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Les doigts de sel stratifient l'océan

Des simulations numériques expliquent pourquoi des couches de température et salinité assez uniformes peuvent se former dans les océans.

Dans certaines régions des océans, la colonne d’eau est structurée en couches où la température et la salinité sont assez uniformes, ces grandeurs décroissant par palier d'une couche à l'autre à mesure que la profondeur augmente. L’épaisseur typique d’une couche est de 10 à 30 mètres, et la transition se fait sur un à trois mètres de profondeur. Pourquoi observe-t-on un tel profil en escalier de la température et de la salinité, ou « escalier thermohalin », au lieu d'une variation régulière ? Des simulations numériques effectuées par deux chercheurs, en Italie, confortent et précisent l’une des hypothèses émises par les océanographes, celle incriminant les « doigts de sel ».

Selon cette hypothèse, l’origine de la stratification thermohaline est à chercher dans d’étroits volumes d’eau plus chaude et plus salée que l’eau environnante et qui s’enfoncent dans cette dernière, nommés doigts de sel. Or Francesco Paparella, de l’Université du Salento à Lecce, et Jost von Hardenberg, de l’Institut des sciences atmosphériques et du climat à Turin, ont constaté dans leurs simulations que les doigts de sel se regroupent pour former de plus grandes structures convectives. Ce regroupement permettrait de brasser des volumes d’eau suffisamment importants pour que la température et la salinité deviennent homogènes au sein d’une couche, et expliquerait ainsi la stratification.

Mais qu’est-ce qu’un doigt de sel et comment se forme-t-il ? Partons d’une couche où la température et la salinité décroissant régulièrement avec la profondeur. Supposons que, par suite d’une fluctuation, un petit volume d’eau chaude et salée de la partie supérieure s’enfonce un peu vers le bas. Ce petit volume d’eau va se refroidir et acquérir la même température que son nouveau voisinage, mais, dans un premier temps, garder la même salinité : en effet, et c’est là le point important, la salinité diffuse environ 100 fois moins vite que la chaleur. Étant plus salé que son voisinage, ce volume d’eau est plus dense, donc continue à s’enfoncer. De ce fait, sa température diminue, et ainsi de suite. Et en s’enfonçant, le volume d’eau entraîne derrière lui du liquide qui subit le même sort. Globalement, il se constitue un mouvement descendant d’eau vertical : un doigt de sel. Le même phénomène se produit dans le sens inverse, avec une remontée d’eau plus froide et moins salée que l’eau environnante.

Lorsque les doigts de sel s’agrègent en structures plus grosses, le brassage des eaux est augmenté, et l’on comprend alors pourquoi la température et la salinité deviennent à peu près uniformes. En revanche, là où le gradient (taux de variation) vertical de température et de salinité est élevé, ces structures plus grosses sont ralenties et perdent de leur cohérence. En effet, les échanges avec le fluide environnant, nécessaires à la poursuite du mouvement descendant, ne se font plus assez vite. En conséquence, l’efficacité du brassage diminue là où le gradient est élevé, ce gradient tendant même à augmenter. La conjonction des deux phénomènes, le brassage par les masses de doigts de sel et la diminution de son efficacité aux endroits où le gradient de température et de salinité est élevé, serait ainsi responsable de la formation des escaliers thermohalins.

Pour La Science

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