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L'Alsace mise sur la géothermie

Ironie de l'histoire, c'est sur le site d'anciens forages pétroliers du début du XXe siècle, que la petite ville alsacienne de Soultz-sous-Forêts s'apprête à construire une usine d'électricité géothermique, dans le cadre d'un projet européen. Le principe est simple : «On utilise la perméabilité de la roche pour la transformer en échangeur thermique», explique Pascal Vix, l'ingénieur qui coordonne le projet. En clair, de l'eau froide est injectée à haute pression (100 à 130 bars) dans la roche par un puits jusqu'à 3 500 mètres de profondeur. L'eau circule ainsi dans le réseau de fractures naturelles qui existent dans le granit, élargies sous l'effet de la pression, et se réchauffe au contact de la roche chaude avant d'être pompée par un autre puits distant de 450 mètres. Il ne reste plus qu'à installer une turbine en surface. Une première expérience, menée en 1997 sur quatre mois, a permis de valider le concept scientifique. Aucun problème de corrosion n'a été déploré et aucune perte d'eau n'a été constatée (un mètre cube d'eau froide injecté se transforme en un mètre cube d'eau chaude récupérée). Seul effet secondaire : le voisinage perçoit, la nuit, quelques vibrations dues aux frottements de la roche qui, stimulée par l'eau, crée des interstices. Ce projet né en 1987 grâce à l'appui de la Commission européenne est aujourd'hui à un tournant. Le forage du deuxième puits, permettant à l'eau de remonter à la surface, a été réalisé avec succès et la réalisation d'un troisième puits, également destiné au pompage, est prévu pour le printemps. La phase de recherche fondamentale étant quasiment achevée, la construction d'une usine expérimentale de 5 à 6 mégawatts électriques (MWe) doit démarrer en 2004 pour valider le schéma industriel. Elle devrait être suivie en 2006 par la construction de deux prototypes d'une puissance de 25 MWe permettant à chacun d'approvisionner en électricité une ville de 25 000 habitants. C'est pour s'en donner les moyens qu'a été constitué le GEIE Exploitation minière de la chaleur, composé à parts égales des français EDF et Électricité de Strasbourg, de l'italien Enel Green Power, de l'allemand Pfalzwerke et du néerlandais Shell International, qui vont désormais financer à hauteur de 20% ce projet. D'un coût total de 100 millions d'euros, il a été financé jusqu'à présent essentiellement sur des deniers publics. Avec un objectif de coût de production de 4 à 9 centimes d'euro le kWh et un tarif de rachat garanti par EDF de 7,62 centimes le kWh, la géothermie n'est pas, loin s'en faut, la moins rentable des énergies renouvelables. Il reste que cette source d'énergie ne sera compétitive dans l'Hexagone que lorsqu'au moins une dizaine d'unités, représentant une capacité de 300 MW, seront mises en place. Le potentiel ne manque d'ailleurs pas. En France, 30 000 kilomètres carrés de territoire, dans le couloir rhodanien, le Massif central et le Languedoc-Roussillon, présentent un potentiel géothermique, c'est-à-dire une chaleur supérieure à 180° C à une profondeur de 5 000 mètres. Celui-ci est même estimé à 110 GW électriques - la puissance actuelle du parc français de production d'électricité - sur l'ensemble de l'Europe occidentale. Sans compter que cette source d'énergie qui n'émet aucun gaz à effet de serre n'est pas dénuée d'atouts sur le plan de l'environnement. «A la différence de ce qui se fait à Bouillante en Guadeloupe par exemple - exploitation d'une nappe d'eau chaude existante, sans injection d'eau -, avec ce principe, il s'agit d'une réelle énergie renouvelable», souligne Michèle Larchez, d'EDF Alsace. «A la différence de l'éolien et du solaire, dépendants des conditions climatiques, c'est une production décentralisée en continu», poursuit Isabelle Ardouin, attachée environnement à EDF Alsace. On ignore toutefois combien de temps la roche ainsi refroidie continuera à produire de la chaleur. Mais Pascal Vix estime qu'«on peut tabler sur une exploitation raisonnable de 20 à 40 années». A l'heure où le gouvernement lance un grand débat sur les énergies et où l'Union européenne vient de se fixer pour objectif de produire 21% de l'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables, il serait dommage de passer à côté de cette source d'énergie non dépourvue d'avantages.

Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/sciences/20030127.FIG0126.html

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