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Une carte en 3D, et l'Univers est pesé

Galilée en serait resté baba: des astronomes ont pesé l'Univers. En réalisant une carte en trois dimensions, où se lisent les mouvements de milliers et de milliers de galaxies. Avec cette géographie dynamique, ils retrouvent l'histoire de l'Univers et calculent son poids, qui ne peut s'expliquer sans faire appel à une mystérieuse «matière noire», bien plus abondante que la matière ordinaire, celle des étoiles. Vingt-huit astronomes, anglais et australiens pour la plupart, publient dans Nature le résultat, à mi-parcours, de cette gigantesque opération d'arpentage du cosmos. Patiemment, depuis 1998, l'équipe du 2dF Galaxy Redshift Survey, dirigée par Matthew Colless (Australie) et Richard Ellis (Cambridge, Grande-Bretagne), a mesuré la position et la vitesse de plus de 140.000 galaxies. Chacune compte des milliards d'étoiles, et ces galaxies sont éparpillées sur une tranche d'Univers allant jusqu'à trois milliards d'années-lumière de la Terre. C'est un peu comme si, dans un Univers vu comme un camembert avec la Terre au centre, les astronomes avaient découpé deux petits triangles à partir du milieu, allant jusqu'à un cinquième de son rayon. «Un grand pas en avant pour la cosmologie observationnelle», se félicite Chantal Balkowski, de l'observatoire de Meudon. La précédente carte, établie par la même équipe, ne portait en effet que sur 30.000 galaxies et ne regardait pas plus loin que 400 millions d'années-lumière. A l'origine de ces visions tridimensionnelles de l'Univers, un saut technologique. Pour positionner chaque galaxie dans la troisième dimension, il faut en effet connaître son éloignement par rapport à la Terre. Donc enregistrer son spectre lumineux et y mesurer le fameux décalage vers le rouge, dû à l'expansion de l'Univers, découverte par Edwin Hubble au début du siècle. Tant qu'il fallait pointer le télescope sur chacune d'elles, le nombre de galaxies en restait très limité. Mais l'équipe de 2dF a mis au foyer du télescope anglo-australien (situé en Australie) un ensemble de 400 fibres optiques qui pointent chacune une galaxie à chaque pose. Objectif: 250.000 galaxies d'ici à la fin de l'année. Un simple coup d'oeil sur la carte permet déjà d'affirmer que l'Univers est spongieux, avec d'énormes vides séparés par des filaments ou des parois où se sont regroupées la plupart des galaxies. La carte permet de distinguer, dans leurs évolutions, ce qui provient du «flot de Hubble» - l'expansion de l'espace - et ce qui est causé par la gravitation, l'attraction locale exercée par ces grandes structures. Cette analyse apporte la première preuve convaincante, à cette échelle, que l'origine des grandes structures du cosmos est bien due à la gravitation. Donc, supposent les cosmologistes, aux fluctuations de densité de l'Univers primordial, lors du big-bang, il y a environ quinze milliards d'années. La preuve: les galaxies qui se trouvent près d'une grande structure se déplacent différemment suivant qu'elles se trouvent «devant» ou «derrière» elle, du point de vue du télescope. Celles de devant s'éloignent plus vite de nous: elles sont en train de tomber vers la grande structure et ce mouvement s'additionne à celui de l'expansion. Celles de derrière s'éloignent moins vite: elles tombent elles aussi, mais dans un sens opposé à l'expansion. Les cartographes se sont également livrés au loisir favori des cosmologistes. Puisqu'ils peuvent déduire de ce ballet galactique les masses qui en règlent la chorégraphie, ils peuvent ainsi peser l'Univers et mesurer sa densité moyenne. Plus le volume d'Univers choisi est grand et le nombre de galaxies élevé, plus la balance est fiable. Les chercheurs expriment la densité de l'Univers à partir d'une «valeur critique», fixée arbitrairement à 1. Au-dessus, l'Univers est promis à un big-crunch, s'effondrant sous sa masse. Au-dessous, il doit s'étendre et se diluer indéfiniment. Verdict de 2dF: la densité de l'Univers est «égale à 0,3», explique Chantal Balkowski, à Meudon. Mais la matière ordinaire ne semble constituer que 10 % de cette masse. Tout le reste, «c'est de la matière noire, dont nous ne savons toujours pas de quoi elle est faite, et c'est quand même le principal problème».

Libération :

http://www.liberation.com/quotidien/semaine/20010308jeuy.html

Nature : http://www.nature.com/nlink/v410/n6825/abs/410169a0_fs.html

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