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Prix Nobel de chimie : un laser ultrarapide pour fixer atomes et molécules

En un raccourci saisissant, on pourrait affirmer que le lauréat du prix Nobel de chimie 1999 a été récompensé pour avoir inventé l'appareil photo le plus rapide du monde. Un appareil photo qui serait capable de saisir au vol des molécules qui explosent, des atomes en train de s'unir ou d'échanger des électrons. Un rêve de chimiste que l'Egypto-Américain Ahmed Zewail a rendu possible. L'exploit est de taille quand on sait que ces échanges furtifs ne durent que dix à cent femtosecondes (une femtoseconde représentant un millionième de milliardième de seconde !). Les chimistes et les biologistes savent que, quand ils observent une réaction, même avec les instruments les plus sophistiqués, l'essentiel leur échappe : entre le mélange initial et le produit final, une succession d'événements intermédiaires, indétectés, se sont produits au niveau des atomes. " Ces derniers se dissocient, changent de place au sein des molécules qui, elles-mêmes, peuvent se tordre, établir ou détruire des réactions chimiques. Des travaux théoriques menés dans les années 30 avaient permis d'évaluer la vitesse de ces réactions entre molécules individuelles. En 1967, l'Allemand Manfred Eigen et les Britanniques Ronald Norrish et George Porter avaient déjà reçu le prix Nobel de chimie pour des expérimentations ayant permis d'observer des phénomènes d'une durée d'un dix milliardième de seconde. Mais l'accès aux dissociations atomiques et moléculaires exigeait des " prises de vue " mille fois plus rapides. Pour y parvenir, Ahmed Zewail imagina - à la fin des années 80 - d'utiliser le laser femtoseconde, équivalent laser du stroboscope des éclairages de boîte de nuit, en beaucoup plus rapide. L'idée de génie de Zewail fut d'utiliser un jet moléculaire dans une chambre à vide. Une première impulsion laser déclenche la réaction, une seconde la " photographie ". Mais cette " visualisation " n'est qu'indirecte : la position des atomes est calculée à partir des informations tirées du spectre, de l'" empreinte digitale " du rayon sondeur après qu'il a frappé les molécules. Ce domaine de la femtochimie et de la femtobiologie est donc en plein essor. " En biologie notamment, l'enjeu est considérable, sur le plan fondamental, bien sûr : pour comprendre le fonctionnement des cellules vivantes ; mais aussi sur celui des applications pharmaceutiques et notamment la fabrication des inhibiteurs. " Ces médicaments nouveaux servent de leurre et bloquent les récepteurs d'enzymes dans la cellule. Deux d'entre eux ont déjà été " produits de manière rationnelle ", c'est-à-dire " dessinés " sur ordinateur pour ressembler à l'enzyme qu'ils imitent. L'un est aujourd'hui un médicament majeur contre contre le sida. Ces recherches qui se situent aux confins de la chimie et de la physique sont un parfait exemple de la fécondité de l'approche pluridisciplinaire en sciences.

Le Monde : http://www.lemonde.fr/article/0,2320,seq-2031-26394-QUO,00.html

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