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Homo sapiens est en Europe depuis 47 000 ans

De quand date l’arrivée d’Homo sapiens en Europe ? Des dents découvertes dans la grotte du Cheval, en Italie, et un fragment de mâchoire trouvé dans les grottes de Kent, en Angleterre, datés de 45 000 ans, étaient jusqu’ici les plus anciens restes d’hommes modernes connus sur le continent. Mais cette datation faisait débat, car il y a un doute sur les strates dont ces vestiges proviennent. Une nouvelle datation d’ossements humains trouvés dans la grotte de Bacho Kiro, en Bulgarie, plus fiable, repousse cette date.

En 2019, l’Institut national archéologique bulgare et le Département d’évolution humaine de l’Institut Max Planck de Leipzig ont relancé la fouille de la grotte de Bacho Kiro, ce qui a conduit à la découverte de fragments d’os humains dans l’avant-dernière strate avant le substrat rocheux. Ces découvertes étaient d’autant plus excitantes que la strate en question contenait de nombreux artefacts appartenant à l’industrie dite du « Paléolithique supérieur initial ».

Associée aux hommes anatomiquement modernes vivant au Proche-Orient entre le Paléolithique moyen tardif et le Paléolithique supérieur initial, cette industrie, qui mêle des éléments de la technique Levallois typique du Paléolithique moyen et des lames retouchées et des outils typiques du Paléolithique supérieur, s’est répandue à l’ouest de l’Eurasie entre 50 000 et 45 000 ans avec la première vague d’Homo sapiens progressant vers le nord. Des dents de carnivores percées en guise de pendentif découvertes dans la même strate constituent les plus anciens ornements corporels de ce genre en Europe et témoignent du renouveau culturel apporté par cette vague migratoire.

Afin de situer précisément dans le temps la strate contenant ces traces sapiens, les chercheurs ont commencé par identifier les espèces des plus de 11 000 fragments osseux découverts, en utilisant la technique ZooMS, c’est-à-dire par spectroscopie de masse du collagène. Ils ont ainsi identifié 23 espèces, dont Homo sapiens représenté par quatre fragments. Si l’on en croit les ossements d’animaux, ces chasseurs se nourrissaient de cervidés, de caprins, de chevaux, d’aurochs et de bisons. Nombre de carnivores sont aussi présents, notamment l’ours des cavernes. Ce mélange de faune est caractéristique des Balkans pendant le Stade isotopique de l’oxygène 3 (- 57 000 à - 29 000 ans). Outre les dents mentionnées plus haut, des outils, notamment des poinçons et des lissoirs servant à travailler le cuir, sont également remarquables.

Puis les chercheurs ont mis en concurrence deux techniques de datation radicalement différentes. D’une part, ils ont daté par radiocarbone une centaine de fragments osseux. D’autre part, ils ont extrait de l’ADN mitochondrial des os, l’ont séquencé, puis l’ont daté par la technique d’horloge moléculaire, c’est-à-dire en comptant le nombre de mutations accumulé, supposé proportionnel au temps écoulé.

Les deux types de datation convergent : les Homo sapiens de la grotte de Bacho Kiro ont occupé le site entre 46 000 et 44 000 ans. Toutefois, comme l’industrie lithique du Paléolithique supérieur initial découverte dans la même couche que les ossements est aussi présente dans la couche sous-jacente, au contact avec le socle rocheux, les chercheurs estiment que la première occupation de la grotte de Bacho Kiro par Homo sapiens date vraisemblablement de 47 000 ans.

Mais de quels Homo sapiens s’agit-il ? Si les paléoanthropologues distinguent la culture matérielle du Paléolithique initial de celle de l’Aurignacien (entre 43 000 et 26 000 ans), qui lui succédera, ils en distinguent aussi les membres. De fait, l’ADN mitochondrial des hommes de Bacho Kiro comprend notamment un représentant du macro-haplogroupe M, absent d’Europe aujourd’hui et que l’on retrouve dans les îles Andamans, dans le nord-est de l’océan Indien, où subsistent encore des cultures de type paléolithiques issues de la première vague sapiens hors d’Afrique. Apparemment, les premiers Bulgares, qui faisaient aussi partie de cette vague, n’ont pas eu de descendants en Europe.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Pour La Science

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