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Cosmologie : la théorie des super-cordes...tient la corde

Soixante parmi les plus brillants physiciens du monde viennent de se réunir pendant trois jours dans le cadre du Conseil Solvay, à l'hôtel Métropole, comme l'avaient fait Einstein, Planck, Bohr et tous les grands physiciens du début du vingtième siècle. Leur objectif était de faire le point sur les dernières théories de l'Univers : comment concilier la relativité et la mécanique quantique ? Comment étudier les trous noirs et le big bang ? Pourra-t-on un jour savoir ce qu'il y avait avant le big bang ?

Au centre des débats, la théorie des super-cordes, étudiées depuis 35 ans, qui vise à être la théorie du «Tout» qui réconciliera la relativité d'Einstein et la mécanique quantique. Elle prévoit que les particules élémentaires sont nées des vibrations de cordes microscopiques et qu'il y a 11 dimensions dans notre espace. Mais elle reste d'une effroyable complexité et on est loin d'avoir achevé son étude. «Ce qui est sûr, explique David Gross, prix Nobel, est qu'on n'est pas sûr de bien la comprendre. On est sans doute au milieu du chemin. On pense cependant que cette théorie est une partie de la solution.»

On aimerait cependant, après 35 ans de recherches, avoir ne fut-ce qu'une petite preuve qu'on est dans le bon. « On espère avoir une preuve grâce aux cordes cosmiques, expliquent David Gross et le Français Thibaut Damour. Dans les premiers instants après le big bang, l'espace de l'univers s'est enflé à une vitesse phénoménale, c'est «l'inflation». Les cordes, ces minuscules objets de 10 exposant -33 cm, ont été étirées à la même vitesse jusqu'à occuper tout l'espace de l'Univers. Aujourd'hui encore, ces cordes s'étendent d'un bout à l'autre de l'espace. On espère pouvoir déceler quand elles passent devant une galaxie en dédoublant son image par un effet de lentille. Ces cordes cosmiques pourraient aussi causer des ondes gravitationnelles, prédites par la théorie d'Einstein et qu'on espère déceler bientôt grâce au détecteur européen Virgo et à son homologue américain.»

Le futur grand détecteur européen au Cern à Genève, le LHC, pourrait aussi - indirectement - donner des preuves s'il parvient à détecter des particules supersymétriques postulées par la théorie. Pour Murray Gell-Mann, prix Nobel, «la théorie des cordes a ceci de merveilleux qu'elle génère automatiquement la relativité générale et la mécanique quantique. On ne sait pas si elle est «la» solution mais elle est sans doute un pas vers la solution». Steven Weinberg, prix Nobel, abonde en ce sens, en disant « qu'on ne sait pas si elle est la bonne théorie mais elle est un extraordinaire stimulant».

Pour Thibaut Damour cette théorie, et donc cette réunion de Bruxelles, pose le problème de l'émergence de l'espace et du temps. « Pendant deux mille ans, on a réfléchi en posant des objets dans un espace. Il y avait toujours un contenu (l'objet) et un contenant (l'espace, le temps). Einstein a malmené cela en montrant qu'un objet pouvait modifier le contenant, c'est-à-dire l'espace-temps dans lequel il se trouve. Avec la théorie des cordes, on va bien plus loin et le contenu peut devenir le contenant, il n'y a plus de distinction.

Cela permet par exemple d'espérer gommer la singularité du big bang. On butait jusqu'ici sur ce point mais on peut aujourd'hui travailler par des analogies pour supprimer ce point d'infinis. Je présenterai un travail qui dresse un parallèle entre le big bang et le trajet d'une particule E 10 dans un espace infini. Il ne faut surtout pas envisager le big bang comme étant un début, cela n'a pas de sens. C'est tout juste un bord de l'espace-temps. Au bord de cet espace-temps, cela devient flou à nos yeux et il faut construire un autre oeil pour voir ce qui s'y passe.»

Thibaut Damour est très enthousiaste pour la théorie des cordes. «Certes, on ne la comprend pas vraiment, mais elle a tous les ingrédients qu'il faut. Elle est infiniment riche et on ne cesse d'en explorer les potentialités. Joseph Polchinski, présent, a découvert qu'elle postulait l'existence d'objets massifs appelés «branes». Nous pourrions être sur un de ces branes. La théorie des cordes est si riche qu'elle ne prévoit pas un seul univers mais une infinité d'univers à dimensions variables.

La théorie des cordes permet la disparition ou l'apparition d'une dimension de plus. Il n'y a pas de sélection dans la théorie qui expliquerait pourquoi nous sommes dans un univers à trois dimensions macroscopiques comme nous le connaissons. On ne sait si les infinités d'autres univers existent ou pas. Depuis les années 20, on a cependant démontré que seul un univers à trois dimensions d'espace pouvait engendrer une physique et une chimie stables. Un autre univers à plus de dimensions ne pourrait porter la vie.

Enfin, les physiciens ont discuté de la nature de la mystérieuse "énergie noire". Depuis 1998 les observations cosmologiques ont montré que 70 % de la masse de l'Univers serait cette mystérieuse énergie du vide. Mais elle peut théoriquement osciller dans de telles marges que tous les univers sont possibles. Cette énergie qui s'oppose à la gravitation est-elle la fameuse "constante cosmologique", imaginée par Einstein, s'apparente-elle à l'énergie quantique du vide, à la "quintessence" ou à autre chose de totalement inconnue ?

LB

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