RTFlash

Droits d'auteur sur Internet : la classe politique et le monde culturel profondément divisés

Les députés ont désavoué le gouvernement dans le débat sur les droits d'auteur sur Internet. Une fronde transcendant les clivages partisans a empêché l'adoption avant la fin de l'année du projet de loi. L'examen du texte présenté par Renaud Donnedieu de Vabres reprendra à partir du 17 janvier, après les vacances parlementaires.

Les députés ont débattu jusqu'à la fin de la session parlementaire de l'article 7, le coeur du projet, sans parvenir à l'adopter. L'article 7 qui, transposant une disposition clef de la directive européenne de mai 2001, introduit en droit français l'autorisation et la protection des "mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur, d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme". Cet article 7 concerne donc la question capitale du contrôle des oeuvres numériques.

Les débats sur le projet de loi relatif aux "droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information", déjà passionnés, se sont enflammés avec l'adoption de deux amendements légalisant les échanges de fichiers entre internautes ("peer to peer"). Votés par 30 voix contre 28 malgré l'avis négatif du gouvernement, ces deux amendements identiques, créent une "licence globale optionnelle".

"L'auteur ne peut interdire les reproductions effectuées sur tout support à partir d'un service de communication en ligne par une personne physique pour son usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à l'exception des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde", stipulent les amendements Suguenot et Paul. Les internautes acquitteraient en échange une redevance forfaitaire aux fournisseurs d'accès. Ces deux amendements adoptés par une coalition de députés UMP, PS et PCF remettent en cause l'architecture du texte, dont l'objectif de lutter contre le développement du piratage de musique et de films sur Internet par des mesures techniques de protection des oeuvres.

Leur adoption a été applaudie par les associations de consommateurs et d'internautes, vent debout contre le texte. Les artistes sont, eux, immédiatement montés au créneau pour s'inquiéter de cette menace pour leurs droits d'auteur.

Dans un communiqué commun, les organisations professionnelles du cinéma et de l'audiovisuel ont fait part de leur "profonde inquiétude" face à cette "expropriation des droits d'auteur sur Internet", et invité le gouvernement à trouver rapidement "les solutions permettant de rétablir l'équilibre entre les intérêts des ayant droit et des consommateurs". Face à l'ampleur que prend cette question des droits d'auteurs, Renaud Donnedieu de Vabres a voulu demander une nouvelle délibération des deux amendements. Mais le président du groupe UMP Bernard Accoyer s'y est opposé. En conséquence, l'examen des articles un et deux a été reporté jusqu'à la fin du débat.

"Il n'est pas question de revenir à cette heure sur ce qui a été voté, mais par contre d'approfondir, de débattre", a déclaré à la presse M. Accoyer. Le groupe UMP entend "laisser le temps nécessaire pour écouter les nombreuses expressions", "en tenir compte" et "voter le meilleur texte possible". A la reprise des débats, le ministre de la Culture a jugé cette décision "sage", et souhaité que ce délai de réflexion permette une "réconciliation" entre les défenseurs des internautes et ceux des artistes.

Après avoir décidé du report en janvier de l'examen de ce projet de loi sur les droits d'auteurs, M. Donnedieu de Vabres, a précisé « qu'il n'a pas l'intention de renoncer à son projet". Le ministre de la Culture qualifie de "fausse bonne idée" la légalisation du téléchargement en échange d'un prélèvement global sur les abonnements Internet. "Cette taxe poserait des problèmes de répartition de droits, ce qui la rend inacceptable. Elle ne permettrait pas de rémunérer correctement les artistes et menacerait l'économie et les emplois liés à la création. J'ai en face un ennemi redoutable : le rêve de la gratuité", fait-il valoir. Le ministre de la Culture se défend de sanctionner les internautes sans respecter les droits de la défense ou favoriser les industriels du divertissement et de l'informatique.

Il veut "créer une alternative aux sanctions pénales", se disant fier d'un "système novateur de réponse graduée" comportant d'abord un courriel d'avertissement pour les contrevenants, suivi d'une lettre recommandée puis d'une amende en cas de récidive. En outre, souligne-t-il, le droit à la copie privée serait "garanti par loi", chaque consommateur devant pouvoir "continuer à pouvoir partager les oeuvres qu'il aime au sein du cercle familial"

Fait intéressant, cette question centrale, mais complexe, du contrôle des droits d'auteur sur le Net ne divise pas seulement la classe politique mais aussi le monde culturel et artistique. Si de nombreux artistes français en contrat avec les "majors" Universal Music, Sony-BMG, EMI et Warner, ont manifesté leur hostilité vis-à-vis de ces amendements et de la "licence globale", plus de 13.000 autres artistes ont signé une pétition en faveur de l'instauration d'une "licence globale optionnelle" pour légaliser les échanges non commerciaux sur Internet.

Prochain épisode de ce feuilleton à rebondissements en janvier...

Article @RTFlash

AN

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

  • Transformer les déchets non recyclables en cailloux

    Transformer les déchets non recyclables en cailloux

    Près d’Angers, une jeune start-up s’est donné pour objectif de transformer les déchets jusqu’ici non recyclables en cailloux, pour être ensuite utilisés comme matériau de construction. Néolithe, ...

Recommander cet article :

back-to-top