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La fusion nucléaire tient dans la poche

«Nous avons construit un petit appareil, d'une taille de seulement quelques centimètres cubes, qui est capable de produire des réactions de fusion nucléaire quand on le réchauffe en le tenant simplement dans ses mains», s'émerveille Seth Putterman, professeur à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), et l'un des auteurs de cette étonnante découverte publiée aujourd'hui dans la revue britannique Nature (1). En ce moment, l'expression «fusion nucléaire» évoque plutôt une tout autre échelle : celle du projet de réacteur thermonucléaire Iter, un monstre de 30 mètres de haut, et d'un coût de 10 milliards d'euros.

Dans le passé, quand des scientifiques ont prétendu avoir réussi à maîtriser la fusion nucléaire sur un coin de table, la communauté s'est immédiatement mise en émoi, criant à la fraude ou à la manipulation. En 1989, les physiciens américains Stanley Pons et Martin Fleischmann avaient provoqué un immense scandale, en prétendant avoir produit des réactions de «fusion froide», dans un liquide à température ambiante. Plus récemment, en 2002, le physicien indien Rusi Taleyarkhan a ravivé la polémique en affirmant créer des réactions de fusion nucléaire dans des minuscules bulles de gaz qui éclatent dans un liquide.

Cette fois-ci, le sérieux de la découverte n'est pas remis en doute. Premièrement, parce que, comme l'admettent les auteurs, le système consomme intrinsèquement plus d'énergie qu'il n'en produit par fusion nucléaire. Cette découverte ne peut donc prétendre servir de source d'énergie miracle, simple et inépuisable, comme l'annonçaient au contraire les précédentes «inventions». D'autre part, «cette technique utilise un type de fusion nucléaire qui est très facile à produire, et qui se fait très facilement en laboratoire. Il n'y a rien de mystérieux là-dedans», commente Michael Saltmarsh, physicien longtemps responsable de la fusion au très célèbre Oak Ridge National Laboratory, dans le Tennessee. En effet, le principe de la fusion obtenue par l'équipe californienne est très classique, mais c'est en revanche le moyen de la mettre en oeuvre qui est totalement original. La méthode utilisée à UCLA par Seth Putterman, Brian Naranjo et Jim Gimzewski consiste en fait à bombarder une cible avec un flux d'atomes accélérés. Les cibles et les projectiles sont ici du deuterium, une forme lourde de l'hydrogène (noyau avec un proton et un neutron), qui fusionne assez facilement.

De temps à autre, un atome vient percuter de plein fouet un autre atome de la cible, avec une énergie suffisante pour que leurs deux noyaux fusionnent et donnent naissance à un nouvel atome, plus lourd. C'est une réaction de fusion nucléaire : deux noyaux d'atome fusionnent pour en créer un nouveau. Et comme la masse du noyau final est légèrement inférieure à celle des deux noyaux de départ, conformément à la célèbre formule d'Einstein E=mc2 la différence de masse est convertie en énergie.

Le même principe est au coeur du projet de réacteur thermonucléaire Iter, à la différence majeure qu'il n'y a plus de cibles, mais seulement des atomes libres, chauffés à une température de quelques dizaines de millions de degrés, afin d'augmenter la probabilité pour que deux noyaux viennent se percuter et produisent la fusion tant recherchée. Le coût et la complexité des futurs réacteurs de fusion résident dans le défi extrême qui consiste à conserver un gaz ionisé, un plasma chauffé à plusieurs millions de degrés, dans une sorte de thermos magnétique géant.

En laboratoire, la fusion par bombardement sur une cible est couramment utilisée pour un de ses sous-produits : l'émission de neutrons. D'ailleurs, des générateurs de neutrons utilisant cette technique sont en vente dans le commerce (les neutrons servent à analyser des matériaux en profondeur, dans l'industrie ou pour les douanes par exemple) et certains sont même transportables. «Ce qui est nouveau, explique Brian Naranjo, c'est que nous arrivons à produire un jet d'ions sans avoir besoin d'alimentation électrique importante, en chauffant simplement un cristal aux propriétés très particulières.» Il s'agit d'un cristal dit pyroélectrique, qui a la propriété étonnante de produire des charges électriques quand on le chauffe.

«Cet effet est sans doute connu depuis l'étude de la tourmaline en 314 avant J.-C. par Téophraste», précise Michael Saltmarsh. Mais personne, jusqu'à l'expérience faite par Brian Naranjo, n'avait su exploiter cet effet pour produire un faisceau d'ions assez intense pour réaliser des réactions de fusion dans une cible enrichie au deutérium. En chauffant le petit cristal (composé de tantale et de lithium) de seulement 12°C par minute, les chercheurs obtiennent une tension qui augmente de 50 000 volts dans le même intervalle, et ionise un gaz de deutérium pour le projeter vers la cible avec une très forte énergie. Les physiciens vont maintenant essayer d'obtenir des réactions de fusion plus nombreuses en améliorant leur dispositif, afin d'en faire une source de neutrons compacte et économique. Autre application, le cristal pourrait servir de micropropulseur pour de petits engins spatiaux.

Figaro

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