu’elles interviennent à certaines étapes clé du développement, peuvent provoquer des perturbations au niveau de la formation de certains organes entraînant une prédisposition à développer, plus tard, des maladies chroniques de l’adulte (diabète, obésité, etc.). La période précédant la conception, la grossesse, la période néonatale, l’allaitement, la petite enfance ou l’adolescence sont des phases très importantes du développement pendant lesquelles les conditions environnementales peuvent avoir des effets durables sur le développement d’un grand nombre d’organes et de fonctions, y compris le goût. Chacune de ces fenêtres développementales est caractérisée par une sensibilité distincte à certains facteurs environnementaux. À l’inverse des mutations altérant les gènes, les effets à long terme des modifications épigénétiques ne sont pas inéluctables. Il a été montré qu’un environnement adapté, appliqué très tôt, quand la plasticité du génome est encore optimale, peut contrecarrer ces effets néfastes.

  • Informer et poursuivre les recherches pour agir à bon escient

Le grand intérêt des marques épigénétiques est qu’elles sont malléables. Le fait de pouvoir agir sur ces inscriptions épigénétiques pour préserver la santé future de l’enfant ouvre un immense champ de perspectives. Les connaissances actuelles sont encore parcellaires et il est nécessaire d’amplifier les recherches vers ces nouvelles pistes. Mais, comme l’a montré le débat Science/Société qui a clôturé ce colloque, co-animé par Claudine Junien et un sociologue, sur les implications médicales et sociétales de ces découvertes, le potentiel en termes de santé publique est considérable. Le corps médical et le public doivent être mieux informés. D’ores et déjà, la prise de conscience de ces nouvelles données permet de proposer des recommandations d’ordre général basées sur le bon sens quant à l’hygiène de vie des (futurs) parents. Ces marques existent aussi chez les animaux, qui sont souvent utilisés comme modèles. Dans le domaine de l’élevage, ces recherches trouvent également de nombreuses applications pour comprendre le rôle de l’environnement sur la santé des animaux, leur production et la qualité de leurs produits. De plus, elles pourront permettre d’optimiser les systèmes existants en se servant de l’environnement comme levier pour produire des animaux plus robustes et mieux adaptés aux changements (climatiques, économiques, etc.).

INRA

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