L'innovation de rupture envisagée par Safran il y a plus de deux ans prend corps. Le motoriste français a débuté les premières campagnes d’essais en soufflerie dans le cadre de son programme de démonstrateur technologique CFM Rise, mené en tandem avec l’américain General Electric. Dévoilé en juin 2021, il vise à développer un moteur moins énergivore dont l’architecture promet de casser le paradigme aérodynamique établi dans le secteur depuis les débuts de l’aviation commerciale. Il pourrait devenir une pièce maîtresse pour les successeurs des Airbus A320neo et des Boeing 737 MAX à l’horizon 2035. À la clé ? Une réduction des émissions de CO2 de l’ordre de 20 %.
L’Open fan est un moteur non caréné, c’est-à-dire dépourvu des nacelles qui enveloppent habituellement les propulseurs. Ce qui, à l’instar d’un avion à hélices, laisse la soufflante "à l’air libre" permettant de diminuer la masse et la traînée. Elle est elle-même constituée de deux rangées de pales, dont l’une est en rotation et l’autre fixe mais capable de s’ajuster selon les besoins. Le diamètre de l’ensemble devrait atteindre 4 mètres, soit deux fois plus que les moteurs actuels des monocouloirs. Une taille qui pourrait, in fine, multiplier par cinq le taux de dilution (rapport entre les flux d’air chaud et froid NDLR), et donc le rendement de l’ensemble, par rapport aux systèmes propulsifs actuels.
Pour parvenir à mettre au point ce moteur, Safran met à contribution les souffleries de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), à Modane (Savoie), dans la vallée de la Maurienne. Le motoriste a testé pour l’heure un démonstrateur à l’échelle 1/5e. Si le groupe poursuit d’autres pistes, cet Open fan a de grandes chances de voir le jour, les turboréacteurs actuels ayant atteint leurs limites. Alors que le groupe mobilise une équipe de 1000 ingénieurs, l’investissement avoisine le milliard d’euros, dont quelques centaines de millions d’euros d’aides publiques.
Autre spécificité technique annoncée pour ce futur moteur : il pourra être alimenté en kérosène, en carburants d’aviation durable (CAD, ou SAF en anglais ndlr) ou bien encore en hydrogène. La consommation de CAD pourrait même réduire les émissions de CO2 jusqu’à 80 %, assure-t-on chez Safran. Par ailleurs, le motoriste mène en parallèle des travaux visant à développer une hybridation électrique pour ce système propulsif, afin de réduire la consommation de carburant durant certaines phases de vol. Safran prévoit de mettre en œuvre une palette de technologies de pointe, des aubes de soufflante en composite fibre de carbone en passant par des alliages métalliques résistants à très haute température, des composites à matrice céramique et une utilisation plus poussée de la fabrication additive. Et alors que les nuisances sonores des moteurs à hélices sont souvent mises en évidence, l’industriel assure que son système sera conforme aux futures normes plus restrictives qu’aujourd’hui. Le calendrier prévoit des essais au sol du démonstrateur à taille réel entre 2025 et 2026, puis en vol courant jusqu’en 2027 : le moteur sera monté sur le fuselage d’un A380 modifié pour l’occasion afin d’entreprendre les travaux d’intégration avec le fuselage du futur avion.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash