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Edito : La nanomédecine tient enfin ses promesses

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EDITORIAL :

Le concept de nanomédecine revient sans doute au grand scientifique Richard Feynamn, qui avait imaginé, en 1959, les immenses potentialités des assemblages atomiques et moléculaires artificiels en informatique, en physique et en médecine. Mais pendant presque un demi-siècle, la nanomédecine s’est heurtée à des défis technologiques insurmontables, et il a fallu attendre 2006 pour voir apparaître les premiers nanomédicaments, avec la doxorubicine vectorisée, pour le traitement du cancer du foie.

Mais, depuis une quinzaine d’années, cette jeune discipline a fait d’immenses progrès et nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une révolution que nous allons évoquer, au travers de plusieurs avancées scientifiques récentes. Rappelons auparavant que la nanomédecine se décline autour de quatre champs d’application. D’abord améliorer l’efficacité et la sureté des vaccins existants et en développer de nouveaux pour mieux prévenir les nombreuses maladies infectieuses qui menacent la santé humaine. Dans ce domaine, on peut citer le premier vaccin vectorisé contre la toxoplasmose, mis au point il y a quatre ans par Vaxinano. Administré par voie nasale, ce nouveau type de vaccin permet d’éviter les éventuels effets indésirables liés à l’injection par aiguille et  à la présence d’adjuvants.

Le deuxième champ d’application concerne la détection plus précoce des pathologies. L’utilisation de nanoparticules d’oxyde de fer permet, par exemple, d’améliorer la sensibilité de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) en se concentrant autour de la tumeur, ce qui améliore sensiblement les outils de détection précoce des cancers.

Le troisième champ concerne l’amélioration et l’amplification de l’effet thérapeutique des médicaments, qui permet, grâce à la vectorisation nanoparticulaire, d’augmenter, à quantité égale de principe actif, d’un facteur allant de 10 à 1000, la puissance thérapeutique d’un médicament, tout en diminuant ses effets secondaires ; dans ce domaine, nous verrons que la firme française Nanobiotix réalise des prouesses. Enfin, le dernier champ d’action concerne la reconstruction de tissus endommagés par la maladie ou l’âge. Là encore, la France est en pointe, comme nous le verrons avec les travaux d’une équipe de Strasbourg qui a mis au point un « nanopansement » régénérateur pour reconstruire les articulations lésées.

Les Etats-Unis sont également engagés dans cette course scientifique majeure : il y a deux ans, une avancée remarquable a été réalisée par des chercheurs de l’Université d’Arizona en collaboration avec le Centre National de Nanoscience et Technologie de l’Académie des Sciences de Chine. Ces scientifiques ont programmé avec succès des nanorobots pour faire rétrécir les tumeurs en interrompant leur approvisionnement en sang (Voir Nature).

Ces chercheurs ont conçu le premier système robotique à ADN autonome, destiné à la lutte contre certains cancers. Les premiers essais réalisés sur des mammifères atteints de cancer du sein, de l’ovaire, du poumon ou de mélanome, ont donné des résultats prometteurs et cette approche pourrait à l’avenir être déclinée pour plusieurs formes de cancers puisque toutes les tumeurs solides ont en commun le fait d'être alimentées par des vaisseaux sanguins.

Dans ces expériences, les nanorobots testés et injectés par intraveineuse mesuraient 90 nanomètres. Ils embarquaient de la trombine, l’une des enzymes-clés de la coagulation, afin de bloquer le flux sanguin approvisionnant la tumeur en coagulant le sang qui l’alimente. Mais ces nanorobots embarquent également un oligonucléotide synthétique leur permettant de cibler de manière très précise  une protéine appelée nucléoline, présente uniquement à la surface des cellules tumorales. Grâce à cette composition chimique, ces nanorobots se sont montrés capables de délivrer leur charge anticancéreuse (la trombine) directement au cœur des cellules malades. Ces essais ont confirmé que les cellules malignes ainsi visées étaient bien détruites rapidement et que ces nanovecteurs étaient ensuite naturellement éliminés par l’organisme.

En France, l'équipe de David Pignol au CEA a réussi en 2018 à produire des magnétosomes-RGD, c'est-à-dire des magnétosomes couplés à des peptides RGD  (tripeptide constitué d'arginine, de glycine et d'acide aspartique) par manipulation génétique de bactéries magnétotactiques. Le peptide RGD, à courte séquence d’acides aminés, va cibler une protéine spécifiquement exprimée par les cellules malignes, ce qui guide le ciblage des nanoparticules dans la cellule. Lorsque ces magnétosomes-RGD sont arrivés sur la tumeur, il est alors possible de recourir à la photothérapie-laser pour chauffer et détruire les cellules cancéreuses. Comme l’explique la chercheuse Claire Wilhelm, «  Cette association photothérapie-laser et magnétosomes est appelée à devenir un nouvel outil anticancéreux très efficace, d’autant plus que le fer est mieux supporté que l'or par l'organisme » (Voir Science Direct).

Une autre avancée française majeure vient d’être annoncée par la firme Nanobiotix, une société française créée en 2003 par Laurent Lévy, et dont nous avons très vitre pressenti le potentiel dans RT Flash. Celle-ci a mis au point le NBTXR3, dont le nom commercial est Hensify, un traitement à base de nanoparticules amplificatrices de radiothérapie qui sont directement injectées à l'intérieur de la tumeur et activées par la radiothérapie. Elles vont alors libérer une forte dose de radioactivité ciblée et tuer avec beaucoup plus d'efficience plus de cellules cancéreuses.

Ce traitement, validé par plusieurs études scientifiques, a déjà montré son efficacité dans plusieurs types de cancers, dont le sarcome des tissus mous. Mais cette fois, Nanobiotix a encore innové en montrant que son traitement peut également amplifier les effets de molécules d’immunothérapies, notamment les inhibiteurs de point de contrôle (appelés anti-PD1), comme l'Opdivo et le Keytruda. Les essais présentés montrent que l’utilisation préalable du NBTXR3 permet au système immunitaire de mieux repérer les tumeurs et de mieux les détruire. En outre, ce traitement combiné agit également de manière remarquable en diminuant la taille des métastases.

Concrètement, cette association NBTXR3-immunothérapie a élevé le taux de réponse au traitement de 20 % à 80 % et a permis d’obtenir une régression tumorale chez huit des neufs patients traités et cette nouvelle association innovante nanoparticules-immunothérapie ouvre de grandes perspectives dans le traitement des cancers difficiles, mais également dans la prise en charge des pathologies neurodégénératives, comme Alzheimer et Parkinson.

La start-up Superbranche, créée en 2019, et lauréate du concours d’innovation i-Lab, s’est pour sa part spécialisée dans la détection précoce et le traitement des cancers, à l’aide de nanoparticules dites dendronisées. Ce type de nanoparticules est fait d'un noyau magnétique, en oxyde de fer, enrobé d’une couche organique dendritique, en forme de branches. Cette structure externe permet la reconnaissance et l’arrimage aux cellules cancéreuses. Ces dernières peuvent alors être très facilement visualisées par les différents outils d’imagerie médicale, comme l’IRM ou le scanner. A plus long terme, ces nanoparticules dendronisées devraient pouvoir être utilisées pour détruire les tumeurs par hyperthermie magnétique.

En septembre 2020, l’équipe de Dalton Tay, à l’Université technologique de Nanyang à Singapour, a présenté des résultats encourageants concernant une nouvelle approche de nanomédecine contre le cancer (Voir Science alert). Ces scientifiques utilisent une nanoparticule appelée Nano-pPAAM ou Nanoscopic phenylalanine Porous Amino Acid Mimic. Elle est introduite dans l’organisme en étant "vectorisée" et par un acide aminé spécifique appelé L-phénylalanine, qui permet à ces nanoparticules de silice de produire de l’oxygène en abondance, une fois arrivées à proximité des cellules malignes. Cette réaction chimique localisée et contrôlée va alors détruire les cellules cancéreuses, sans porter atteinte aux cellules saines voisines.

Les premiers essais sur l’animal ont montré que cette nouvelle approche était très efficace sur les cellules cancéreuses du sein, de la peau et de l’estomac. « Notre approche novatrice consiste à utiliser le nanomatériau comme un médicament plutôt que comme un vecteur de médicament », précise Dalton Tay, chercheur à l’Université technologique de Nanyang à Singapour. Celui-ci pense que cette nouvelle technique pourrait être adaptée aux cellules cancéreuses qui n’ont pas réagi aux traitements classiques comme la chimiothérapie. Autre avantage, l’utilisation directe de ces nanoparticules ne risque pas de provoquer l’apparition de phénomènes de résistance.

En mai dernier, des chercheurs du réputé Institut Max-Planck, à Stuttgart, ont présenté un robot microscopique qui ressemble à un leucocyte, un type de globule blanc qui a un rôle-clé dans la défense de l’organisme face à différentes agressions. L’idée est d’utiliser ce nanorobot pour détruire bactéries, virus ou cellules malignes à la demande (Voir Science Robotics).Ce nanorobot est recouvert, d’un côté, d’une fine pellicule de nickel et d’or, et de l’autre, de molécules spécifiques qui peuvent reconnaître et combattre des cellules cancéreuses. Les chercheurs espèrent réussir à faire évoluer ce nanorobot de 8 micromètres de diamètre directement dans les tissus de l’organisme, comme le fait le leucocyte.

Toujours en mai dernier, une autre étude remarquable a été publiée par des chercheurs saoudiens et espagnols qui ont montré qu'il était possible de détruire des tumeurs à l'aide d'un nanofil de fer qui dissémine un médicament anticancer tout en perforant la membrane de leurs cellules (Voir Eurekalert).

Autre avancée remarquable, celle réalisée en 2019 par l’équipe de Patrick Couvreur, professeur de pharmacie à l'Université Paris-Saclay, membre de l'Académie des sciences, et pionnier mondialement reconnu de la nanomédecine. Ces chercheurs ont développé un nanomédicament à fort pouvoir antalgique, soixante-dix fois plus petit qu'un globule rouge (Voir Science Advances). «La morphine est très efficace contre la douleur, mais du fait de son action centrale il y a un risque d'addiction. C'est pourquoi nous avons voulu agir en périphérie à la naissance du stimulus douloureux » précise Patrick Couvreur.

La grande innovation de ces travaux est d’avoir utilisé un lipide naturel présent dans l'organisme, le squalène, pour envelopper le neuropeptide dans une nanoparticule et le protéger. Autre avantage ce procédé, grâce à la structure moléculaire très dense du squalène, l’association leuenképhaline-squalène va former spontanément des nanoparticules par un processus d'auto-assemblage supramoléculaire. Enfin, cette approche réduit considérablement les risques de toxicité, car les substances utilisées sont présentes naturellement dans l'organisme. Les essais réalisés ont montré que ce médicament nanovectorisé provoquait une suppression de la douleur beaucoup plus prolongé que la morphine, car ce nanomédicament libère progressivement le neuropeptide au niveau de la zone inflammatoire.

Mais, comme nous l’avons évoqué plus haut, la nanomédecine n’a pas seulement vocation à mieux détecter et à mieux traiter de nombreuses pathologies graves, voire incurables. Elle ouvre également d’immenses perspectives de progrès dans le domaine de la médecine régénérative. En mai 2019, des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg au sein de l’Unité 1260 ” Nanomédecine régénérative” ont mis au point un implant qui, appliqué comme un pansement, permet de régénérer les cartilages en cas de lésions importantes des articulations ou d’arthrose débutante (Voir Nature).

Avec le vieillissement accéléré de la population, les pathologies touchant les articulations sont devenues un enjeu majeur de santé publique. C’est notamment le cas de l’arthrose, qui se manifeste par une destruction progressive des structures de l’articulation. A l’heure actuelle, plusieurs options thérapeutiques, qu’il s’agisse de prothèses, ou d’injection d’anti-inflammatoires, peuvent être proposées aux malades, mais aucune n’est pleinement satisfaisante, ni dénuée d’effets secondaires, parfois lourds.

Face à ce défi médical, une équipe de recherche associant l’Inserm et l’Université de Strasbourg a mis au point, après de nombreuses années de recherche, un biopansement pour le cartilage, qui ne permet pas seulement une réparation, mais bien une régénération du cartilage articulaire. Il s’agit d’implant ostéoarticulaire, conçu pour reconstituer une articulation endommagée et qui peut être utilisé dans deux cas en particulier, d’une part les grandes lésions du cartilage et d’autre part les arthroses débutantes. Ces pansements articulaires sont composés de deux couches successives. La première a une structure en treillis et sert de support ; elle est une membrane composée de nanofibres de polymères et dotée de petites vésicules contenant des facteurs de croissance identiques à ceux sécrétés naturellement par nos cellules. La seconde est composée d’une couche d’hydrogel chargée d’acide hyaluronique et de cellules souches provenant de la moelle osseuse du patient lui-même. Ces cellules pluripotentes ont la propriété de pouvoir se différencier en chondrocytes (cellules qui forment le cartilage) et vont permettre la régénération du cartilage de l’articulation. A terme, ces chercheurs sont convaincus qu’il deviendra possible, grâce à des outils de nanorégénération de plus en plus nombreux et diversifiés, de reconstituer complètement, et avec la même capacité fonctionnelle, tissus et organes lésés par l’âge ou la maladie.

Citons enfin une dernière avancée réalisée, il y a peu, par une équipe de l’iNRS, au Québec. Ces chercheurs ont conçu des nanoparticules qui sont injectées par intraveineuse et peuvent aller se déposer autour des vaisseaux cérébraux, pour délivrer des médicaments au cerveau (Voir Science Direct). Ces nanovecteurs sont composés d’acide polylactique (PLA), une substance qui présente l’avantage d’être biocompatible et facilement éliminée par l'organisme. Ces nanoparticules sont recouvertes d’une couche de polyéthylène glycol (PEG) qui les rend indétectables par le système immunitaire, ce qui leur permet de rejoindre leur destination-cible, en empruntant la circulation sanguine.

On le voit, toutes ces avancées récentes montrent que nous assistons à une formidable accélération de la nanomédecine, et cela ne fait que commencer. Dans moins de dix ans, au rythme ou progresse la science, cette nanomédecine sera au cœur des traitements de référence dans de multiples pathologies, allant du cancer aux maladies neurologiques et inflammatoires. Mais à plus long terme, cette nanomédecine, qui est train de s’élargir vers le concept bien plus vaste de nanosanté, va aussi devenir la voie royale de la médecine régénératrice, qui demain permettra des prouesses qui relève encore de la science-fiction, comme la reconstruction de tissus et d’organes complets…

Nous n’insisterons jamais assez sur ce point, les progrès en nanomédecine doivent s’inscrire dans une stratégie à très long terme, reposant à la fois sur une recherche fondamentale puissante et dégagée des contingences du moment et sur une transdisciplinarité toujours plus grande, incluant notamment la physique, l’optique, la mécanique et les mathématiques.

Alors que notre pays et le monde entier sont durement frappés par la pandémie de Covid-19, que nous espérons tous voir enfin maîtrisée l’année prochaine, grâce à l’arrivée de plusieurs vaccins, nous devons enfin considérer que la nanomédecine est appelée à devenir un outil irremplaçable dans la prévention et la lutte contre les nouveaux virus qui émergent et peuvent menacer l’Humanité. Espérons que notre pays, qui a affirmé son excellence dans ce domaine de recherche, si important pour notre avenir, sera capable de poursuivre son effort de recherche, pour rester à la pointe de cette nouvelle grande aventure de la médecine et de la science.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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