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Une greffe de jambes fait débat chez les médecins

Des chirurgiens espagnols ont réalisé une première en greffant deux jambes à un amputé. Le monde médical reste sceptique.

Dans la course à laquelle se livrent les équipes chirurgicales en matière de greffes d’organes, l’Espagne vient de marquer un point. Il y a quelques jours, le docteur Pedro Cavadas a greffé deux jambes à un amputé âgé d’une vingtaine d’années. L’opération a été conduite dans un bloc opératoire de l’hôpital La Fe de Valence. Trente-cinq médecins et infirmières ont été mobilisés pour cette première. «Si tout se passe comme nous l’espérons, il serait raisonnable de penser que dans six à sept mois notre patient pourrait marcher», s’est avancé Pedro Cavadas.

  • Chirurgien optimiste

Le chirurgien espagnol est un habitué de ce genre de prouesses médicales. Il a réalisé en 2008 la première double greffe de bras et en 2009 la première greffe de visage en Espagne. Jusqu’à présent toutes les tentatives de greffes de membres inférieurs s’étaient soldées par des échecs. Fort de son succès, Pedro Cavadas se montre optimiste pour l’avenir, allant jusqu’à imaginer le greffé «abandonner ses béquilles» pour marcher. Le monde médical reste cependant partagé. L’expérience a montré par le passé qu’il ne fallait pas crier victoire trop vite. En juin 2009, l’homme qui avait été le premier greffé main-visage par l’équipe du professeur Laurent Lantieri à Paris est décédé d’un arrêt cardiaque deux mois après son opération.

Passé la période critique de six mois qui suit la greffe, la question est de savoir si l’homme opéré pourra utiliser ses nouvelles jambes. Si la connexion aux nerfs sciatiques ne prend pas, il n’aura aucune sensibilité aux jambes et ne pourra donc pas remarcher. A Lyon, le professeur Jean-Michel Dubernard, qui a réalisé la première greffe de la main en 1998, ne minimise pas la part d’incertitudes, mais il estime qu’il fallait essayer.

  • Retrouver la motricité

Dans les colonnes du Figaro, le professeur Laurent Lantieri affiche une position nettement plus sur la réserve. «C’est très différent de transplanter un membre supérieur ou un membre inférieur. Avec les jambes, la consolidation est beaucoup plus longue. Et puis surtout, on ne s’appuie pas sur une main !» explique le chirurgien. Certaines équipes médicales soufflent qu’une greffe de jambe qui revient à relier des vaisseaux sanguins assez gros n’est pas «techniquement» difficile. De fait, le vrai défi est celui de la motricité.

L’homme greffé pourra-t-il se servir de ses jambes ? Les premières médicales portent leur lot d’espoirs et de déceptions. La première greffée du visage opérée en 2005 en France par les professeurs Dubernard et Devuchelle a redonné l’espoir aux personnes défigurées en bougeant ses lèvres et en esquissant un début de sourire quelques semaines après l’opération. Mais il y a aussi des cas de patients qui ont préféré se faire enlever leurs greffons, les jugeant inutiles et le traitement immunosuppresseur trop lourd. On saura dans un an si l’opération a réussi.

Tribune de Genève

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