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Les trous noirs auraient structuré notre univers

Le trou noir est sans doute l'objet le plus mystérieux du cosmos. Son nom lui-même touche notre inconscient et notre subjectivité par des résonances multiples, oniriques et intimes. Pourtant, les trous noirs sont des constructeurs d'univers et nous venons d'apprendre que, sans eux, nous ne serions peut-être pas là ! L'Univers s'est organisé sous l'action de deux forces antagonistes. D'une part, la formidable expansion qui a succédé au big bang et qui a «lancé» aux quatre coins de l'Univers une matière initialement concentrée dans une tête d'épingle. D'autre part, la force de gravité - dont on sait depuis Newton qu'elle agit pour rapprocher tous les corps en fonction du produit de leur masse et de l'inverse du carré de leur distance, et qu'elle a une action antagoniste à l'expansion - va, petit à petit, organiser l'Univers et lui donner une architecture, mettre en place les objets qui le constituent. Or la force de gravité exercée par un objet est d'autant plus intense qu'il est lourd et que son rayon est faible. Autrement dit, que sa densité est élevée. Lorsque la densité d'un objet est extrêmement élevée, il peut même tellement attirer les photons qui constituent la lumière qu'ils en courbent les rayons lumineux au point que ceux-ci se retournent sur eux-mêmes. La lumière est donc piégée et ne peut s'échapper. Sans lumière pour signaler sa présence, l'objet est noir ; on ne le voit pas directement, car la lumière est le messager de l'Univers: c'est un trou noir invisible. Invisible. Mais pas indétectable. Lorsque les théoriciens de l'astrophysique prédirent l'existence des trous noirs, l'espoir de la confirmer rapidement était mince. Pourtant, il y a bien une méthode pour détecter un trou noir: l'observation des étoiles qui tournent autour d'un centre que l'on ne voit pas bien du tout. Pourquoi cette difficulté d'observation autour d'un trou noir ? Ce trou exerce une attraction sur les objets qui passent à proximité et peuvent tourner autour du trou noir comme les planètes autour du Soleil. Si l'objet en orbite est trop près du trou noir, il tombe dedans et se retrouve anéanti, «noirci». Au-delà d'une certaine distance, en revanche, il peut continuer à tourner. Si cette rotation est très rapide, elle provoque des phénomènes secondaires très lumineux et d'autant plus intenses que le trou noir est gros, créant à l'inverse les objets les plus lumineux de l'Univers: les quasars. Cette illumination empêche de distinguer les étoiles plus pâles qui tournent autour du trou noir. Parce qu'ils sont directement inobservables et entourés de lumière intense, les trous noirs sont donc très difficiles à détecter. D'autant plus qu'ils se situent à des milliers, des millions ou des milliards d'années-lumière et que la lumière qui nous parvient de ces distances est très faible. Pourtant, la première détection d'un trou noir fut réalisée par le satellite Uhuru, lancé le 12 décembre 1970, qui travailla trois ans et décela, grâce aux rayons X, la première étoile qui semblait tourner autour de «rien». Cette découverte vaudra à l'Italien (aujourd'hui américain) Riccardo Giacconi le prix Nobel de physique en 2002. A partir de là, des évidences occasionnelles ont révélé, ici ou là, des trous noirs. Dans cette chasse, des résultats extraordinaires ont été obtenus à la fin de 2002 par une équipe franco-allemande à l'aide d'une technique révolutionnaire: l'optique adaptative. Le grand adversaire de l'astronome, c'est l'atmosphère. Elle absorbe la lumière céleste d'une manière capricieuse, car elle bouge et vibre sans cesse. Sans parler des nuages et de la pluie. C'est pour cela que les astronomes ont installé leurs télescopes aux sommets des montagnes, puis dans les satellites. Dans l'optique adaptative, grâce à l'utilisation des ordinateurs, on peut corriger les perturbations introduites par l'atmosphère en déformant les miroirs des télescopes qui reçoivent la lumière. On obtient ainsi des images beaucoup plus précises du ciel. Grâce à cette technique, les astronomes franco-allemands ont pu filmer une étoile tournant autour d'un trou noir situé au centre même de notre galaxie, la Voie lactée, formée de milliards d'étoiles qui tournent autour de son centre en dessinant des spirales élégantes. Donc, notre Terre et notre Soleil tournent autour d'un trou noir. Cela semble confirmer l'hypothèse selon laquelle au centre de chaque galaxie il y aurait toujours un trou noir, et même un très gros trou noir (super black hole) ! Ainsi, de fil en aiguille, on pense que, pendant les 15 milliards d'années qui ont succédé au big bang, l'Univers s'est organisé en donnant naissance à des étoiles comme notre Soleil, à des centaines de milliards d'étoiles regroupées en galaxies, qui se comptent elles-mêmes par milliards. Les trous noirs ont joué un rôle fondamental pour rassembler ces milliards d'étoiles et les organiser en galaxies grâce à la gravité. Les trous noirs sont peut-être des objets rassembleurs de matière, organisateurs d'univers, qui ont empêché la matière primitive, composée d'hydrogène et d'un peu d'hélium, de s'étendre en une immense nébuleuse floue de laquelle rien n'aurait émergé. Les trous noirs ont peut-être été les adversaires du chaos cosmique.

Express :

http://www.lexpress.fr/Express/Info/chroniques/Dossier/allegre/dossier.asp

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