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La sévérité des ères glaciaires serait déterminée par l'océan

Pour le craindre depuis qu'ils croisent dans les quarantièmes rugissants, les navigateurs connaissent bien le courant des Aiguilles. Ce courant marin chaud passe au large des côtes orientales de l'Afrique du Sud. Contrarié par de forts vents d'ouest, il peut être à l'origine de hautes et puissantes vagues. Il inquiète les marins autant qu'il intéresse les climatologues : deux d'entre eux proposent même, jeudi 16 juillet dans la revue Nature, d'en faire la clé d'une persistante énigme climatique.

"Si l'on regarde toutes les périodes glaciaires qui se sont succédées depuis 800.000 ans, documentées grâce aux carottes de glace prélevées en Antarctique, on se rend compte que certaines ont été beaucoup plus intenses que toutes les autres ", explique Edouard Bard France, Cerege), auteur de ces travaux. Or, à lui seul, le dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique, qui varie très peu d'un âge glaciaire à l'autre, n'explique pas cette différence. Celle-ci a pourtant dû être très sévère. En particulier, deux périodes glaciaires exceptionnellement froides intriguent les scientifiques : le niveau de la mer était alors "environ 30 mètres plus bas qu'au cours des épisodes glaciaires typiques", dit M. Bard. Soit autant d'eau stockée sous forme de glace...

Si le CO2 est hors de cause, comment expliquer la rigueur de ces deux épisodes ? Et, surtout, quel rapport avec le courant des Aiguilles ? Les chercheurs ont étudié une carotte sédimentaire prélevée au large des côtes sud-africaines : sa composition suggère que la "fuite" des Aiguilles s'est complètement tarie au cours de ces deux ères glaciaires très intenses. Or le courant sud-africain est un tronçon crucial de la circulation océanique globale : qu'il soit coupé et c'est tout le "tapis roulant" qui s'en trouve au moins largement ralenti, sinon totalement interrompu.

Les énigmatiques "coups de froids", d'il y a environ 400 000 ans, pourraient donc devoir leur sévérité à un arrêt de la circulation profonde de l'océan, qui a affaibli le transfert de chaleur depuis les tropiques jusqu'aux hautes latitudes, autour de l'Atlantique nord.

Quelle répercussion pour le présent et l'avenir ? "Les modèles prévoient que la circulation océanique dans l'Atlantique nord va ralentir en raison du réchauffement futur et de ses conséquences comme l'augmentation de l'apport d'eau douce vers l'océan : pluies, fonte des glaciers continentaux et du Groenland, etc., dit M. Bard. Mais on se rend compte que la circulation dans l'Atlantique nord est également déterminée par la "fuite" des Aiguilles, de l'océan Indien vers l'Atlantique."

De récents travaux, menés par l'Université du Cap) montrent que le débit de la "fuite" des Aiguilles a "significativement augmenté" depuis les années 1980. En sens opposé, il s'agit du même phénomène qui s'est produit à plusieurs reprises au Pléistocène... Ces derniers travaux suggèrent qu'une rétroaction de l'océan pourrait compenser les effets du réchauffement qui, eux, tendent à affaiblir la circulation profonde dans l'Atlantique nord.

LM

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