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Maladie de Crohn : identification d’une protéine initiatrice de l’inflammation

Plus connue dans le domaine du cancer, la protéine AGR2 (Anterior-gradient 2), pourrait avoir un rôle déterminant dans le déclenchement de l’inflammation et des symptômes liés à la maladie de Crohn. Physiologiquement, cette protéine agit au sein du réticulum endoplasmique, le réseau membranaire intracellulaire dans lequel s'effectue, entre autres, la synthèse des protéines afin de contrôler la qualité des protéines qui y sont synthétisées.

Mais dans des conditions de stress cellulaire, un déséquilibre aboutit à sa sécrétion. Une fois dans le milieu extracellulaire, la protéine se comporterait comme une chimiokine, attirant des cellules immunitaires au niveau des zones de brèches de la paroi intestinale. S’enclencherait alors les processus immunitaires et inflammatoires responsables des symptômes, souvent sévères et invalidants, liés à la maladie de Crohn.

« La maladie de Crohn est, avec la rectocolite hémorragique, une maladie des modes de vie occidentaux, en plein essor, notamment dans les pays qui adoptent le même mode de vie », explique Éric Ogier-Denis qui a codirigé ces travaux avec Éric Chevet de Rennes. « C’est une pathologie inflammatoire d’origine multifactorielle, qui peut être très invalidante du fait des douleurs et des complications intestinales et extradigestives qu’elle induit ».

Les médicaments actuellement disponibles sont insatisfaisants : ils ciblent essentiellement les médiateurs de l'inflammation responsables de ces manifestations, sans s’attaquer à la cause. Ils n’offrent pas toujours une rémission de la maladie et exposent à des risques au long cours. « Si les mécanismes initiant l’inflammation sont identifiés avec précision, ils constitueront des cibles thérapeutiques intéressantes pour de nouveaux traitements ».

Éric Ogier-Denis et son équipe s’intéressent aux mécanismes cellulaires impliqués dans les maladies intestinales chroniques inflammatoires (MICI). Dans ce travail, leur attention s'est portée sur la protéine AGR2 : « la barrière épithéliale intestinale est le seul rempart entre le microbiote et le système immunitaire. Or en cas de stress chronique, le réticulum endoplasmique (RE) cesse d'y fonctionner normalement ce qui conduit à une inflammation intestinale. La perte de la protéine AGR2, qui joue un rôle clé dans le RE, est également associée à cette inflammation. Il restait à savoir si ces deux paramètres sont liés et impliqués dans la physiopathologie inflammatoire des maladies intestinales ».

À travers trois étapes expérimentales, les chercheurs ont pu décrire le rôle central et précurseur d'AGR2 dans la physiopathologie de la maladie. En premier lieu, ils ont pu décrire que la protéine existe sous deux configurations, l’une monomérique (une unité), l’autre dimérique (assemblage de 2 unités), dont les proportions relatives semblent réguler la fonction normale du RE dans des cellules épithéliales étudiées in vitro. Ainsi, un excès de la forme monomérique est associé à la sécrétion anormale de la protéine hors de la cellule. Par une approche systématique d’invalidation de l’expression de l’ensemble des protéines du RE connues à ce jour, les chercheurs ont identifié celles qui stabilisaient la formation de dimères ou de monomères d'AGR2.

Ensuite, sur des biopsies, ils ont pu confirmer l'existence d'une altération de l’expression de certaines de ces protéines, associée à une sécrétion pathologique extracellulaire d’AGR2.

Enfin, à partir de travaux menés sur des échantillons tissulaires, ils ont pu décrire que les cellules épithéliales sécrétant AGR2 présentaient des propriétés chimio-attractives vis-à-vis de certaines cellules immunitaires, capables de capturer, ingérer et détruire des particules ou des microorganismes notamment. Ces dernières favorisent leur migration au niveau des zones de brèches de la barrière intestinale, initiatrice d’un mécanisme inflammatoire.

Deux importantes perspectives liées à ce travail se dessinent. La première est pronostique : il s’agira d’évaluer si le dosage d’AGR2 au niveau sanguin peut aider à évaluer la sévérité de la maladie et le sur-risque de cancer colorectal. La seconde est thérapeutique : « Nous développons un anticorps capable de reconnaître une autre molécule afin de faciliter son élimination thérapeutique visant à neutraliser l’AGR2. Nous cherchons également à identifier le récepteur cellulaire auquel se lie AGR2 au niveau des cellules immunitaires, afin de développer une petite molécule spécifique capable d’en bloquer l’accès ».

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Inserm

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