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Edito : Conquête de l'espace : les Etats-Unis et l'Europe doivent unir leurs forces pour conquérir Mars

Il y a un an et demi, en avril 2010, Barack Obama, à l'occasion d'une visite au célèbre centre spatial Kennedy, près de Cap Canaveral, en Floride, a relancé la conquête spatiale en fixant à son pays un objectif très ambitieux, envoyer des hommes sur Mars vers 2035. La première étape de ce plan américain a été annoncée par le Directeur de la NASA, Charles Bolden, le 14 septembre. Il s'agit de la mise au point et de la construction d'un nouveau lanceur lourd, le "Space Launch System", capable emmener des astronautes sur Mars.

Ce lanceur de nouvelle génération emmènera les astronautes dans une capsule baptisée "Orion Multi-Purpose Crew Vehicle", qui ressemble étrangement aux légendaires capsules "Apollo" qui ont permis la conquête de la Lune en juillet 1969. D'un coût d'environ 25 milliards d'euros, le lanceur sera propulsé par des moteurs cryogéniques fonctionnant avec un mélange d'hydrogène et d'oxygène liquide. Ceux-ci seront complétés par deux accélérateurs à poudre similaires à ceux déjà utilisés par la navette spatiale. Plusieurs versions de ce lanceur sont prévues et celui-ci sera, à terme, capable d'emmener dans l'espace une charge utile de 130 tonnes.

De son côté, la Chine poursuit son ambitieux programme spatial. Après avoir lancé sa sonde lunaire en 2010, elle vient de lancer, le 29 septembre dernier, de Jiuquan, dans le désert de Gobi, une fusée Longue Marche 2F qui a mis en orbite le module spatial laboratoire Tiangong 1, le «Palais céleste». Ce module comprend un laboratoire qui a pour but la maîtrise du rendez-vous en orbite, une opération complexe et délicate que seuls savent réaliser l'Europe, la Russie et les États-Unis. Le "Palais céleste" doit avoir dans quelques semaines un premier rendez-vous avec un vaisseau inhabité, "Shenzhou VIII" puis, en cas de succès de cette première opération, deux autres rendez-vous spatiaux avec des vaisseaux habités cette fois.

Ne sous-estimons pas les Chinois : même si leur retard reste important en matière de technologies spatiales, ce qu'ils ont déjà accompli est remarquable et soyons assurés qu'ils se donneront les moyens de devenir des concurrents redoutables dans cette compétition dont ils ont bien perçu l'importance stratégique et politique.

L'Europe, quant à elle, vient de réussir le 21 octobre, à l'aide d'une fusée russe, la mise en orbite des deux premiers satellites de l'ambitieux projet européen Galileo qui prévoit à terme pas moins de 30 satellites géostationnaires, 6 de plus que son concurrent américain déjà en service. Si tout va bien, Galileo qui a besoin d'au moins 18 satellites pour commencer à fonctionner, sera opérationnel dès 2014. Sur un marché mondial d'au moins 60 milliards d'euros en 2030, les applications de Galileo seront innombrables et toucheront une multitude d'activités et de services, télécommunications, transports, surveillance, recherche scientifique...

L'Europe, à travers Arianespace, est également en train de franchir une nouvelle étape dans la maîtrise des technologies spatiales puisqu'elle disposera à partir de 2012 de trois lanceurs opérationnels, Ariane bien sûr mais aussi, avec le succès du 21 octobre, Soyouz et l'année prochaine du lanceur italien "Vega".

En disposant de son propre système GPS, l'Europe s'affirme comme une grande puissance spatiale et conforte son poids géopolitique dans le Monde mais notre continent doit à présent voir plus loin et s'associer aux Etats-Unis, dans le cadre d'un partenariat équitable qui reste à définir, pour participer à la conquête de Mars, pourquoi ?

Parce que le fantastique défi technologique, scientifique et humain que représente un voyage habité vers Mars et au-delà, une présence humaine permanente sur la planète rouge, sera le moteur de sauts technologiques majeurs. L'exploration humaine de Mars va en effet nécessiter des avancées considérables dans plusieurs domaines stratégiques.

  • Premier de ces domaines, la robotique et l'intelligence artificielle. La conquête de Mars suppose que les astronautes et scientifiques qui participeront à cette aventure soient assistés par des robots et des systèmes informatiques non seulement très fiables et très puissants, en terme de calcul, mais également dotés d'une véritable capacité d'analyse et de compréhension de leur environnement, afin d'être capables de prendre les décisions adéquates dans des situations urgentes et complexes. Ces systèmes devront être dotés d'une réelle capacité d'apprentissage et devront intégrer les grands principes de la psychologie humaine car ils seront plus que de simples auxiliaires et deviendront des partenaires indispensables au bon déroulement de ces missions très longues et risquées.
  • Le second domaine est celui des matériaux : concevoir un vaisseau spatial capable d'emmener des hommes sur Mars ne pourra se faire qu'en inventant et en combinant de nouveaux matériaux dotés de propriétés nouvelles, comme l'autodiagnostic et l'autoréparation.
  • Troisième domaine : les sciences de la vie. Les voyages vers Mars et la perspective de bases martiennes permanentes dans la seconde moitié de notre siècle, permettront de réaliser des expériences sur le vivant impossibles à effectuer sur Terre et feront considérablement progresser la connaissance médicale et biologique.
  • Enfin, dernier domaine qui sera révolutionné par l'aventure martienne : les transports. Pour l'instant, aller sur Mars en utilisant les modes de propulsion classiques nécessite 6 à 8 mois de voyage, suivi d'un an et demi sur la planète rouge (pour retrouver une conjonction planétaire favorable) puis du retour, ce qui représente une durée totale de plus de trois ans avec tous les risques et problèmes qu'entraîne un voyage aussi long : exposition aux radiations, problèmes de santé, équilibre psychique, fiabilité du matériel, réserves aliments, d'eau et d'énergie à prévoir ....

Les Etats-Unis sont bien conscients de ces verrous technologiques et la NASA travaille depuis 2005, en collaboration avec les autres organismes de recherche et le secteur privé, à la mise au point d'un moteur de conception radicalement nouvelle : le moteur ionique.

Ce nouveau type de propulsion, encore appelé moteur à plasma, a été baptisé VASIMR (Variable Specific Impulse Magnetoplasma Rocket) ou, en français "Fusée à impulsion ionique contrôlée". Ce moteur n'utilise plus de carburants chimiques mais l'énergie électrique, produite par une source nucléaire, pour transformer en plasma, par ionisation, de l’hydrogène ou de l’hélium.

Lorsqu'il atteint plus de 10 millions de degrés, ce plasma est accéléré et guidé par des champs magnétiques et peut alors propulser à très grande vitesse le vaisseau spatial. On remarque immédiatement que la mise au point de ce type de moteur révolutionnaire est liée aux progrès faits dans la maîtrise de la fusion thermonucléaire contrôlée qui passe, elle aussi, par la production et le contrôle de plasma très chauds dans des enceintes de confinement magnétique appelés "Tokamaks".

Pour propulser un vaisseau spatial vers Mars, le moteur ionique accélérera de manière progressive pendant la première moitié du voyage, jusqu'à atteindre la vitesse considérable de 55 km par seconde (198.000 km/h). Ensuite, le vaisseau commencera une lente décélération de manière à pouvoir approcher Mars à la vitesse requise pour le débarquement. Au total, il ne faudrait qu'un mois et demi pour accomplir le long trajet qui sépare la Terre de Mars (entre 56 millions et 400 millions de km, selon les positions respectives des deux planètes).

On pourrait croire qu'un tel moteur relève encore de la science-fiction, il n'en est rien : ce moteur ionique a été testé sur Terre avec succès en mai 2009 et un nouvelle version du moteur VASIMR, d'une puissance de 200 kilowatts, doit faire l'objet d'un expérimentation dans l'espace en 2013.

On voit donc à quel point, compte tenu des immenses retombées scientifiques technologiques et industrielles qui en découleront, il est vital que l'Europe devienne un partenaire à part entière des Etats-Unis pour participer à la conquête de Mars, prendre toute sa part dans ce défi exaltant et ouvrir un nouveau chapitre de l'aventure humaine.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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