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Edito : La médecine régénératrice ouvre d'immenses espoirs

Depuis 5 ans, les avancées en biologie ont montré que l'irréversibilité génétique des cellules dites différenciées n'est plus aussi certaine. Contrairement à ce qui était admis il y a encore quelques années, on sait désormais que presque tous les types de cellules, et non les seules cellules embryonnaires, possèdent une étonnante plasticité cellulaire. De nombreuses perspectives thérapeutiques régénératrices voient le jour avec l'avènement des cellules-souches, embryonnaires ou adultes, et l'on peut penser que dans un avenir assez proche (c'est déjà le cas avec les greffes de cellules-souches hématopoïétiques), il sera possible de réparer n'importe quel tissu lésé. Récemment, un malade cardiaque de 74 ans, Jim Nichol, a été traité avec des cellules-souches adultes à l'hôpital John Hunter de Newcastle en Australie. Cet hôpital travaille sur l'utilisation de ces cellules pour stimuler la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins dans le coeur de patients ne pouvant plus être soignés grâce aux méthodes conventionnelles d'angioplastie ou de pontage. L'équipe du cardiologue Suku Thambar a extrait des cellules souches provenant de la moelle de la hanche de Jim Nichol, les a cultivées puis réinjectées au niveau du muscle cardiaque. Il faut à présent attendre le résultat des études complémentaires sur six mois pour savoir si l'expérience est véritablement concluante. Le docteur Michel Levesque du Cedars-Sinai Medical Center de Los Angeles avait utilisé une méthode similaire pour traiter un patient atteint de la maladie de Parkinson. Il avait prélevé des cellules-souches adultes du cerveau du malade, puis les lui avait réinjectées. Deux ans après, l'homme ne présenterait plus de symptômes de la maladie. Ces exemples montrent que la biologie est en train de vivre une nouvelle révolution technologique, cinquante ans après la découverte de la double hélice d'ADN. Maurice Tubiana, Président de l'Académie nationale de médecine, en clôture du colloque sur les cellules-souches et la thérapie cellulaire qui s'est tenu à l'Académie des sciences, a d'ailleurs souligné récemment les possibilités nouvelles qu'offrent chaque jour les recherches sur les potentialités des cellules souches embryonnaires et adultes. Cependant, de nombreux mystères restent à éclaircir et la recherche sur la plasticité cellulaire n'en est qu'à ses débuts. On ne sait pas encore si les cellules-souches qu'on observe se différencier dans les organes (foie, cerveau, moelle épinière notamment) proviennent des organes eux-mêmes (réservoirs), de la migration des cellules-souches provenant d'un autre endroit, ou bien encore si elles ne dérivent pas d'une trans-différenciation provoquée par une réversibilité génétique (théorie émise par Neil Theise, du New York University Medical Center). Mais les observations et des preuves expérimentales accumulées depuis 5 ans par de nombreuses équipes de recherches confirment la réalité d'une plasticité cellulaire de nombreuses cellules (hématopoïétiques, hépatiques, neurales, etc...), c'est-à-dire la capacité à pouvoir de nouveau revenir à un état totipotent et pour, sous certaines conditions, se redifférencier en d'autres types cellulaires. La naissance de la brebis Dolly a mis en évidence que l'on était capable de reprogrammer le noyau d'une cellule adulte pour en faire un embryon capable de générer tous les types cellulaires. De même, les cellules-souches adultes, qui pourraient constituer une alternative aux cellules-souches embryonnaires, semblent être en mesure de fournir une réserve pour de nombreux types cellulaires (cellules-souches de muscle squelettique en cardiomyocytes, cellules-souches de cerveau en cellules hématopoïétiques, etc...). Alors que le débat éthique sur le clonage thérapeutique s'intensifie et que l'importation de deux lignées de cellules-souches embryonnaires vient d'être autorisée par le Ministère de la Santé, une nouvelle découverte scientifique vient encore de confirmer l'extraordinaire plasticité des cellules-souches adultes. Une équipe de chercheurs français, norvégiens et américains a réussi à reprogrammer et à transformer en éprouvette des cellules adultes humaines de peau en cellules nerveuses radicalement différentes (Nature biotechnology de mai 2002 http://www.nature.com/cgi-taf/dynapage.taf?file=/nbt/journal/v20/n5/index.html). Ces dernières se comportent comme des acteurs du système immunitaire ou du système nerveux sans passer par l'étape du clonage thérapeutique qui comporte de nombreux et sérieux risques de dérives éthiques, comme le clonage reproductif ou les risques de dérive marchande des ovocytes féminins. L'équipe d'Anne-Marie Hakelien, de l'université d'Oslo, et de Philippe Collas, a mis au point un procédé novateur à partir de fibroblastes qu'ils ont rendus perméables pour éliminer certains composants avant de les mettre en présence d'une « soupe » de cellules T du système immunitaire. Cette « soupe » contient des facteurs nucléaires qui ont été transportés jusque dans le noyau des fibroblastes. Ils se sont liés à l'ADN et ont réussi à réguler l'expression de certains gènes dans un sens radicalement différent. Cette transformation particulièrement impressionnante a perduré au moins deux mois. L'équipe a ensuite réalisé une opération similaire à partir de fibroblastes transformés cette fois à l'aide de précurseurs de neurones, en cellules porteuses de projections ressemblant à des débuts d'axones et synthétisant des neurofilaments protéiques. Si cette flexibilité cellulaire se confirme, elle pourrait constituer une alternative prometteuse au clonage thérapeutique et ouvrir une voie royale vers une médecine régénératrice, permettant d'obtenir à partir des propres cellules de peau d'un patient, des cellules dotées de propriétés radicalement différentes. La communauté scientifique est à présent persuadée que de tels outils seront la source d'innovations thérapeutiques qui bouleverseront la médecine de demain : capacité de régénérer les neurones dans les maladies neurodégénératives ou bien les cellules cardiaques après un IDM, remplacement des cellules pancréatiques déficientes dans le diabète, et bien d'autres applications encore. Notre pays a enfin pris la mesure de ces extraordinaires perspectives de réparation cellulaire, et des immenses enjeux économiques qui en découlent, en autorisant il y a quelques jours l'importation de cellules-souches embryonnaires. Cette décision était réclamée depuis novembre 2001 par de nombreux chercheurs français, dont quatre prix Nobel : G. Charpak, J. Dausset, F. Jacob et J.M. Lehn. Elle devrait permettre à la France de ne pas se laisser distancer dans la compétition scientifique internationale par les pays autorisant déjà la recherche sur les embryons surnuméraires (EU, GB notamment). Nous devons cependant être conscients que ces avancées extraordinaires de la biologie, caractérisées notamment par une maîtrise croissante des techniques de clonage, vont soulever dans un futur proche de redoutables questions éthiques dont les débats sur le clonage thérapeutique ne sont que les prémices. Les immenses espoirs soulevés par cette médecine régénérative vont susciter une pression économique et sociale très forte pour développer toutes les voies de recherche en matière de cellules-souches et de plasticité cellulaire. Nous devons donc rester très vigilants et veiller à ce que ces recherches prometteuses gardent une finalité thérapeutique incontestable et se poursuivent de manière transparente dans un cadre législatif et éthique précis et rigoureux.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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