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L'informatique dans la peau

Serons-nous, dans quelques années, des êtres obéissant au clavier et à la souris, localisables à toute heure du jour et de la nuit ? Les expériences d'implantation de puces sous la peau se multiplient, et leurs initiateurs prennent rarement la peine de clarifier leurs objectifs, entre prévention médicale et surveillance de nos faits et gestes. Le 15 décembre 1999, c'est la société américaine Applied Digital Solutions qui déclarait ainsi à grand renfort de superlatifs avoir acquis les droits d'exploitation d'un brevet pour le " premier dispositif électronique implantable chez les êtres humains ". Nommé Digital Angel, c'est-à-dire " ange numérique ", cet émetteur-récepteur présenterait l'avantage de se recharger tout seul, tirant son énergie du mouvement des muscles. L'idée n'est pas incongrue puisque les influx nerveux circulent jusqu'aux muscles par dépolarisation des membranes, c'est-à-dire par inversion des charges le long des neurones et des cellules musculaires. Quelques semaines plus tard, c'est Kevin Warwick, un scientifique anglais de l'université de Reading, qui enfonce le clou. Dans le numéro de février du magazine américain Wired, il expose en détail la prochaine expérience qui fera de lui le premier cyborg. Warwick n'en est pas à son coup d'essai. En août 1998, il s'est déjà fait poser sous la peau une capsule de verre contenant une bobine électromagnétique et quelques microprocesseurs. L'ensemble, qu'il a porté une dizaine de jours, lui permettait d'être reconnu dès son entrée au laboratoire, de commander l'ouverture des portes et l'éclairage. Cette fois-ci, il veut aller plus loin et faire dialoguer son système nerveux avec un ordinateur en reliant l'implant aux neurones de la partie supérieure de son bras. Chaque signal, produisant un mouvement, serait enregistré par l'ordinateur, avant d'être retourné à l'envoyeur pour test. Ainsi, Warwick espère déterminer des figures, des modèles d'influx nerveux correspondant à des mouvements spécifiques. Dans un deuxième temps, il voudrait se livrer à la même expérience avec les émotions. Et, si tout se passe bien, il envisage d'implanter le même dispositif dans le bras de sa femme, qui s'est portée volontaire. Seraient-ils alors capables d'échanger leurs sentiments via Internet ? Warwick l'espère. Car, au-delà des perspectives pour la médecine - " les aveugles et les sourds pourraient-ils un jour voir ou entendre avec des ultrasons ou des infrarouges ? " -, le professeur de cybernétique de l'université de Reading perçoit, dans son expérience de cobaye, un moyen de donner aux humains quelques outils pour rivaliser avec des machines qui ne tarderont pas à être très intelligentes. Soit. Mais le spectaculaire ne doit pas voler la vedette au rationnel. L'électronique dans la peau, pour la plupart des scientifiques, ce sont, pour l'instant, plutôt ces microsystèmes, voire ces nanosystèmes, que nous pourrions avaler pour nous soigner. Des chercheurs du MIT imaginent un dispositif qui, sur une puce de silicium, disposerait de microréservoirs recouverts d'une feuille d'or. Un courant de faible intensité permettait de dissoudre la pellicule. Contrôlés à distance, ces nanosystèmes libéreraient des médicaments à heure contrôlée. Une véritable pharmacie dans la peau.

Le Monde : http://www.lemonde.fr/article/0,2320,seq-2081-41618-MIA,00.html

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