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Edito : L'Internet à haut débit pour tous est aussi un enjeu local

Une récente étude Louis-Harris nous apprend que 61 % des Français déclarent se tenir informés sur «ce qui a trait aux nouvelles technologies». En terme d'usage, 66 % des Français utilisent un téléphone, 39 % utilisent un ordinateur ou un portable à leur domicile et 22 % utilisent Internet chez eux. Si les assistants numériques personnels ne se sont pas encore généralisés auprès du grand public, il n'en va pas de même pour le lecteur DVD qui connaît une progression beaucoup plus forte que prévue (16 % d'utilisateurs et 17 % d'intention d'achat). Cette étude montre clairement que nos concitoyens ont un réel intérêt pour les nouveaux outils technologiques. Mais cet intérêt relève d'une approche très pragmatique, liée à l'utilité concrète de ces nouveaux outils dans la vie quotidienne, et à leur facilité d'utilisation. L'extraordinaire succès du téléphone mobile constitue, à cet égard, l'exemple le plus révélateur. Il n'en demeure pas moins vrai que le prix des produits et services faisant appel aux nouvelles technologies de l'information reste un puissant facteur dissuasif pour 84 % des personnes interrogées et explique le fossé qui existe entre l'intérêt que porte le grand public à ces nouveaux outils et les taux d'équipement réels. Ce fossé est tout à fait visible si l'on considère le faible taux de raccordement des foyers français à l'Internet, moins de 20 %, soit deux fois moins que nos voisins anglais, allemands ou scandinaves. Il est certain, même si ce n'est pas la seule raison, que le coût d'utilisation de l'Internet reste un frein au raccordement rapide des foyers à la toile. C'est pourquoi il est si urgent de mettre en place l'Interconnexion Forfaitaire Illimitée et, de manière complémentaire, de permettre l'accès à l'Internet haut débit -via l'ADSL- sur l'ensemble du territoire. L'IFI consiste pour l'opérateur historique à remplacer la facturation "à la minute" par un forfait global qui ne prend pas en compte la durée des connexions. Cette mesure devrait permettre aux fournisseurs d'accès Internet de proposer des forfaits illimités sur le réseau RTC dans de bonnes conditions. Jusqu'à présent, toutes les offres proposées ont dû être arrêtées pour des raisons de coûts prohibitifs pour le fournisseur. Cette question de l'interconnexion forfaitaire illimitée est actuellement au coeur de l'actualité en Europe, où plusieurs gouvernements se sont clairement prononcés en faveur de l'IFI. En Grande-Bretagne, l'opérateur historique British Télécom vient même d'être contraint par l'autorité anglaise de régulation d'adopter ce type de modèle. Ce nouveau système va permettre aux opérateurs et fournisseurs d'accès britanniques de réduire leurs coûts et d'augmenter la couverture du territoire pour leurs offres. En France, il existe actuellement un désaccord persistant entre l'ART et France Télécom sur l'« offre de référence » pour l'accès à la boucle locale - la portion du réseau de l'opérateur historique qui aboutit chez l'abonné. Le Conseil d'Etat vient d'ailleurs d'être saisi de ce contentieux. L'offre de référence fixe les conditions d'accès des opérateurs concurrents à la boucle locale, infrastructure encore sous le contrôle de l'opérateur historique. Deux points sont contestés par l'opérateur historique : il ne veut pas réduire de 1 067 F à 708 F les frais initiaux pour raccorder la ligne d'un opérateur tiers à la boucle locale. En outre, France Télécom refuse de fournir les câbles entre ses locaux et ceux des opérateurs concurrents. Ce contentieux économico-juridique pourrait paraître anecdotique s'il ne mettait pas en cause le développement local et l'égalité d'accès à l'information sur tout le territoire national. La demande de plus en plus pressante exprimée par les internautes et les entreprises de disposer d'un accès forfaitaire illimité à l'Internet ne relève pas du caprice mais de la nécessité, si l'on souhaite lever l'obstacle du coût d'utilisation qui reste dissuasif pour de nombreux utilisateurs. En outre, la généralisation de l'IFI ne pourra qu'accélérer de manière très positive le développement de l'Internet rapide, que ce soit par l'ADSL, le satellite ou la boucle locale radio. Or, dans ce domaine, la France a malheureusement pris du retard sur ses principaux voisins. Sur ce point capital, le cabinet Tactis vient de réaliser une cartographie de la couverture potentielle de la population française en ADSL en mars 2001 qui confirme la fracture numérique entre ville et campagne (http://www.hautdebit.isocfrance.org). Cette carte, réalisée à partir de données fournies par France Télécom, révèle une grande inégalité dans l'accès des populations à l'ADSL. Disposant déjà du câble et de liaisons spécialisées à bas prix, les départements de la région parisienne et de la région Rhône-Alpes sont parmi ceux qui s'en sortent le mieux. En revanche, les départements du Massif Central, de l'Est et de la Basse-Normandie figurent parmi les plus mal servis. On comprend mieux, à la lumière de ces inégalités territoriales, pourquoi un nombre croissant de collectivités locales, incitées il est vrai par un cadre législatif et réglementaire plus souple, s'investissent directement dans la réalisation de réseaux de télécommunications et la fourniture de services publics en ligne.

Cette orientation répond en effet à une demande locale très forte de la population, comme le montre une récente étude de l'IFOP. Celle-ci indique que 90 % des personnes interrogées souhaitent qu'une part plus importante du budget de leur commune soit consacrée à l'équipement en micro-ordinateurs des élèves, la même proportion souhaite le recrutement de formateurs pour favoriser l'apprentissage de l'informatique à l'école et 83 % des personnes interrogées se déclarent pour l'ouverture d'espaces publics qui permettraient à ceux qui le veulent d'apprendre à se servir d'Internet. Enfin, 78 % de nos concitoyens souhaitent la mise à disposition sur Internet des services de leur commune, état-civil et services sociaux notamment. Conscients que l'Etat ne peut pas tout faire, même s'il conserve un rôle essentiel en matière d'aménagement du territoire, les Français, notamment lorsqu'ils habitent dans le monde rural, attendent que leurs élus locaux, leurs municipalités et leurs départements prennent des initiatives concrètes et consacrent des moyens suffisants pour favoriser l'accès à l'Internet rapide par le plus grand nombre, en tant que nouvel outil indispensable de travail, d'éducation mais aussi de relation moderne et transparente avec l'administration et d'exercice plus vivant de la démocratie locale.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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