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Faut-il enfouir le CO2 ?

Fuite en avant technologique ou bouée de sauvetage pour un climat en perdition ? En tous cas, l'idée d'ensevelir sous des couches géologiques étanches une partie du CO2 que nous émettons, afin de l'empêcher de perturber le climat, fait l'objet depuis environ une décennie d'une recherche fiévreuse.

Rappelons l'enjeu : les scientifiques estiment qu'il faut, au niveau de la planète, diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre dans les 50 années à venir, pour maintenir le changement climatique dans des limites gérables. Ce qui, pour respecter l'équité internationale, signifie que les pays développés devraient pour leur part les diviser par quatre, un objectif auquel les autorités françaises souscrivent officiellement. Or les 5000 plus grosses centrales thermiques de la planète, auxquelles il faut adjoindre quelque 2000 cimenteries, aciéries et raffineries émettent plus de 13 milliards de tonnes de CO2 par an, sur un total d'environ 30 imputables à l'homme. Autrement dit ces installations géantes sont responsables de près de la moitié des émissions humaines. Elles constituent donc une cible privilégiée pour cette technologie de la CSC.

La capture et le stockage du carbone (CSC), comme son nom l'indique, est en fait une fusée à deux étages. Le premier, celui de la capture, consiste à séparer le CO2 du reste des gaz émis par la combustion (principalement de l'azote). Il existe plusieurs techniques de séparation qui en sont d'ores et déjà au stade commercial, bien qu'il faille les adapter plus précisément au contexte particulier des centrales thermiques (et notamment aux énormes volumes en jeu).

Une fois le gaz carbonique capturé, il reste à réussir l'étape de la séquestration. Les géologues ont plusieurs solutions à ce problème. Ils estiment qu'il y a sur la planète suffisamment de sites pour accueillir environ 2000 Gt (milliards de tonnes) de CO2, alors que nos émissions actuelles sont d'environ 30 Gt par an. Mais ces sites ne correspondent que partiellement, sur le plan géographique, aux principales zones d'émission (Amérique du Nord, Europe, Asie du sud-est), et certains sont d'un accès difficile, par exemple en off shore. Il faudra donc sans doute envisager des réseaux de transport de CO2 qui augmenteront le prix.

Le prix est une des clés de ce dossier. Enfouir le carbone contenu dans un baril de pétrole, dans l'état actuel de la technique, augmente son prix de 20 à 30 dollars, selon la technique utilisée, le type de stockage, l'industrie émettrice... Relativement à un baril à 60 dollars (valeur approximative actuelle), ces 20 dollars pèsent moins lourd qu'il y a seulement trois ans, où le baril n'atteignait pas 30 dollars. Mais ils suffisent à gravement pénaliser la technique dans un contexte de libre concurrence. Car quelle compagnie d'électricité accepterait de s'équiper d'un tel système si ses compétiteurs sont libres de s'en dispenser ? En dehors d'une régulation par les Etats, définissant des règles communes pour tous, les projets risquent donc de ne jamais sortir des cartons.

Même si la capture et le stockage du carbone se généralisent dans les décennies à venir, nous n'en aurons pas pour autant fini avec le réchauffement climatique. Cette technologie pourrait raisonnablement permettre d'atteindre 15 % de l'objectif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050, et seulement à condition qu'un effort d'investissement très important soit réalisé, soit plusieurs centaines, voire milliers d'installations. 15 %, c'est à la fois beaucoup (cela représente trois fois les bénéfices attendus du protocole de Kyoto), et très insuffisant. Il faudra donc puiser abondamment dans le reste de l'arsenal anti-réchauffement, et définir des choix dans le cocktail d'options défendues par les experts et les politiques (énergies renouvelables, nucléaire, économies d'énergie, changements de mode de vie...). Avec pour seule certitude... la nécessité d'agir vite.

SA

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