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Face à la concurrence, les plantes adaptent le développement de leurs racines

Bien que cachées, les racines revêtent une importance capitale pour les plantes et les écosystèmes. Siège de l’absorption de l’eau et des nutriments du sol, leur développement conditionne la croissance végétale et donc les rendements agricoles. À l’échelle globale, on estime que les racines représentent un tiers de la biomasse végétale vivante et constituent ainsi d’importants réservoirs de carbone.

Comprendre le développement des racines est donc un enjeu majeur pour la production alimentaire et la lutte contre le changement climatique. Or la croissance du réseau racinaire d’une plante était jusqu’à présent assez mal comprise, notamment en présence de plusieurs réseaux concurrents. En s’appuyant sur la théorie des jeux, Ciro Cabal, de l’Université de Princeton, aux États-Unis, et ses collègues ont établi un nouveau modèle capable d’expliquer la répartition des racines dans le sol.

Une plante est capable de percevoir les ressources dans le sol environnant, mais aussi la présence de racines étrangères. Elle peut alors répondre à ces stimuli et adapter le développement de ses racines en conséquence. Cependant, les expériences menées jusqu’à présent ne permettaient pas de dire si les plantes adoptent une stratégie « agressive » visant à préempter un maximum de ressources, ou si elles optent pour une approche « coopérative » avec un partage équitable.

On ne savait pas non plus si une communication entre les plantes était nécessaire. Pour y voir plus clair, Ciro Cabal et ses collègues ont développé un modèle théorique qui prend en compte le coût que représente pour la plante le développement d’une racine en fonction de la distance à la tige. Plus une racine croît loin, plus elle coûte en énergie et en matière à la plante, car il faut y transporter des molécules organiques et y mettre en place un ensemble de vaisseaux capables d’acheminer l’eau et les nutriments jusqu’à la tige.

Que se passe-t-il quand une seconde plante est présente à proximité ? La concentration en ressources accessibles est maximale près de la tige et diminue à mesure que les racines se rapprochent de la plante concurrente, car celle-ci prélève aussi une part des ressources présentes dans le sol. À une certaine distance, la dépense énergétique pour faire croître la racine dépasse le gain en ressources. Ce modèle prédit alors l’émergence d’une « ségrégation opportuniste » : chacune des plantes diminue l’étendue de ses racines, mais développe un réseau racinaire plus dense près de sa tige.

Pour tester leur modèle, les chercheurs ont cultivé en serre, dans un substrat artificiel, des plants de poivrons (Capsicum annuum), soit seuls, soit par deux, puis ont évalué leur densité de racines en fonction de la distance à la tige. Ils ont observé une ségrégation des racines chez les plantes cultivées par deux : l’extension horizontale moyenne des racines d’un plant est de 40 centimètres dans toutes les directions, mais en présence d’un plant concurrent placé à 10 centimètres, l’extension des racines se réduit à 20 centimètres dans cette direction.

De même, la densité racinaire est plus importante près de la tige pour les couples de plants que pour les plants solitaires, et plus faible quand on s’éloigne de la tige. Cette ségrégation, qui donne l’impression d’un comportement coopératif de partage des ressources (comme observé dans les études précédentes), est en fait de nature opportuniste et repose avant tout sur le coût énergétique du déploiement du réseau racinaire, sans que les plantes aient besoin de communiquer entre elles.

Cette découverte pourrait aider à ajuster les pratiques de culture pour améliorer les rendements, par exemple en optimisant la distance entre les plants et la stratégie de fertilisation des sols.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Pour la Science

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