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Une pile à combustible microbienne pour protéger les bétons armés en mer

Le béton armé doit faire face à un ennemi sournois et implacable, la corrosion. Ceux exposés à un environnement marin le sont encore plus, car le sel de l’eau de mer a pour effet d’accélérer ce phénomène. Ces bétons servent par exemple à la construction de quais de ports, de piles de ponts ou de socles sur lesquels sont installées des éoliennes offshores. Pour éviter ces dégradations, l’une des solutions consiste à injecter un courant électrique continu dans l’armature métallique en acier des bétons pour stopper le processus électrochimique conduisant à la corrosion. Ce procédé porte un nom : la protection cathodique. À Toulouse, des scientifiques du LGC (Laboratoire de Génie Chimique) et du LMDC (Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions) ont développé un procédé pour produire cette énergie de manière écologique et renouvelable grâce aux micro-organismes présents dans les sédiments marins.

L’innovation à la base de ce travail de recherche n’est pas nouvelle. Dès 2002, le LGC, pionnier dans ce domaine, dépose le brevet d’un procédé appelé la pile à combustible microbienne. Il repose sur la capacité des bactéries à convertir directement en électricité une partie de l’énergie qu’elles produisent en dégradant la matière organique. C’est en collaborant avec le LMDC (Laboratoire matériaux et durabilité des constructions), spécialisé dans le génie civil et dont les travaux portent notamment sur les protections cathodiques, que l’idée est née d’adapter ce système pour protéger les bétons armés en mer.

« Il existe de nombreux micro-organismes dans les sédiments marins qui consomment la matière organique composée de planctons en décomposition, de déjections des poissons… », explique Benjamin Erable, chercheur CNRS au LGC. « Comme nous, ils évacuent leurs électrons de bas niveau énergétique en respirant l’air afin de les céder à des molécules d’oxygène. Mais ils sont aussi capables de céder ces électrons à de fines particules métalliques de matériaux conducteurs présents dans leur environnement. C’est grâce à ce principe que nous parvenons à capter le flux d’électrons qu’ils libèrent et à produire de l’électricité ».

Les chercheurs ont réalisé une expérimentation en introduisant une poutre en béton de 6 mètres de long positionnée à l’horizontale dans un bassin rempli d’eau de mer et plongé des électrodes en carbone dans une couche de sédiments marins. Progressivement, des micro-organismes sont venus se connecter à la surface de ces électrodes et former des biofilms microbiens. Et naturellement, ils ont extrait l’énergie provenant de la matière organique pour la céder aux électrodes. Ce dispositif, maintenu pendant 6 mois, a permis de faire la preuve de concept en laboratoire de sa capacité à protéger le béton contre la corrosion.

« Le besoin en énergie pour mettre en place une protection cathodique est de l’ordre du micro-ampère ou au grand maximum du milliampère par m² de béton », analyse le chercheur. « Les micro-organismes des sédiments marins sont quant à eux capables de produire entre 1 et 2 ampères par m². Cela signifie que la pile à combustible microbienne est largement suffisante pour produire l’électricité nécessaire à la protection des bétons armés. Pour transmettre le courant, il suffit simplement de relier les électrodes à l’armature métallique du béton à l’aide d’un câble électrique ». Comparé à d’autres procédés de protections cathodiques, ce nouveau système possède de nombreux avantages puisqu’il est éco-conçu et donc sans danger pour l’environnement. Il se révèle également totalement autonome et ne demande aucune intervention humaine. Des essais réalisés aux États-Unis ont démontré qu’une pile à combustible microbienne peut fonctionner pendant 4 ans.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Techniques de l'Ingénieur

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