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Une nouvelle piste contre le cancer du côlon

Les 10 000 à 100 000 milliards de bactéries qui constituent la flore intestinale intéressent de plus en plus les chercheurs. Ces hôtes habituels du tube digestif humain ont certes de nombreux effets favorables sur la santé, mais ils semblent aussi impliqués dans un nombre croissant de pathologies : maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, obésité, et désormais... cancer colo-rectal, dont on enregistre 37 000 nouveaux cas chaque année en France. Selon une étude américaine menée chez des souris par Cynthia Sears (université John Hopkins, Baltimore), un bacille de la flore intestinale pourrait favoriser le développement de ces tumeurs très fréquentes. Ces résultats, très démonstratifs, ont été publiés sur le site de la revue Nature Medicine.

L'hypothèse du rôle cancérigène de certains microbes digestifs a été évoquée dès les années 1970. Depuis, les travaux de l'Australien Barry Marshall ont permis de la vérifier au niveau de l'estomac, en montrant le rôle clé de la bactérie Helicobacter pylori dans la survenue des gastrites chroniques qui font le lit des cancers de l'estomac. Le traitement par antibiotiques des ulcères et gastrites a ainsi permis de faire régresser la fréquence de ces tumeurs dans de nombreux pays. Jusqu'ici, aucun équivalent n'a été identifié au niveau colo-rectal.

L'équipe de Cynthia Sears s'est intéressée à une bactérie intestinale particulière, un Bacteroides fragilis secrétant une toxine, appelée ETBF. Responsable de diarrhées aiguës chez l'adulte et l'enfant, ce germe colonise de façon asymptomatique l'intestin d'une fraction non négligeable de la population, jusqu'à 35 % selon les chercheurs américains.

Chez des souris génétiquement sensibles aux cancers colo-rectaux, sa présence dans le tube digestif a entraîné une inflammation chronique de la muqueuse, qui a augmenté la fréquence des tumeurs. Les auteurs ont aussi démontré que l'inflammation induite par cette souche de Bacteroides repose sur une population particulière de globules blancs : des lymphocytes CD4 produisant un facteur soluble appelé IL17. Chez les animaux où ce facteur a pu être neutralisé, l'inflammation et la carcinogénèse ont été réduites, insistent-ils. L'évolution vers une colite puis un cancer n'a en revanche pas été observée chez les animaux porteurs de Bacteroïdes fragilis n'exprimant pas la toxine.

«Cette toxine clive une protéine, la cadhérine, indispensable à l'étanchéité de la barrière digestive, explique Nadine Cerf-Bensussan, directrice de l'unité Inserm 793, qui étudie les interactions entre l'épithélium intestinal et le système immunitaire. Or, l'intégrité de cette barrière est nécessaire pour limiter l'entrée des bactéries présentes dans la lumière intestinale et éviter une réaction inflammatoire chronique excessive dans l'intestin, dont on sait qu'elle favorise la cancérogénèse locale.

»Les Bacteroides fragilis sécréteurs de toxine pourraient-ils être l'équivalent des Helicobacter pylori pour les cancers du côlon ? «Cette hypothèse est séduisante, mais de nombreuses études, en particulier épidémiologiques, restent nécessaires pour l'étayer chez l'homme

Figaro

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