RTFlash

Edito : Quelques inventions qui vont peut-être changer le monde !

Pour de multiples raisons, un divorce s’est opéré depuis quelques années entre Science et Société. Alors que la génération de nos parents et celle de nos grands-parents étaient encore très enthousiastes face aux avancées extraordinaires des sciences et des techniques, la fin du siècle dernier a été marquée par la montée en puissance progressive d’une méfiance de plus en plus grande -et parfois même d’une hostilité déclarée- vis-à-vis de la science et de la technologie.

L’apparition et le développement de ce fossé, entre un monde des sciences de plus en plus pointu et omniprésent et une opinion publique de plus en plus perplexe et inquiète face à la rapidité et à l’ampleur des avancées scientifiques, sont d’autant plus paradoxaux que, depuis un demi-siècle, l’ensemble des êtres humains peuplant notre terre a connu, globalement, une amélioration de son niveau et de ses conditions de vie sans précédent dans toute l’histoire de l’humanité.

Qu’il s’agisse de la progression extraordinaire de l’espérance de vie moyenne au niveau mondial, de la diminution considérable de la proportion d’êtres humains touchée par la faim et la malnutrition, du recul et parfois de l’éradication complète (comme la variole) de grandes maladies infectieuses, grâce aux progrès de la médecine, de la proportion d’humains ayant accès à l’eau potable et à l’électricité ou encore du nombre de foyers disposant d’un téléphone, d’un ordinateur et d’un accès à l’Internet, sans oublier le nombre d’enfants ayant accès à l’éducation et à la culture, c’est peu de dire que ces 50 dernières années ont été le théâtre d’un bouleversement inédit pour toutes les sociétés humaines.

Mais en dépit de ces progrès absolument considérables, qu’il est toujours bon de rappeler, il est évident que d’immenses besoins restent à satisfaire dans de vastes régions du monde pour permettre à chacun de vivre dans des conditions décentes et d’avoir accès aux services de base, eau potable, électricité, santé, éducation, permettant une vie digne et un épanouissement personnel.

Cette semaine je voudrais vous parler de quelques innovations technologiques remarquables qui pourraient justement profondément transformer et améliorer la vie de centaines de millions d’hommes et de femmes à travers le monde. Commençons par la question cruciale de l’accès à l’eau potable. Selon l’OMS, 11 % de la population mondiale (contre 25 % en 1990), soit 770 millions de personnes, n’avaient pas toujours pas accès à l’eau potable en 2011 et dans de nombreux pays en voie de développement, l’on estime qu’un tiers seulement de la population a accès à un point d'eau de qualité.

Face à ce défi considérable de l’accès à une eau de qualité pour tous, l'entreprise associative Warka Water, dont les membres proviennent  d'Italie, du Liban, des États-Unis, d'Éthiopie et du Nigeria, s’est donnée pour mission de parvenir à fournir pour un coût modeste une source d'eau facilement accessible dans les régions les plus sèches et les plus isolées du Monde où les habitants doivent parfois aller chercher l’eau à plusieurs dizaines de kilomètres et creuser des puits de plusieurs centaines de mètres de profondeur.

WarkWater a développé un système particulièrement ingénieux, robuste et efficace permettant d’extraire l’humidité de l’air et de stocker l’eau ainsi récoltée dans une réserve de 1000 litres pourvue d'un robinet. Concrètement, cette « Warka » ressemble à un gros vase (voir la photo qui illustre cet édito) ; il s’agit d’une structure de 10 m de haut, dont l'ossature est constituée de tiges de bambou tressées. À l’intérieur de ce curieux container, est disposé un filet synthétique à base de polyéthylène dont les mailles sont conçues de manière à permettre la condensation de la vapeur d'eau contenue -dans des quantités très variables- dans l’air ambiant.

D'après ses concepteurs, ce système, qui ne pèse que 60 kg et peut se monter ou se démonter en quelques heures, est en mesure de collecter entre 50 et 100 litres d'eau par jour. Cette ingénieuse structure est également conçue de manière à produire une grande zone d’ombre et de fraîcheur, un atout particulièrement précieux dans les régions arides et désertiques. Ce projet particulièrement novateur a été mis en œuvre, pour la première fois, en 2012 et n’a cessé d’être amélioré. Une expérimentation à grande échelle devrait normalement débuter le mois prochain en Éthiopie, avant d’être éventuellement étendue à d’autres pays d’Afrique d’ici la fin de la décennie.

En France, l’inventeur Marc Parent a développé, dans le même esprit que « Warka », « l'Eole Water », une éolienne qui transforme l'humidité contenue dans l'air en eau potable. Cette machine est conçue pour capter l’humidité présente dans l’air. La turbine aspire l’air à travers un filtre et l’envoie vers un compresseur de refroidissement. Brusquement refroidie, l’air dégage l’eau qu’elle contient et celle-ci peut alors être récupérée et stockée.

La beauté de ce système est qu’il fonctionne uniquement grâce à l’énergie du vent. Il est donc totalement autonome et particulièrement adapté aux zones isolées. Selon son concepteur, cette « éolienne à eau » est capable de produire de l’eau pratiquement partout, le rendement variant, en fonction de l’humidité de l’air, de 350 litres par jour dans les régions les plus arides, à environ 1 200 litres dans les zones côtières, plus humides. Quant à la qualité de l’eau ainsi obtenue, elle est supérieure aux normes requises par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Et comme le vent ne souffle pas tout le temps, Marc Parent a également imaginé une éolienne d'une capacité de 800 litres par jour, conçue pour être couplée au réseau électrique, à des panneaux photovoltaïques ou à un générateur. Comme le souligne son inventeur, "Quand on a un air sec la journée et humide le soir, on peut s'en servir pour faire de l'électricité le jour et de l'eau la nuit par exemple."

Un autre domaine dans lequel certaines innovations pourraient changer la face du monde est bien entendu celui de l’énergie. Illan Kramer, chercheur à l’université de Toronto, au Canada, a par exemple mis au point un nouveau matériau surprenant, le « sprayLD ». Reposant sur l’utilisation de nanoparticules appelées boîtes colloïdales quantiques, ce spray solaire peut s’appliquer sur pratiquement toutes les surfaces et transformer celles-ci en autant de panneaux solaires photovoltaïques ! Là encore, les concepteurs de ce spray ont privilégié la simplicité, la robustesse et le faible coût de fabrication. Le système de pulvérisation n'utilise que des pièces simples et peu onéreuses et ces chercheurs ont déjà atteint un rendement de conversion d’énergie de plus de 7 %, ce qui est excellent, surtout rapporté aux immenses surfaces potentielles utilisables. Sur un toit de voiture par exemple, ce spray solaire peut produire assez d’électricité pour alimenter trois ampoules de 100 watts…

D’autres innovations tout aussi remarquables pourraient bouleverser le paysage énergétique mondial. C’est par exemple le cas du syngas, mis au point par la start-up israélienne NCF, dirigée par David Banitt, (NewCO2Fuels). Cette société s’appuie sur les recherches menées depuis 10 ans par le Professeur Jacob Karni de l’Institut Weizmann et ambitionne de transformer le CO2 en combustibles, en utilisant simplement la chaleur perdue des sites industriels, de l’eau et de l’énergie solaire.

Fin 2013, NCF a déjà réalisé des expérimentations de dissociation à plus grande échelle et prévoit d’installer en 2018 une première usine expérimentale pour démontrer la validité de son procédé de conversion et de valorisation du CO2. Si ce système s’avère fiable, efficace et compétitif, on imagine sans peine qu'il pourrait tout simplement révolutionner la production d’énergie au niveau mondial en permettant la récupération et l’exploitation propres du CO2 « à la source », ce qui constituerait une solution infiniment plus performante et intéressante que les technologies actuelles de séquestration et de capture du CO2, onéreuses et complexes.

Dernier domaine dans lequel plusieurs innovations très concrètes vont probablement changer la vie des hommes : la médecine et la santé. Après plusieurs années de recherche, l'ingénieur australien Mark Kendall vient par exemple de présenter, à l’occasion de la conférence TEDGlobal d’Edimbourg, un patch qui pourrait remplacer d’ici quelques années les classiques seringues dans l'administration des vaccins, ce qui permettrait une vaccination à grande échelle bien plus simple et bien moins coûteuse qu’actuellement. Ce système, baptisé Nanopatch, se présente sous la forme d’un petit carré d'environ 1 cm2, muni d’environ 4.000 micros- aiguilles.

Par sa conception, ce procédé permet d’administrer un vaccin ou une substance thérapeutique, via la couche externe de la peau, de façon sûre et indolore. En outre, ce système, contrairement à la seringue, permet de cibler directement les cellules du système immunitaire de la peau, particulièrement réceptives aux vaccins. L’efficacité de ce Nanopatch est tel qu’il serait possible de diviser par 100 la quantité de vaccin nécessaire pour obtenir la même réponse immunitaire que par la voie classique. Ainsi, les éventuels risques d’effets secondaires indésirables seraient considérablement réduits et le coût unitaire d’une vaccination tomberait à seulement quelques centimes d’euros, un atout économique décisif pour généraliser les vaccinations dans les pays en voie de développement.

Ce nouveau mode d’administration des vaccins est d’autant plus révolutionnaire qu'il ne nécessite pas la conservation réfrigérée des substances à injecter. Après avoir passé avec succès la phase d’essais sur l’animal, ce Nanopatch devrait commencer à être expérimenté sur l’homme, en Australie dès cette année et un essai plus large sera mené à Cuba en 2016. Si l’ensemble de ces essais sur l’homme confirment l’efficacité et l’innocuité de cette nouvelle méthode, le Nanopatch pourrait arriver sur le marché à l’horizon 2020.

Outre-Atlantique, c'est une jeune ingénieure de 30 ans, Elizabeth Holmes, qui a mis au point une nouvelle méthode d’analyse de sang, baptisée Theranos. Ce système permet, à partir du simple prélèvement d’une seule goutte de sang au doigt, de réaliser une trentaine d’analyses différentes, le tout pour un coût deux fois inférieur à celui des analyses de sang classiques.

Plus près de nous, en Suisse à Neuchâtel, une start-up issue de la prestigieuse Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), One Drop Diagnostics fondée par Luc Gervais, spécialiste en microtechnique, et Jörg Ziegler, développe un système, de taille inférieure à une carte de visite, qui permettra à l'utilisateur d'obtenir des informations sur son état de santé en moins de dix minutes. À partir d’une seule goutte de sang déposée sur une puce microfluidique, les médecins peuvent détecter et diagnostiquer de multiples pathologies : affections cardio-vasculaires, cancers, infections ou allergies. Une fois l’analyse effectuée par identification de certaines protéines spécifiques, il suffit d’introduire cette puce dans un lecteur approprié pour obtenir les résultats ; ceux-ci peuvent alors être immédiatement envoyés aux patients par mail ou par SMS.

Il faut également évoquer la mise au point d’un module, connecté à un Smartphone, développé par une équipe de l’université de Columbia à New York permettant de dépister en 15 minutes le sida et la syphilis, grâce à l’analyse d’une goutte de sang prélevée sur le doigt. La prouesse de ces chercheurs est d’avoir réussi à intégrer l’ensemble des fonctions mécaniques, optiques et électroniques d’un laboratoire d’analyses dans un module portable, comme le souligne la revue médicale américaine « Science Translational Medicine ». Élément capital, le dispositif conçu par les chercheurs américains ne coûte en effet que 30 € et consomme assez peu d’énergie pour se contenter d’être alimenté par un mobile. Déjà expérimenté sur une centaine de malades au Rwanda, ce dispositif pourrait ouvrir la voie à l’auto-test et permettre un dépistage simple, fiable et peu coûteux du virus du sida dans les pays en voie de développement.

En Afrique, un ancien étudiant béninois de l'École supérieure multinationale des télécommunications (ESMT) de Dakar, Yannick Grimaud, a développé une autre application remarquable "SenGeoSanté" qui tourne sous Android et permet aux Sénégalais de localiser toutes les structures sanitaires sur une carte, avec ou sans connexion. Il devient ainsi possible à l’utilisateur de ce système de trouver instantanément les hôpitaux, cliniques, médecins, laboratoires ou pharmacies qui sont géolocalisés par région, département ou quartier et présentés avec leurs adresses et numéros de téléphone.

On ne le dit pas assez mais une véritable effervescence innovatrice règne sur ce continent africain et il faut également signaler le développement, par quatre étudiants ougandais de l'université de Makerere à Kampala, d’une application permettant de diagnostiquer le paludisme sans prélèvement de sang. Baptisé "Matibabu" (centre médical, en swahili), ce système permet de savoir de manière fiable et rapide si l'utilisateur est contaminé ou non par le Plasmodium, le parasite vecteur du paludisme. Pour réussir cet exploit, ces étudiants ont conçu un "matiscope", qui est un détecteur à infrarouges relié au smartphone dans lequel l'utilisateur insère son index.

L'appareil examine les globules rouges et peut analyser la différence de structure entre les globules infectés et les globules sains. Les résultats de ces analyses sont instantanément transmis sur un serveur dédié où ils sont consultables par des professionnels de la santé. On mesure mieux l’immense intérêt d’une telle innovation quand on sait qu’en Ouganda plus de 30 millions de personnes sont atteintes du paludisme qui est la première cause de mortalité dans le pays.

Enfin, comment ne pas terminer ce trop rapide passage en revue des innovations technologiques les plus prometteuses qui risquent de changer le monde sans évoquer le système OmniProcessor, développé par l’entreprise d’ingénierie environnementale américaine, Janicki Bioenergy (voir Janicki Bioenergy). Financée par la fondation créée et dirigée par Bill Gates et son épouse, cette étonnante machine récolte des déchets humains, des boues d’épuration et des excréments, puis les traite et les recycle par chauffage et filtration. Résultat : une production d’eau parfaitement potable mais également une génération de boue séchée qui peut être réutilisée pour l’alimentation en énergie de la machine… La boucle est ainsi bouclée et le concept d’économie circulaire prend ici tout son sens et s’incarne de manière on ne peut plus concrète dans ce système qui devrait pouvoir produire quotidiennement 80 000 litres d’eau potable, à partir des excréments et déchets de 100.000 personnes.

Comme le souligne Bill Gates, qui décidément pratique la philanthropie à l’échelle mondiale avec la même intelligence et la même efficacité dont il a fait preuve pour fonder et diriger Microsoft « 2,5 milliards d’êtres humains n’ont pas accès à des toilettes hygiéniques et 700 000 enfants meurent chaque année à cause d’un mauvais assainissement. Il était donc vital de proposer une solution technique simple, fiable et efficace à ce défi sanitaire. L’usine ne se contente pas d’enlever les excréments humains de l’eau, elle transforme les excréments en un bien essentiel, l’eau, avec une véritable valeur pour le marché ».

Il est frappant de constater, qu’au-delà de leur diversité, toutes ces inventions et innovations ont un même point commun : elles sont le fruit de l’ingéniosité et de la volonté d’hommes et de femmes qui ont voulu relever des défis sociaux et humains très concrets et qui, indépendamment des moyens financiers dont ils disposaient, ne se sont jamais laissés décourager par les obstacles innombrables qu’ils ont rencontrés avant d’atteindre leur objectif.

Cet esprit de créativité et d’inventivité dépasse largement le champ scientifique, technologique et économique. Il s’inscrit résolument dans une dimension éthique, sociale et humaine et c’est évidemment ce qui lui donne sa valeur et tout son sens. En ces temps où la science, la raison et l’idée même de progrès génèrent souvent de la méfiance et parfois même de l’hostilité, il m’a semblé utile de rappeler à quel point certaines inventions, même lorsqu’elles semblent après coup évidentes et peu sophistiquées, peuvent améliorer la vie des hommes et changer le monde.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

  • ka

    20/02/2015

    Toujours un plaisir de vous lire !

  • Jack Teste-Sert

    28/05/2016

    Votre édito cerne bien le problème mais fait mine d'ignorer l'autoguérison ! Ce qui fait peur aux peuples face à trop de technologie est :
    - d'une part l'excès de déchets et de pollution, les coûts qu'elle provoque ;
    - d'autre part, la dépossession progressive de la responsabilité et du contrôle de soi qu'elle implique au niveau de la conscience quantique créatrice.

    L'humain est loin, très loin de n'être qu'une machine !

    Un homme a réussi à se refaire pousser une jambe coupée après une "mal-a-dits"..., lors de son passage à Lourdes !

    Je me suis auto-guéri trois fois en croyant en moi, en répétant ma volonté de guérison et en m'alignant aux énergies universelles vues supérieurement efficaces par la prière.

    Dans les temps futurs, avec du recul, ce ne sera donc que lorsque l'humain aura été au bout de ses possibilités de conscience d'agir proprement par la pensée sur la matière, sur sa vie en la disant mieux organisée et plus sûre (en vérifiant se le retourner) qu'on aura recours en dernier lieu à la technologie. Pas elle passant prioritaire !

    Merci pour votre prise de conscience de ne point rabaisser les pouvoir quantique de l'humain, relié comme pour l'expérience suisse de vérification du paradoxe de deux particules imbriquées qui se suivent même envoyée en des directions opposées très lointaines, et tel que le sont les esprits de jumeaux et de personnes s'aimant beaucoup.

    L'esprit, l'intention quantique primera toujours sur la matière, et, ce sera cette compréhension de la nécessité d'un contrôle doux et permanent de soi qui changera et libérera d'abord le monde de ces limites et enfermements réducteurs !.
    Comme votre site le démontre, oui, la matière, les outils répondront de plus en plus à la pensée s'ils intègrent les capacités prétendues "paranormales" d'intervention à distance (comme de chauffer à cœur une tige de métal par imposition des mains ou de léviter..., de dire sa vie d'avance mieux harmonisée à l'ensemble sans déchets en trop (et là, il y a d'immenses remises en cause et progrès encore à faire...).

  • back-to-top