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Une nouvelle technique de localisation par micro-ondes

Il est difficile de localiser des personnes ou des objets non coopératifs, c’est-à-dire qui n’émettent pas de signaux, dans un bâtiment. L’idée intuitive est de diffuser des ondes électromagnétiques pour les détecter, comme avec un radar, mais dans un bâtiment, les ondes sont réfléchies de multiples fois par les murs, si bien qu’il est quasiment impossible de localiser un objet dans le bruit des réverbérations.

Philipp del Hougne, du laboratoire Ondes et acoustique de l’institut Langevin, et ses collègues viennent pourtant de montrer qu’il est tout à fait possible de mettre à profit la réverbération des ondes diffusées par l’objet pour établir sa position. Les chercheurs parviennent même à démêler les empreintes de plusieurs objets et à les localiser en même temps. Cette découverte pourrait avoir des applications importantes dans le soin ou la sécurité.

Lorsqu’un objet coopératif est situé dans un milieu ouvert, il est très facile de capter son signal en trois points distincts et d’en déduire sa position par triangulation. Mais si cet objet est dans une pièce fermée, le signal rebondit sur les parois et devient plus complexe. Grâce à un récepteur placé dans la pièce, il est tout de même possible d’enregistrer ce signal et de définir ainsi une « signature », spécifique à une certaine position. On peut ainsi dresser un catalogue des signatures correspondant aux différentes positions possibles d’un objet. Il suffit alors par la suite de comparer le signal capté aux empreintes listées dans le catalogue pour déduire la position de l’objet.

Mais ce qui intéresse ici les chercheurs, c’est le cas où l’objet placé dans une pièce fermée n’émet pas de signal. L’idée est alors d’émettre des micro-ondes dans la pièce, de les détecter après leur réflexion sur l’objet et d’en déduire la position de celui-ci. « L’objet diffuse les micro-ondes. Ainsi dans le signal mesuré, il y aura une empreinte de l’objet. En comparant le signal mesuré avec ou sans objet, on peut déduire la signature de l’objet, et ce pour chaque position possible », explique Philipp del Hougne. Comme précédemment, on établit ainsi un catalogue de signatures. Pour détecter un objet par la suite, il suffit alors d’émettre des micro-ondes dans la pièce, d’observer le signal reçu, de le comparer au catalogue des signatures et d’en déduire la position de l’objet.

Avec cette méthode, les chercheurs transforment un inconvénient, la complexité de la réverbération des ondes dans la pièce, en atout. « C’est la complexité des rebonds du signal dans une pièce qui fait que les signatures de deux positions distinctes sont totalement différentes et ne peuvent être confondues », précise le doctorant.

L’étape suivante a été de prouver qu’il était possible de localiser non pas un mais plusieurs objets. Pour ce faire, l’équipe a supposé que la signature de deux objets présents dans la pièce s’additionne. Ainsi, à partir du catalogue des signatures correspondant aux différentes positions d’un seul objet établi expérimentalement, un programme peut facilement établir un catalogue plus fourni comprenant les signatures de plusieurs objets situés à tel ou tel endroit.

Les chercheurs se sont alors demandé s’il était possible d’obtenir des signatures d’une manière différente. Ils ont tout d’abord eu l’idée de placer des récepteurs à différents endroits de la pièce et d’émettre un signal monofréquentiel. La signature de l’objet aurait alors été constituée des différents signaux reçus par les différents récepteurs, l’information spatiale remplaçant alors l’information spectrale. Mais placer une centaine de récepteurs dans une pièce est irréalisable en pratique. Les chercheurs ont donc imaginé tirer parti des parois de la pièce et de la manière dont elles réfléchissent les micro-ondes.

Plus précisément, Philipp del Hougne et ses collègues se sont tournés vers les métamatériaux. Ces matériaux artificiels sont structurés de façon à avoir des propriétés électromagnétiques spécifiques et contrôlables. Toujours en utilisant un signal monofréquentiel, les chercheurs ont établi la signature d’un objet avec un mur de la pièce recouvert d’un métamatériau. Pour une configuration donnée, les ondes s’y réfléchissent d’une certaine façon. « On étudie le signal diffusé par l’objet pour différentes conditions de la métasurface, jusqu’à obtenir une signature. Lorsque l’on veut ensuite localiser un objet, il suffit alors d’appliquer au métamatériau cette même série de conditions et de comparer le signal capté avec le catalogue de signatures établi », explique Philipp del Hougne. Cette technique présente l’avantage d’utiliser une seule fréquence et un seul récepteur.

Pouvoir détecter des objets ou des personnes dans un environnement complexe et fermé comme une maison pourrait être très utile en matière de sécurité. Cette détection peut en effet se faire en temps réel. Il serait donc possible de surveiller les déplacements d’une personne âgée qui vit seule sans avoir à lui imposer des caméras, limitées par la luminosité et par l’angle de vue, et surtout beaucoup plus intrusives.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Pour La Science

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