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Edito : je pense donc j'agis !

C'est dans les laboratoires de la MCP Mahnemann School of Medicine (Philadelphie, Etats-Unis) que vient d'avoir lieu une fascinante expérience qui pourrait bien révolutionner, au cours des prochaines décennies, les moyens d'action, de communication et de contrôle dont nous disposons. John Chapin et ses collègues ont travaillé sur six rats. Ils ont commencé par les entraîner à mouvoir un levier avec, à la clé, une récompense. Ce levier, lorsqu'il est actionné, fait bouger un bras robotisé d'une position initiale jusqu'à un compte-gouttes, qui délivre alors de l'eau directement dans la gueule de l'animal. Des micro-électrodes ont ensuite été implantées par chirurgie afin d'enregistrer leur activité neuronale. Observant en particulier le mouvement de pression de la patte sur le levier, les chercheurs ont pu mettre en évidence, pour chaque rat, les populations de neurones les plus actives dans le cortex. Utilisant la technique dite PCA (Principal Component Analysis), les chercheurs ont d'abord étudié les signaux de ces neurones au cours des différentes étapes du mouvement. Les résultats ont suggéré une relation étroite entre l'amplitude d'un pic d'activité précédant l'abaissement du levier et cet abaissement. Dans les exercices où le pic était faible, la pression des rats n'était pas suffisante : le robot ne bougeait pas. Seul un pic important d'activité permettait un mouvement du levier assez fort pour faire bouger le robot et obtenir de l'eau. "Restait alors à déterminer si les rats pouvaient utiliser l'activité de leur cerveau, transformée électroniquement, pour contrôler le bras articulé", explique John Chapin. Etant donné les analyses précédentes, les chercheurs ont fait le pari que le bref pic d'activité précédant le mouvement du levier pourrait se substituer à la longue pression de la patte et faire bouger à lui seul le robot. En additionnant l'activité des neurones sélectionnés, avec des poids appropriés, ils ont produit, par transformations mathématiques incluant des réseaux neuronaux, un signal unique appelé "neural population function" (NPF). Ce signal électrique était censé pouvoir diriger le bras articulé jusqu'à obtenir de l'eau. Les exercices d'entraînement des rats ont alors repris, mais cette fois, les scientifiques pouvaient à tout moment court-circuiter leur action mécanique en passant en mode "neurobotique". Et le pari a été gagné, au-delà de toute espérance. Après la transition en mode "neurobotique", les rats continuaient dans un premier temps à presser le levier pour obtenir de l'eau, comme ils l'avaient appris, confirmant la forte corrélation entre le mouvement du levier et le pic d'activité le précédant. Mais, au fur et à mesure des expérimentations, cette corrélation diminuait, jusqu'à devenir nulle à partir de la dixième expérience. Alors que l'animal effectuait des mouvements sporadiques normalement insuffisants à l'action du bras articulé, il recevait toujours de l'eau. Ainsi, onze des essais furent récompensés sans aucun mouvement du levier et, pour l'un d'entre eux, sans même une pression de la patte ; celle-ci reposant simplement sur le levier. "Notre étude démontre que l'information extraite simultanément grâce à l'enregistrement de populations de neurones dans le cerveau peut être utilisée pour diriger proportionnellement un dispositif externe en temps réel", commentent les auteurs. Et elle soulève l'espoir que des patients paralysés pourraient utiliser ce type d'enregistrement pour contrôler un dispositif extérieur ou même leurs propres muscles par le biais d'une stimulation électrique. "Bien entendu, le chemin risque d'être encore long", nuance Eberhard E. Fetz de la University of Washington School of Medicine (USA).Il est vrai qu'entre le fait de montrer que des rats peuvent actionner un simple levier grâce à l'action d'une activité cellulaire et celui de permettre à des humains de contrôler de manière continue un membre artificiel complexe, il existe un pas considérable à franchir." Mais le plus important est qu'on dispose désormais de la preuve scientifique qu'il est possible d'utiliser des signaux directement du cerveau pour commander et contrôler un dispositif externe. Cette possibilité ouvre des perspectives si extraordinaires dans tous les domaines qu'il est impossible d'en mesurer toutes les conséquences pour le prochain siècle. Décidément les avancées de la science n'en finissent pas de nous surprendre et donnent raison à Teilhard de Chardin qui pensait qu'en science "seul le fantastique a des chances d'être vrai ".(voir aussi @RT Flash 56/médecine)

René Trégouët

Sénateur du Rhône

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