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Edito : Le câble en France : C'est un 4e scénario qu'il faut mettre en oeuvre

L'étude sur l'économie du câble que vient de publier l'ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) est désespérante, car elle ne laisse pas de place à la prospective. (voir étude de l'ART www.art-telecom.fr/publications/etudes/jlm/syn-jlmjan03.htm ). Aucun des trois scénarii proposés n'est satisfaisant car ils s'appuient tous sur une démarche défensive sinon sur la résignation. Le développement actuel de l'ADSL ne doit pas masquer l'horizon. Il est indubitable que cette technologie utilisant les centaines de millions de lignes téléphoniques existant déjà dans le monde, connaîtra un très large succès, pendant ces prochaines années. Mais, lorsque tous les usages (très nombreux) qui sont actuellement en gestation, seront activés (télévision numérique sur l'ordinateur, vidéotransmission, vidéosurveillance, les jeux en 3D, l'image animée omniprésente, etc...) ce n'est plus 512 K/Bits ni même 10 Méga/Bits qui seront nécessaires par foyer, mais 100 ou 200 Mbits, surtout si nous prenons en considération l'interactivité permanente qui va se créer entre les êtres humains, leurs lieux de résidence, de travail ou de loisirs et tous les objets qui, alors, nous entoureront. Comme j'ai l'habitude de le dire dans ces colonnes depuis plusieurs années, la Loi de Moore (doublement des performances tous les 18 mois et ce pour des coûts stables), va dorénavant s'appliquer au débit dont chacun disposera, comme elle s'applique depuis plus de 30 ans au processeur de l'ordinateur de Monsieur Toutlemonde. Ainsi, si nous prenons comme origine les hauts débits (ADSL ou câble), dont les utilisateurs peuvent aujourd'hui disposer (500 KBits), c'est dans une décennie (en 2013) que chaque accédant au haut débit devrait pouvoir disposer de 100 à 200 Mbits. Or, toutes les études menées dans tous les laboratoires du monde mettent en évidence que pour atteindre de telles performances, le photon devra s'être substitué à l'électron. Ceci signifie simplement qu'à échéance d'une décennie, les réseaux physiques ne devront plus être en cuivre, mais en verre qui, seul, est capable de guider la lumière. Aussi, à la suite de l'étude publiée par l'ART, il ne faudrait pas croire que les réseaux câblés n'ont plus d'avenir. Tout au contraire. Dix ans c'est bien court pour nous qui partons avec un tel retard sur les autres Pays développés du Monde (sauf les Pays du sud de l'Europe...), pour être au rendez-vous de l'Internet 2 (Très Haut Débit) qui sera aussi nécessaire à chacun de nous dans 10 ans que l'est aujourd'hui l'électricité ou le téléphone. Aussi, je demande à tous les responsables de notre Pays de ne pas tirer des conclusions hâtives de l'étude qui vient d'être publiée par l'ART. Il ne faut surtout pas que les centaines et les centaines de projets de câblage, qui sont actuellement en gestation dans de nombreuses collectivités de France, soient mis au placard pour attendre des jours meilleurs. En effet, au-delà des 3 scenarii proposés par l'étude de l'ART, dont aucun n'est satisfaisant, je suis convaincu que, très rapidement, c'est un quatrième scénario, à la fois plus ambitieux et plus réaliste, qui devra être mis en oeuvre. Très vite une double réflexion s'imposera.

-* Il n'est pas possible que la concurrence ne s'exerce pas pleinement sur les réseaux d'information et de communication, sur lesquels s'appuieront tous les métiers de demain. Or, le déploiement de l'ADSL, même s'il donne l'impression de mettre en jeu plusieurs acteurs, s'appuie sur le réseau cuivré unique de l'opérateur historique. Si nous voulons qu'une véritable concurrence s'instaure, il faut donc qu'une autre technologie performante s'installe face à l'ADSL.

-* Il ne serait pas imaginable que seule une partie du territoire soit accessible aux hauts débits dans dix ans, alors qu'aucune entreprise, aucun artisan, aucun commerçant ne pourra exercer son activité, à cette échéance, s'il n'est pas relié au reste du Monde par ces hauts débits. Or, la technologie ADSL, c'est une de ses limites techniques, se dégrade très rapidement avec la distance, et ne fonctionne plus si l'utilisateur réside à plus de 5 km du multiplexeur de l'opérateur.

Autant il n'est pas imaginable aujourd'hui qu'il puisse y avoir un hameau en France qui ne dispose pas de l'électricité, du téléphone et même de l'eau courante, autant cette exigence de disposer partout du haut débit sur l'ensemble du territoire sera grande dans dix ans. Certes le Wi-Fi (ou autres standards radios) permettra de résoudre beaucoup de problèmes d'aménagement du territoire (je vous en parlerai la semaine prochaine). Mais cette technologie radio n'est efficace que dans des rayons relativement faibles et exige donc la mise en place d'un réseau dense de collecte (en technologie ADSL dans une première phase et en technologie fibre optique ultérieurement). Aussi, devant de telles exigences, et pour faire face à un calendrier qui, très vite, va paraître très court (dix ans...c'est très court), il est nécessaire, non seulement d'imaginer, mais aussi de mettre en oeuvre, sans retard, un quatrième scénario qui viendra se substituer aux trois scénarii trop peu ambitieux et manquant de réalisme, de l'étude de l'ART. Ce scénario, pour être efficace, devra s'appuyer sur une nécessaire synergie entre l'initiative privée et la volonté publique. En effet, en raison des occasions manquées pendant les années 1980 (Plan Câble confié à France Télécom, Canal+, Satellites de Diffusion directe, etc...) notre Pays a pris un retard considérable pour la construction d'un réseau câblé alternatif au réseau téléphonique classique (97,8 % des foyers belges, 93,5 % des foyers américains, 84,6 % des foyers allemands, 80 % des foyers suédois sont raccordés au câble pour seulement 35,2 % en France). Par ailleurs, en raison de la géographie de notre Pays (la France est territorialement, et de loin, le plus grand pays d'Europe : 560.000 Km² pour 390.000 Km² pour les 2 Allemagne) il ne sera pas rentable avant plusieurs décennies de construire un réseau câblé sur l'ensemble du territoire. Aussi, il n'est pas imaginable de laisser aux seuls financements privés l'ensemble de l'aménagement numérique du territoire français. Des fonds publics, avec des clauses strictes de retour lorsque la fortune viendra et avec des mises à dispositions gratuites d'une petite partie de la bande passante pour l'acquisition des usages publics, devront être mis en place par l'Etat, l'Europe, les Régions, les Départements et les Communes. Ce n'est bien que par cette synergie entre un volontarisme politique accepté par tous et la décision enfin déterminée des acteurs privés, anticipant enfin des revenus longuement attendus, que la France relèvera, avec ce 4e scénario, le véritable défi de l'avenir.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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