Selon l'ONU et l'OMS, au cours des 50 dernières années, l'espérance de vie moyenne à la naissance a progressé de plus de 20 ans dans le monde, passant de 46 ans à 67,5 ans et fait encore plus remarquable, l'espérance de vie à la naissance dans les pays les plus pauvres de la planète est passée de 36 à 56 ans, progressant également de 20 ans ! Sous l'Antiquité, l'espérance de vie était d'environ 25 ans et à la veille de la révolution industrielle (fin du XVIIIe siècle) elle n'était encore que de 35 ans en France. Il a donc fallu 18 siècles pour gagner à peine 10 ans de vie.
On l'oublie souvent mais en 1900, à l'époque de nos grands parents pour ceux d'entre nous qui ont dépassé la cinquantaine, l'espérance de vie moyenne (hommes et femmes réunis) n'était encore que de 45 ans en France. Elle est à présent de plus de 80 ans ! Il est en outre intéressant de souligner, comme le montrent les études de l'Ined et de l'Insee, que la mortalité diminue dans toutes les tranches d'âge en France et que le nombre total de décès reste comparable à son niveau d'il y a dix ans alors que la proportion de personnes âgées n'a cessé d'augmenter dans le même temps. L'Insee a d'ailleurs bien montré que si les risques de mortalité étaient restés au même niveau qu'en l'an 2000, il y aurait eu en 2010 au moins 120 000 décès en plus en France, si l'on tient compte de la progression du vieillissement moyen de notre population au cours de cette période.
En 2010, l'espérance de vie à la naissance a encore progressé en France de quatre mois, tant pour les hommes que pour les femmes. Depuis quinze ans, toujours selon l’Insee, l'espérance de vie continue sa progression régulière au même rythme moyen de quatre mois par an. Rien n'indique pour l'instant un ralentissement ou un arrêt de cette progression continue de l'espérance de vie dans notre pays et celle-ci devrait se poursuivre, si l'on en croit l'INSEE, qui prévoit dans ses dernières études, qu'elle pourrait atteindre en 2050 91,5 ans pour les femmes et 86,3 ans pour les hommes !
Plusieurs études scientifiques internationales, dont celle, fameuse, réalisée en 2005 par John Wilmoth, de l’Université de Berkeley, en Californie, ont montré que, dans l'ensemble des pays développés, l’âge maximal de la mort n'a cessé d'augmenter depuis un siècle et demi. Dans l'ensemble de ces pays, les scientifiques ont ainsi pu constater une augmentation de la longévité maximale presque aussi importante au cours de ces trente dernières années que pendant les cent années précédentes. Ces travaux montrent de manière éclairante et rigoureuse que la durée maximale de la vie n'est pas, comme on l'a longtemps cru, une constante biologique ou génétique intangible et indépassable qui serait indépendante des facteurs économiques, environnementaux ou sociétaux. En réalité, et contrairement aux affirmations péremptoires et imprudentes de certains démographes célèbres du siècle dernier qui avaient fixé des limites infranchissables à la longévité humaine, celle-ci ne cesse d'évoluer dans le temps sans qu’on puisse aujourd'hui prévoir jusqu’où ira cet accroissement sans précédent de la longévité humaine maximale.
Reste une question fondamentale : comment expliquer cette extraordinaire progression (qui continue au même rythme ces dernières années) alors que, jusqu'en 1800, l'organisation des sociétés humaines restait essentiellement rurale et artisanale, qu'il y avait très peu de pollution de l'air, très peu de substances chimiques de synthèse dans notre environnement ? Tout simplement parce que les immenses progrès intervenus depuis un siècle dans les domaines agricoles, économiques, industriels, scientifiques, technologiques et médicaux ont entraîné une amélioration sans précédent des conditions de vie et ont eu, pour l'ensemble de l'humanité et pour l'Europe en particulier, des effets bénéfiques très largement supérieurs aux effets négatifs liés à la croissance économique et aux atteintes à l'environnement. Si ce n'était pas le cas, nous aurions vu l'espérance de vie régresser ou stagner depuis un siècle or c'est bien le contraire qui s'est passé : elle a plus augmenté, comme nous l'avons souligné, en un siècle qu'entre l'Antiquité et le début du XXe siècle !
Autre évolution surprenante qui va à l'encontre des idées reçues et de bien des discours ambiants : la production agricole mondiale a été, heureusement pour l'humanité, bien plus rapide que l'augmentation de la population mondiale depuis quarante ans. Grâce aux remarquables progrès de la productivité agricole, l'augmentation des ressources alimentaires par habitant n'a cessé de s'accroître depuis un demi-siècle : la ration alimentaire moyenne dans le monde qui était d'environ 1 900 calories en 1960, est passée à plus de 2 500 calories en l'an 2000, soit une augmentation de 31,5 % en 40 ans.
Cette progression est d'autant plus impressionnante que dans le même temps, la population mondiale a été multipliée par plus de deux au cours de cette période, passant de 3 milliards à 6,1 milliards d'habitants et que la surface mondiale cultivée est restée, à cause de la pression démographique, de l'urbanisation et des changements climatiques, globalement constante dans le monde depuis 1960, selon les travaux de la FAO. Il semble donc que la "révolution verte" des années 50 et 60 et les progrès en matière d'agriculture et d'agronomie aient eu des résultats très bénéfiques pour l'ensemble de la population mondiale, contrairement à ce qu'affirment aujourd'hui certains discours politiques ou économiques.
Il découle de cette évolution un autre fait remarquable et souvent ignoré qu'il convient de souligner : la proportion de la population vivant dans la pauvreté absolue dans les pays en développement a été divisée par deux entre 1981 et 2001, passant de 40 à 21 % de la population mondiale, selon les chiffres publiés en début d'année par la Banque mondiale.
Une autre information révélée par la Banque mondiale confirme cette évolution très positive : entre 2005 et 2008, le nombre global d'Africains vivant dans la grande pauvreté a reculé pour la première fois depuis plus de trente ans. Cette étude révèle par ailleurs que six des douze économies mondiales ayant actuellement les croissances les plus fortes, se trouvent en Afrique subsaharienne. Exemple de ce développement rapide et surprenant : le Nigeria, géant démographique africain (160 millions d'habitants) qui a connu une croissance annuelle moyenne de 7,5 % depuis 10 ans !
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les perspectives de développement économique du continent africain sont remarquables, comme le montre d'ailleurs sa croissance économique moyenne annuelle de 5 % par an depuis dix ans, nettement supérieure à la croissance moyenne annuelle mondiale. Selon une étude récente du McKinsey Global Institute, le produit intérieur brut africain (PIB) pourrait passer de 1 600 milliards de dollars en 2008 - l'équivalent du PIB de l'Espagne - à 2 600 milliards de dollars en 2020, l'équivalent du PIB du Brésil, 6ème puissance économique mondiale.
On constate d'ailleurs que la consommation en Afrique connaît déjà une croissance accélérée, même si 40 % des Africains vivent encore dans un grand dénuement. En moins de 10 ans, le nombre de lignes téléphoniques sur le continent africain a doublé, passant de 180 à 408 pour 1000 habitants et l'on estime que 90 millions de ménages africains gagnent désormais plus de 300 euros par mois, seuil à partir duquel ces foyers commencent à dépenser plus de la moitié de leurs revenus dans d'autres postes que l'alimentation et notamment dans les biens de consommation et différents services, qui alimentent en retour la croissance et le développement, dans une boucle rétroactive positive bien analysée par Rostow dans son fameux essai "Les cinq étapes de la croissance économique".
Pour la première fois, on assiste donc à un recul global et sensible de l'extrême pauvreté dans toutes les régions du monde, à l'exception des états en situation de guerre. En Afrique subsaharienne (700 millions d'habitants), dont la population va presque doubler au cours des vingt prochaines années, le nombre de personnes vivant dans la grande pauvreté devrait basculer en dessous de la barre des 50 % avant 2015, ce qui permettrait d'atteindre le premier objectif de développement pour le Millénaire - réduire de moitié à l'horizon 2015, par rapport à 1990, le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté.
Le rapport Intitulé « Global Wealth Report 2011 », publié par le Crédit Suisse, montre pour sa part que la richesse mondiale devrait augmenter de 50 % d'ici 2017, pour atteindre 250.000 milliards d’euros, grâce au développement de l'Asie, de l’Amérique Latine et d'une large partie de l’Afrique. Il est également remarquable de constater que depuis dix ans, le revenu moyen par habitant augmente bien plus vite dans pays pauvres que dans les pays riches. Le revenu moyen par habitant, dans les pays riches a en effet progressé de seulement 11 % entre 2000 et 2010, contre 40 % dans les pays émergents et 25 % en moyenne mondiale.
Considéré d'un point de vue historique, sur la période 1820-2000, le PIB mondial sera passé de 700 milliards de dollars (valeur 1990) à 36 000 milliards de dollars, soit une multiplication par 48. Quant au PIB moyen par terrien, il a été multiplié par plus de huit au cours de la même période, passant de 700 dollars (constants) en 1820 à 5 900 dollars en 2000. Depuis deux cents ans, grâce à la révolution industrielle et à l'extraordinaire accélération du progrès technologique et de la productivité, les hommes ont donc produit plus de richesses matérielles et surtout immatérielles qu’entre l’apparition de l’espèce humaine et le début du XIXe siècle !
Enfin, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a annoncé en mars 2012 que 6,1 milliards d’êtres humains ont dorénavant accès à de l’eau potable. Ainsi, entre 1990 et 2010, plus de 2 milliards de personnes ont pu se raccorder à un réseau d’eau potable, ou accéder à des puits préservés d'une contamination biologique ou chimique. Sur ces 2 milliards de personnes supplémentaires ayant accès à l'eau potable, près de 800 millions habitent en Chine ou en Inde et cette progression est tout à fait remarquable car l'absence d'accès à l'eau potable, il faut inlassablement le rappeler, reste l'une des grandes causes de mortalité dans le monde avec prés de 4 millions de décès par an. Dans ce domaine essentiel de l'accès à l'eau, l'objectif du millénaire défini par l'ONU a donc également été atteint puisqu'on estime que 89 % de la population mondiale avait accès en 2010, sinon à une eau potable selon nos normes occidentales très strictes, du moins à une source "améliorée" d'eau consommable.
L'ensemble de ces faits et évolutions ne doit bien entendu pas occulter les profondes disparités et inégalités économiques et sociales qui persistent entre continents et pays et à l'intérieur même des différentes sociétés humaines et des états considérés. Mais ces indicateurs, considérés au niveau planétaire et sur le long terme, dans une perspective historique, infligent un démenti cinglant aux discours catastrophiques, malthusianistes et technophobes ambiants qui nous expliquent que l'essor économique, technologique et démographique sans précédent qu'a connu l'humanité depuis deux siècles se serait accompagné d'une dégradation générale des conditions et de la qualité de vie sur notre planète, que la population mondiale serait "trop nombreuse" et qu'elle vivrait moins bien qu'à l'époque de nos parents ou de nos grands parents.
N'en déplaisent aux oiseaux de mauvaise augure et autres cassandres qui proposent comme perspective mondiale pour l'espèce humaine une réduction drastique de la population mondiale, la décroissance généralisée et la frugalité économique et matérielle pour tous, jamais l'espèce humaine, au cours de sa longue histoire, n'a connu une telle amélioration de son sort en si peu de temps (une dizaine de générations). La volonté, l'imagination et l'intelligence de l'homme étant sans limites, il n' y a aucune raison de penser que cette extraordinaire progression de l'humanité ne puisse pas se poursuivre même si, face à la finitude physique de notre monde et au défi réel du changement climatique, elle doit intégrer une finalité écologique et s'inscrire dans le cadre impératif d'un développement supportable pour la planète.
Devons nous choisir entre une jambe ou l'autre pour avancer ? Nous n'avons pas à choisir entre développement et environnement ni entre croissance et équité sociale car ces dimensions de l'évolution humaine ne sont pas antagonistes mais interdépendantes et consubstantielles. Nous devons au contraire rompre avec les idéologies réductrices et les approches "naturalistes" issues du XIXe siècle pour penser, concevoir et imaginer de nouveaux modèles sociaux et politiques qui intègrent la rupture de civilisation liée à la dématérialisation de l'économie et à la révolution numérique et cognitive en cours et qui nous permettent de poursuivre cette marche historique irrésistible vers le progrès, avec la perspective de sortir définitivement l'humanité de la misère et du sous-développement au cours de ce siècle.
René TRÉGOUËT
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat