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La génétique et l'embryologie volent au secours de Darwin

Les biologistes tournent aujourd'hui le dos à Darwin. Ils ne sont, évidemment, pas devenus créationnistes, mais ils estiment que la théorie darwinienne classique ne peut décrire que la moitié de l'histoire du monde vivant. Une génération nouvelle de biologistes est en train d'appliquer des solutions ultra-modernes aux problèmes soulevés par leurs collègues des époques antérieures à Darwin. La sélection naturelle de Darwin explique bien des détails : pourquoi, par exemple, les paons ont une longue queue magnifique, les orchidées des fleurs énormes ou plus petites. Mais les darwiniens ont tendance à négliger les " grandes " questions de la biologie : pour quelles raisons les paons sont-ils pourvus d'une queue (quel qu'en soit l'aspect) ; pourquoi les plantes portent-elles des fleurs ; pourquoi les vertébrés terrestres marchent-ils sur quatre pattes, et non pas sur six ou huit ; pourquoi notre tête possède-t-elle en double exemplaire les organes des sens ? Plus fondamentalement encore : comment se fait-il que tous les organismes multicellulaires - de la fourmi à l'éléphant - se développent de façon aussi efficace et fiable à partir d'une seule cellule microscopique, l'oeuf ? C'est le type de questions que posent même les enfants, et que les biologistes n'ont cessé de soulever avant Darwin. Existe-t-il des lois de la forme, ou des lois du développement ? Comment le développement d'un individu est-il lié à l'évolution ? Comment se fabriquent les bébés ? Ces interrogations - auxquelles la sélection naturelle a bien du mal à répondre autrement que par des affirmations vagues fondées sur une plausibilité subjective - sont au coeur de la biologie du développement et de l'évolution. La technologie de la génétique moderne a à ce point progressé que les chercheurs commencent, enfin, à pouvoir aborder ces grandes questions laissées en suspend par la théorie de l'évolution . En utilisant des machines automatiques pour étudier simultanément le comportement de tous les gènes d'un organisme, il est aujourd'hui possible de déterminer quels sont les gènes actifs d'une cellule de levure en train de se diviser. En utilisant les mêmes stratégies, on pourra bientôt observer comment ces mêmes gènes développent, à partir de bourgeons informes, les membres d'un être vivant et élaborent les traits les plus personnels et les plus expressifs du visage. Quand nous serons capables de décrire ces processus magiques en termes de réseaux (certes, très complexes) de gènes interactifs, peut-être les appréhenderons-nous mieux et serons-nous en mesure d'en corriger les erreurs. Peut-être aussi pourrons-nous inciter les génomes à faire d'autres choses. A modifier, par exemple, la conformation ou le nombre des membres d'un animal. Ou à concevoir des formes de vie entièrement nouvelles à partir de rien. Ce type d'ingénierie du génome donne une tout autre dimension au travail classique sur la génétique et représentera un défi technique et moral pour le XXIème siècle. Déjà, certains chercheurs estiment qu'ils seront bientôt prêts à créer en laboratoire des formes simples de vie, et soumettent cette perspective à la question éthique. Au-delà des quelques espèces bien-aimées des biologistes - mouche, souris, grenouille, etc. -, quelque trente millions d'êtres vivants attendent le décryptage de leurs gènes, représentant autant de continents obscurs au potentiel inexploité. Ce travail devrait présenter un autre avantage, celui de nous permettre de comprendre la façon dont le processus de développement a lui-même évolué. Nous serons, enfin, en mesure de répondre, par exemple, à la question de savoir comment une forme complexe de vie animale est apparue il y a cinq à six cent millions d'années. Ou comment il se fait que l'homme et le chimpanzé, qui partagent tant de gènes, ont un aspect et un comportement totalement différents. Le XXIème siècle sera celui d'une autre révolution dans la compréhension biologique, qui ira bien plus loin que la révolution darwinienne.

Le Monde : http://www.lemonde.fr/article/0,2320,seq-2077-43856-QUO,00.html

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