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Les 4 forces de la nature chamboulées

La nouvelle est tombée fin août, juste avant la rentrée : les constantes de la physique, pilier des lois de la nature et des enseignements, ne sont plus constantes ! Ces valeurs parfois douloureusement apprises et que l'on croyait gravées dans le marbre varient avec le temps. La vitesse de la lumière ? Variable. La constante de gravitation ou celle de la thermodynamique ? Inconstantes. Et celle de la mécanique quantique ? Idem. Même la charge électrique et la masse de l'électron ne valaient pas hier ce qu'elles valent aujourd'hui. Et dans cette valse des étiquettes, l'euro n'est pour rien. Mais l'affaire est sérieuse. Car, au fond, ce sont les lois de la nature qu'il faut retoucher et reprendre pour expliquer comment ces paramètres perdent leur statut de constantes pour devenir de vulgaires variables. Plus probablement, de nouvelles lois devront être écrites. Mais qui a déclenché une telle pagaille ? Pour une fois, ce sont moins des théoriciens que des expérimentateurs. Patiemment, l'équipe de l'Australien John Webb, de l'université de Nouvelle-Galles du Sud à Sydney, a scruté le ciel et la lumière venue des quasars. Grâce aux miroirs de l'observatoire hawaïen de Mauna Kea, elle a analysé cette lumière qui arrive jusqu'à nous après avoir traversé des nuages d'atomes et de molécules de différente nature et de différents âges (voir le schéma ci-dessus). Leur conclusion est presque sans appel : les constantes bougent. Pas énormément, certes, seulement de quelque 0,0007 % selon les mesures effectuées entre 3,5 et 13 milliards d'années après le Big Bang, mais suffisamment pour s'interroger sérieusement.

" Si nous avons raison, c'est potentiellement révolutionnaire, s'enflamme Michael Murphy, l'un des participants à l'expérience. Nous n'avons pas trouvé une nouvelle loi de la physique, mais nous sommes un peu comme Newton et sa pomme : nous avons l'indice qu'il y a dans la nature quelque chose de plus fondamental que nous ne connaissons pas. L'ironie de l'histoire, c'est que les théoriciens n'ont guère été surpris. Voilà près de soixante-dix ans en fait que l'inconstance des constantes est dans l'air du temps. L'un des plus grand, Paul Dirac, avait déjà osé toucher à certaines de ces constantes pour conclure que leur valeur était parfaitement ajustée pour permettre notre existence. Mais les efforts les plus sérieux sont beaucoup plus récents et font partie de cette longue marche de la physique vers l'unification des forces. L'expérience de John Webb prend là tout son sens. En fait, elle n'a pas directement mesuré les constantes les plus connues comme la vitesse de la lumière, la charge de l'électron ou la constante de gravitation. C'est à un mélange de toutes ces forces familières que les détecteurs ont été sensibles. Plus précisément à la constante dite de structure fine, qui est attachée à la force électromagnétique. Dans la nature, à chaque force fondamentale est associée une constante dite de couplage qui est un nombre sans dimension, produit et division de certaines de nos constantes familières. Et si l'une de ces constantes fondamentales bouge, alors toutes doivent bouger. Mais pas trop, car notre histoire depuis le Big Bang est très chatouilleuse. De petites variations sur ces grandeurs et ce sont des conséquences telles que nous ne serions même plus là pour en parler ! Or nous sommes bien là, ce qui est la preuve que ces variations n'ont pas été si importantes et si elles l'ont été, ce fut sans doute lors des premiers babillages de l'Univers. Il reste donc encore beaucoup à apprendre pour comprendre ce qui se cache loin, très loin derrière les virgules. La beauté du monde est sans doute dans ces détails.

Sciences & Avenir N°656 :

http://www.sciencesetavenir.com/comprendre/page76.html

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