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Une avancée majeure vers le recyclage total et industriel des plastiques

Carbios, une entreprise installée près de Clermont-Ferrand, vient de réaliser une première mondiale en annonçant  la production des premières bouteilles fabriquées à partir d'un plastique 100 % recyclé depuis des déchets, à l'aide d'enzymes spécifiques. Ces petites protéines dégradent avec une efficacité redoutable le PET, le polytéréphtalate d'éthylène, principal composant des contenants en plastique des boissons. "Notre procédé biologique permet de déconstruire tous les types de plastiques PET usagés en leurs constituants de base, réutilisables pour la production de nouveaux plastiques vierges", explique Alain Marty, directeur scientifique de la société.

On le sait, la production mondiale de plastiques a doublé depuis 20ans, atteignant 350 millions de tonnes en 2018. Sur les neuf milliards et demi de tonnes de plastique produites depuis 1950, seulement 9 % ont été recyclées. On estime que 13 millions de tonnes de déchets plastiques finissent chaque année dans les océans et, à ce rythme, il y aura plus de plastiques (en quantité) que de poissons, dans les mers du globe à l'horizon 2050.

Les plastiques mettent en effet jusqu'à 400 ans pour se dégrader complètement dans la nature mais, auparavant, ils se fragmentent en microparticules qui ont des effets très néfastes sur les écosystèmes, l'environnement et la santé humaine. Pour relever le défi du recyclage et de l'élimination de ces plastiques, un pacte sur les emballages plastiques vient d'être signé entre l'Etat et les industriels. Les signataires s'engagent à atteindre un taux de 60 % de ces contenants effectivement recyclés d'ici 2022, contre à peine 24 % aujourd'hui.

Le procédé de Carbios permet justement d'envisager de nouvelles solutions plus efficaces pour recycler les plastiques sous la forme de flacons, de films, de barquettes ou de polyester textile. "En l'état pour les bouteilles", détaille Alain Marty, "la seule technique employée est de les broyer et de les faire fondre à 270°C, ce qui impose plusieurs limitations. Déjà, cela ne permet pas de recycler des contenants colorés, comme ceux des shampoings. Mais surtout, le matériau obtenu a des propriétés mécaniques plus faibles !" Résultat : impossible de le recycler à 100 %, les fabricants sont contraints de le mélanger à du PET vierge...

"Le PET est un polymère", poursuit le directeur scientifique de Carbios. "Il ressemble à un long collier composé seulement de deux perles : de l'acide téréphtalique et du monoéthylène glycol. Nos enzymes sont comme des ciseaux moléculaires : elles coupent les liaisons et libèrent ces deux perles, ensuite purifiées pour revenir aux molécules d'origine et se débarrasser des colorants.

Elles permettent enfin de re-synthétiser du PET à l'identique, sans perte de propriétés mécaniques." Et donc d'envisager la possibilité d'un recyclage à l'infini inédit - à condition que le système de collecte en amont soit toutefois efficace. La production annoncée, ce jour, provient par exemple de "vrais déchets industriels achetés au marché à la tonne", détaille Alain Marty.

Partout dans le monde, des laboratoires travaillent sur ces procédés enzymatiques prometteurs. En 2016, une bactérie mangeuse de plastique PET a été découverte au Japon (Ideonella sakaiensis). Mais les performances atteintes par Carbios sont bien supérieures, assurant 97 % de dégradation en l'espace de 16 heures. Un temps d'une réaction appelé hydrolyse, qui se déroule dans une cuve d'eau où sont ajoutés les déchets et les enzymes, le tout à 60°C et sans traitement chimique. Les capacités de coupure des enzymes ont été améliorées "des centaines de fois", grâce à une collaboration avec un laboratoire public LISBP de Toulouse, (CNRS/INSA/INRA).

"Ce procédé enzymatique, relativement efficace pour dégrader totalement les plastiques, a toutefois une limite : il est généralement assez coûteux", commente le chercheur Mikael Kedzierski, spécialiste des impacts sanitaires et environnementaux des composites. Mais Carbios affirme qu'il parviendra, à terme, à atteindre un coût de production pour son PET recyclé qui ne sera pas plus élevé que celui du PET vierge.

Carbios va à présent se doter d’un démonstrateur, c'est-à-dire une unité de production à plus grande échelle destinée à présenter le process à d’éventuels clients industriels et à accompagner le développement de nouvelles technologies. Cette unité qui sera opérationnelle en 2021 sera implantée à Saint-Fons, près de Lyon. Elle produira entre 150 et 200 tonnes de monomères par an, une quantité suffisante pour convaincre les futurs clients. Si tout va bien, les premiers clients pourront acheter dès 2022 l’enzyme nécessaire au recyclage du plastique ainsi que le procédé de fabrication des produits en PET recyclé.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

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