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Un thermomètre capable de mesurer la température à l’échelle nanométrique

Des chercheurs du CNRS ont développé un revêtement moléculaire capable de mesurer la température de fonctionnement de composants électroniques à l’échelle nanométrique. Ce résultat est le fruit d’une collaboration entre deux laboratoires du CNRS à Toulouse : celui de chimie de coordination (LCC) et celui d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS).

Cette nouvelle technologie utilise la bistabilité d’une famille de composés chimiques appelée molécules à transition de spin, c’est-à-dire leur capacité à passer d’un état à l’autre facilement. Cette commutation est réalisée à partir d’un stimulus extérieur comme un changement de température mais aussi d’une impulsion électrique, un champ magnétique ou une pression et peut être réversible. « Nous avons commencé à étudier ces molécules vers la fin des années 80 », explique Azzedine Bousseksou, chercheur au CNRS. « Au début, le changement d’état se faisait uniquement dans un milieu cryogénique, à très basses températures. En 1993, le phénomène pouvait se faire à température ambiante et à partir de 2007, nous avons développé les toutes premières couches minces nanométriques qui présentent la commutation à température ambiante ».

Environ 200 à 300 molécules à transition de spin ont été synthétisées jusqu’ici à travers le monde. Pour la thermométrie, les chercheurs utilisent une seule d’entre elles, à savoir un borate de la famille du triazol dont la formule chimique est la suivante : [Fe (HB (1,2,4-triazol-1-yl) 3 ) 2]. Cette molécule possède une propriété particulière et est capable de changer de couleur en fonction de la température extérieure.

À l’échelle macroscopique, elle peut en effet passer du blanc vers le rose très rapidement et de façon réversible. Les chercheurs déposent donc des couches minces de cette molécule sur des composants électroniques comme des puces ou des mémoires. Lorsque ces derniers chauffent de manière anormale, les molécules à transition de spin, présentes à la surface, changent de couleur. Les scientifiques réalisent alors une cartographie optique à l’aide d’un spectroscope pour observer ce changement.

Ce travail de recherche a consisté à construire une courbe de calibration pour faire la corrélation entre un changement de couleur de la couche mince déposée sur le support avec une valeur de la température, et ceci à l’échelle nanométrique. L’atout majeur de la molécule à transition de spin utilisée est sa résilience au changement de température. Elle est en effet capable de subir des millions de cycles thermiques sans se fatiguer et de manière entièrement réversible. « Quel que soit le nombre de cycles, nous avons remarqué que le chemin thermique emprunté ne change pas », analyse Azzedine Bousseksou. « Il n’y a donc aucune erreur de correspondance entre un changement de couleur et la variation de température. D’où la naissance du nanothermomètre ».

Autre avantage : le procédé est intégrable sur n’importe quel système souple, qu’il soit solide, mais aussi en solution. Il présente donc un fort intérêt dans le domaine biologique. « Nous pouvons par exemple aider les biologistes à mieux comprendre le mécanisme de repliement des protéines et surtout à identifier précisément à quelle température la protéine se replie de manière efficace ».

Cette nouvelle technologie a fait l’objet d’un brevet et le groupe eV Technologies a déjà acheté une licence. Ce travail de recherche va se poursuivre, notamment en direction d’applications dans le domaine de la micro-électronique et plus tard dans le domaine biologique. A plus long terme, il est aussi envisagé de réparer des déformations musculaires directement dans le corps d’un être humain à l’aide de muscles artificiels intégrables conçus avec des molécules à transition de spin.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash 

Nature

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