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Edito : Édito: EINSTEIN, UNE FOIS ENCORE, POURRAIT NOUS AIDER A MODIFIER NOTRE CONCEPTION DE L'UNIVERS

Dans mon éditorial du 14-01-2005 sur Einstein (Voir lettre 319), j'écrivais que cette nouvelle année 2005 s'annonçait capitale pour de nouvelles confirmations de la relativité générale grâce à deux expériences décisives qui devaient en vérifier certains de ses aspects les plus subtils. La première doit confirmer, grâce au satellite de la Nasa, Gravity Probe B, l'effet d'« entraînement des repères » dû à la rotation de la Terre. La seconde va essayer de détecter, à l'aide de l'instrument franco-italien Virgo et de ses deux bras de 3 kilomètres de long, les fameuses ondes gravitationnelles prévues par la théorie de la relativité générale. Mais Einstein est également en train de revenir sur le devant de la scène scientifique par le biais de sa fameuse « constante cosmologique ». Refusant d'admettre l'idée d'un Univers en expansion, Einstein avait en effet imaginé une « constante cosmologique » destinée à contrebalancer cette expansion. Mais confronté ensuite à cette réalité de l'expansion de l'Univers, il reviendra sur cette constante cosmologique.

L'affaire de la constante cosmologique semblait définitivement close mais en observant des supernovae très lointaines, à la fin de l'année 1998, une équipe internationale de chercheurs (parmi lesquels une équipe du CNRS) a calculé que non seulement l'Univers est en expansion, mais qu'il connaît une phase d'accélération depuis environ 4 milliards d'années ! Pour expliquer ce phénomène, un nombre croissant de physiciens considèrent à présent que la fameuse constante cosmologique Einstein est une réalité et qu'elle possède une valeur non nulle. Cette constante pourrait bien correspondre à « l'énergie du vide » ou à cette mystérieuse « énergie sombre », qui représente 70 % de notre Univers, et dont la force serait de sens opposé à la force gravitationnelle.

Début 2005, des astrophysiciens américains ont établi la plus grande carte à ce jour de l'univers confirmant le rôle central de la gravité dans la formation des galaxies et montrant que le cosmos est plat, en expansion et parcouru d'ondulations provoquées par les ondes de choc du "Big Bang". Un univers plat, ayant connu une phase d'expansion très rapide une fraction de seconde après le "Big Bang" vient conforter la théorie dite d'inflation du cosmos. Ces observations ont confirmé la présence massive d'une matière "noire" et d'une énergie "sombre" qui contrebalanceraient les effets de la gravitation et joueraient un rôle essentiel dans l'expansion de l'univers.

Mais voici que ce débat sur l'identité entre cette étrange énergie sombre, présumée responsable de l'accélération de l'expansion de l'Univers et la constante cosmologique d'Einstein vient de rebondir il y a quelques jours. En effet, une étude internationale de la Supernova legacy survey (SNLS) un groupe de recherche international regroupant environ 40 personnes dont une vingtaine de chercheurs français du CNRS et du CEA, cherche actuellement à mesurer précisément l'énergie noire et déterminer sa nature, toujours inconnue. Pour ce faire, les astronomes ont mesuré les distances de 71 supernovae dont les plus lointaines ont explosé quand l'Univers avait moins de la moitié de son âge actuel.

En mesurant le flux des supernovae distantes, expliquent le CNRS et le CEA dans un communiqué commun, il est possible de déterminer si l'énergie "sombre" se comporte "comme la constante cosmologique d'Einstein ou selon de nombreuses autres hypothèses théoriques". "Ce qui distingue ces théories de la constante cosmologique, c'est la dilution, ou pas, de la densité d'énergie noire avec l'expansion de l'Univers", notent les chercheurs. Or les dernières mesures du SNLS, les plus précises à ce jour, "favorisent l'absence de dilution" et vont donc dans le sens de la constante d'Einstein.

Les observations du SNLS indiquent en effet que l'énergie sombre se comporte comme la constante cosmologique d'Einstein avec une marge de précision de 10 %. "Cette découverte a des implications cosmologiques considérables" souligne le Professeur Ray Carlberg du département de l'astronomie et de l'astrophysique à l'université de Toronto. Celui-ci précise que ces observations infirment toutes les théoriques au sujet de la nature de l'énergie sombre qui prévoient que cette mystérieuse énergie devait se diluer à mesure que l'expansion de l'Univers s'accélère. (Voir article ). Carlberg souligne que ces observations du SNLS confortent très sérieusement l'hypothèse selon laquelle l'énergie sombre et la constante cosmologique d'Einstein décrivent bien la même force fondamentale répulsive de l'Univers. Rappelons qu'Einstein avait introduit sa "constante cosmologique" en 1917 dans ses équations de la relativité générale, pour appuyer son idée que l'univers était statique. Mais 30 ans plus tard, il reconnaissait son erreur, se ralliant à la thèse d'un univers en expansion. Or cette constante est revenue sur le devant de la scène scientifique en 1998 avec la découverte d'une mystérieuse énergie, baptisée "énergie noire", qui constituerait quelque 73 % de la matière de l'univers. Elle agirait comme une force répulsive à grande échelle, capable de surmonter la force gravitationnelle entre les différents constituants de l'Univers. Aucune autre forme de matière ordinaire ne peut expliquer cette accélération.

A l'origine, lorsque Einstein introduisit sa constante, terme qui s'interprétait physiquement comme une nouvelle force qui tendait à faire se repousser les corps de l'Univers les uns les autres, il la régla de façon à ce que cette force de répulsion contrebalance exactement la gravitation, pour la faire coïncider avec l'idée d'un univers statique. Or, selon des astrophysiciens, si cette constante était un peu supérieure à la valeur donnée par Einstein, ce qui semble bien être le cas selon ces dernières observations de la SNLS, cela expliquerait l'évolution de l'univers telle que nous la connaissons désormais : une force de gravité ralentissant son expansion après le Big Bang, puis une expansion accélérée à mesure que l'effet de cette force de gravité était surmonté par une force de répulsion à grande échelle, désormais appelée "énergie sombre".

Si de nouvelles observations confirment cette équivalence fondamentale entre l'énergie sombre et la constante cosmologique d'Einstein, notre vision de l'Univers en sera bouleversée puisque nous serions alors dans un Univers dont l'expansion irait en s'accélérant et serait infinie. Cinquante ans après sa mort, et un siècle après sa théorie de la relativité restreinte, Einstein, génial physicien, reste au coeur du débat scientifique et nous éclaire encore sur la nature intime de notre Univers.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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