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Edito : L'éolien marin de nouvelle génération pourrait changer la donne énergétique mondiale
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3 avis :
AVEC NOS MEILLEURS VOEUX POUR 2024 :
Avec notre petite équipe de 3 personnes, Monique, Mark et moi-même, la même depuis 1998, je vous présente nos meilleurs vœux pour l'année 2024.
Les 2 dernières semaines de 2023 ont été particulièrement importantes pour l'avenir de RT Flash car, avec la mobilisation d'anciens lecteurs, nous avons atteint notre objectif et même dépassé de quelques dizaines d'euros.
Merci à tous. Nous avons dorénavant des moyens suffisants pour traverser toute l'année 2024.
Bien Cordialement
René TREGOUET
Editorial :
L'éolien marin de nouvelle génération pourrait changer la donne énergétique mondiale
On le sait, les 25 prochaines années vont être décisives pour contrer le réchauffement climatique en cours et accélérer la nécessaire transition énergétique qui doit nous mener vers l'abandon définitif des énergies fossiles et une réduction d'au moins les trois quarts de nos émissions de CO2. Toutes les études récentes convergent en effet pour nous dire que nous devons redescendre à moins de 10 gigatonnes de CO2 en 2050 (contre 40 Gigatonnes en 2022), pour retrouver un niveau d’émissions que la Terre soit en mesure d’absorber dans ses océans, ses sols et ses forêts (à condition de freiner drastiquement la déforestation et de reboiser). Concrètement, cela veut dire que les émissions moyennes par terrien vont devoir passer de 5 tonnes par an aujourd'hui à une tonne en 2050, si l’on prend en compte l'évolution démographique mondiale.
La société BP, dans une étude de référence (Voir bp Energy Outlook) prévoit, dans l'un de ses scénarios énergétiques pour 2050, une possible stabilisation, voire une baisse de 10 à 15 % de la consommation finale d'énergie au niveau mondial, à la fois grâce aux progrès considérables qui sont attendus en matière d'efficacité énergétique et à une meilleure maîtrise de la demande d'énergie. Mais la consommation mondiale d'électricité a été multipliée par quatre depuis 40 ans, une hausse deux fois plus rapide que la demande mondiale d'énergie. Et cette consommation mondiale d'électricité, selon l'AIE, pourrait encore augmenter de 50 % d'ici 2050, passant de 28 000 à 42 000 TWH par an. Au milieu de ce siècle, la consommation d'électricité pourrait donc représenter près de 30 % de la consommation totale d'énergie, contre environ 16 % aujourd'hui. Ce phénomène s'explique par le fait que, pour sortir plus rapidement des énergies fossiles (qui représentent encore plus des trois quarts de la consommation énergétique mondiale), il va falloir accélérer notablement l'électrification des usages dans tous les secteurs, transports, bâtiment, chauffage, industrie...
L'un des enjeux majeurs de cette transition énergétique mondiale va donc consister à produire au moins 75 % de l'électricité mondiale à partir d'énergies décarbonées en 2050, contre seulement 40 % aujourd'hui. En prenant comme scenario l'hypothèse plausible d'une primauté du solaire en 2050, avec 30 % de la consommation mondiale d'énergie, d'une part de nucléaire qui passerait de 10 à 15 % du mix énergétique mondial (avec l'arrivée des nouvelles générations de réacteurs EPR et des petits réacteurs modulaires dont je vous ai déjà parlés) et d'une part d'énergies marines qui atteindrait 5 % de ce mix mondial. Il va falloir que la part de l'éolien passe de 7,5 % à 25 % en 2050, ce qui suppose, en valeur absolue, de multiplier par 5 la production mondiale d'électricité éolienne, qui passerait de 2140 TWH en 2022 à 10 5500 TWh par an en 2050.Cela veut dire qu'il va falloir multiplier par quatre le rythme annuel d'installation de nouvelle puissance éolienne, qui va devoir passer de 320 GW aujourd’hui à 820 GW par an dans les années qui viennent...
Il y a deux ans, General Electric présentait sa nouvelle éolienne marine géante, la Haliade X. Ce monstre de puissance a fait entrer les éoliennes dans une nouvelle ère : haute de 260 mètres, elle est équipée de trois pales de 107 mètres – soit la longueur d’un terrain de football. Sa turbine est capable de produire autant de poussée que les quatre réacteurs d’un Boeing 747. Cette géante des mers peut produire plus de 310 MWh en une seule journée et une seule de ses rotations peut alimenter un foyer pendant deux jours et sur une journée, elle produit assez d’électricité pour une ville de 25 000 habitants. 190 exemplaires de l’Haliade-X 13 MW seront déployés sur le parc éolien offshore géant "Dogger Bank", en mer du Nord, au large du Royaume-Uni.
Fin 2022, le fabricant germano-espagnol Siemens Gamesa a présenté son nouveau prototype d’éolienne de 14 MW. D’une longueur de 115 mètres, cette machine appelé SG 14-236 DD possède un diamètre de rotor de 236 mètres, Ce prototype a produit 359 mégawattheures en 24 heures, de quoi couvrir les besoins énergétiques de plus de 12 000 foyers américains moyens pendant une journée. C’est la plus grande production électrique jamais atteinte par une éolienne sur cette durée. Capable d’atteindre 15 MW, la nouvelle éolienne de Siemens Gamesa équipera les futurs parcs éoliens en mer de Norfolk.
En début d'année 2023, l'énergéticien chinois Mingyang a dévoilé son nouvel appareil MySE 18.X-28X. Il arrive pour l'instant en tête de la course à l’éolienne la plus imposante. Dotée d’un rotor d’une envergure de plus de 280 mètres, cette éolienne offshore géante, dont la construction a été annoncée en janvier dernier, balayera une surface de plus de 66 000 mètres carrés et délivrera une puissance impressionnante de 18 mégawatts. MySE 18.X-28X aura une capacité de production de 80 millions de kWh par an (l’équivalent de la consommation de 30 000 foyers chinois), sur la base d’une vitesse moyenne annuelle du vent de 30 kilomètres/heure.
Cette méga-éolienne a été conçu pour résister à des événements météorologiques extrêmes tels que des typhons avec des vents d’une vitesse de plus de 200 kilomètres/heure. Plus légère et d’un meilleur rendement, cette MySE 18.X-28X sera aussi plus rentable et permettra d’éviter l’installation de 18 unités de 13 MW requises pour un parc éolien offshore d’une capacité d'un gigawatt, réduisant ainsi les coûts de construction de 120 000 euros par MWh. Le constructeur chinois CSSC Haizhuang a quant à lui annoncé en janvier dernier un projet d'éolienne d’une puissance de 18 MW avec un rotor d’une envergure de 260 mètres de diamètre qui balayera une surface de 53 000 mètres carrés.
En Europe, la Norvège teste une rupture technologique majeure : sur un lac, proche de Vats, la firme WWW va commencer les essais d’une éolienne à axe vertical contrarotatif. D’une longueur de 19 mètres et d’une puissance de 30 kW, cette machine est flottante, ce qui pourrait réduire considérablement le coût de l’énergie éolienne en mer, tout en se révélant beaucoup plus efficace. Contrairement aux éoliennes conventionnelles, avec leurs hélices perchées au sommet d’un immense mat, le modèle développé par World Wide Wind (WWW) s’appuie sur une turbine à axe vertical à contre-rotation. La majeure partie du poids de la génératrice se situe au fond de l’éolienne, sous l’eau et sous le ponton flottant de l’éolienne, ce qui lui qui assure une grande stabilité sans nécessiter de lourdes structures de soutien.
A terme, cette structure de 305 mètres de haut serait aussi haute que la tour Eiffel. Elle pourrait accueillir 115 turbines d’une puissance d’un mégawatt (MW) chacune et d’un diamètre d’environ 30 mètres. Cette éolienne révolutionnaire pourrait produire, sur une superficie cinq fois plus petite, cinq fois plus d’énergie que les plus grandes éoliennes en mer du monde, de quoi alimenter 80 000 foyers. Ce concept dit "multirotors" est une des voies explorées pour repousser les limites inhérentes aux éoliennes marines conventionnelles. Il s’agit également de faire baisser toujours davantage les coûts de construction, de production et d’exploitation de ces machines, en améliorant leur efficacité énergétique.
La propriété remarquable de ce type d’éolienne est que, quelle que soit la direction du vent, elle s’ajuste passivement pour optimiser son angle, permettant aux deux turbines de tourner dans des directions opposées, doublant ainsi la vitesse de rotation du "rotor" par rapport au "stator". Ce concept offre la possibilité de doubler la production d'énergie ou de réduire de moitié le coût de génération.
En utilisant des matériaux adaptés, Wind Catcher System – WWW – envisage de créer des éoliennes d’une hauteur de 400 mètres, capables de produire jusqu’à 40 MW par tour, soit près du double de la capacité des plus grandes éoliennes actuelles. Au final, ce système pourrait réduire de moitié le coût de l’énergie éolienne en mer, par rapport aux éoliennes traditionnelles à axe horizontal.
D’une manière globale, l'éolien flottant, dans ses différentes déclinaisons techniques, est considéré comme une solution d’avenir car il est à la fois plus efficace sur le plan énergétique (en exploitant des vents plus forts et plus réguliers), moins coûteux à installer et plus respectueux de l'environnement. Le projet européen PivotBuoy travaille sur un nouveau type de machine flottante développée par la société espagnole X1 Wind qui, contrairement aux modèles classiques à un seul mât, se distingue par une turbine fixée au sommet d'un trépied reposant sur trois flotteurs. Cette conception novatrice permet de réduire les coûts d'amarrage grâce à l'utilisation de navires plus petits. Ces éoliennes étant plus stables, leur maintenance sera également moins coûteuse. Enfin, grâce à un système d'amarrage original, avec des câbles reliés au fond, l'éolienne est à la fois solidement maintenue tout en étant capable de tourner pour se placer automatiquement face au vent comme une girouette. Après des essais positifs en 2023, un prototype de 6 MW est prévu en 2024.
En France, la société Eolink, basée à Brest depuis 2016, travaille également sur une éolienne flottante de conception innovante. Cette machine est montée sur quatre bras profilés plutôt que sur un bras unique, ce qui permet de mieux répartir la charge sur la structure et d’économiser 30 % d’acier. A terme, ce type d’éolienne devrait pouvoir être construite en série, avant d’être remorquée en mer. Une de ces éoliennes devrait commencer à produire d’ici l’été 2024 sur le site d’essai de Nantes (Loire-Atlantique). « Dans sa version de 140 mètres, elle pourra produire jusqu’à 170 millions de kWh par an », annonce Eolink. La firme espère ensuite lancer, dès ces prochains mois, la fabrication d’éoliennes flottantes de 13 MW avec un rotor de 220 mètres de diamètre et un flotteur de près de 70 mètres de large. Cette entreprise vise enfin pour 2026 une version encore plus puissante de 20 MW, qui pourra sans doute produire plus de 200 millions de kWh par an (l’équivalent de la consommation de 44 000 foyers français) et produire le MWH à 35 € en 2030.
Depuis 15 ans, la surface balayée par les pales a ainsi quintuplé. Et les futures éoliennes marines en cours d’expérimentation ont un diamètre de 260 mètres. L'une des raisons de cette course au gigantisme est que le gain d'énergie est plus que proportionnel : avec un rotor de seulement 19 % plus grand, une machine va produire 45 % d'électricité en plus. En outre, le facteur de charge, c'est-à-dire le temps pendant lequel ces machines fonctionnent à plein régime, est en moyenne de 40 % pour l'éolien marin, contre seulement 24 % pour l'éolien terrestre. Enfin, avec moins d'éoliennes à puissance égale, les coûts d'installation et de maintenance sont sensiblement réduits. En 15 ans, le coût du MWh marin a ainsi été divisé par quatre, passant de 200 euros à 50 euros. Et cette chute des coûts va se poursuivre selon une étude de Nature Energy, qui table sur une diminution de 50 % du coût du MW en 2050, le MWh marin tombera à moins de 30 euros en 2050...
Le parc éolien marin britannique géant de Dogger Bank, dont les travaux ont commencé cet été, sera en 2028 le plus grand parc éolien offshore en Europe et dans le monde. Il s’étendra sur 1 700 km² au large des côtes du Yorkshire, à cheval entre les eaux territoriales britanniques, mais également danoises, allemandes et hollandaises. Le projet Dogger Bank, qui représente un investissement de 10 milliards d’euros, est porté par le gouvernement britannique et un groupe d’entreprises privées. Ce parc d’une puissance initiale de 3,6 GW (extensible à 5 GW), comptera 277 éoliennes géantes mesurant 260 m de haut. Dogger Bank devrait produire 18 TWH par an (une fois et demie la production de l’EPR de Flamanville). Il sera capable d’alimenter l’équivalent de 4,5 millions de foyers et sortira le MWh produit à environ 45 euros, un tarif très compétitif, équivalent à celui des futurs parcs éoliens marins prévus sur la façade atlantique d’ici 2031.
Le projet du gigantesque parc éolien offshore de Chaozhou en Chine, dévoilé récemment, va faire entrer l'éolien marin dans une nouvelle dimension. Ce parc, qui sera implanté à 100 km au sud du détroit de Taïwan, devrait être mis en service à l'horizon 2030 et il sera de loin le plus puissant du monde. Avec ses 2 700 machines géantes de 16 MW, Il détrônera celui de Dogger Bank en Mer du Nord et produira à lui seul 150 TWH par an, 12 fois plus que le parc britannique et autant que les 50 parcs éoliens français prévus en 2050. Mais à l'échelle de la Chine, ce parc pharaonique ne représentera que 2 % de la consommation électrique chinoise. Sans attendre la mise en service de ce parc hors-norme, la Chine a déjà réussi à tripler en seulement quatre ans sa puissance éolienne marine, dépassant les 30 GW en 2023, presque la moitié de la puissance offshore mondiale (65 GW).
En France, on le sait, le Président de la République a fixé l’objectif de 50 parcs éoliens marins en 2050, pour une production totale d’environ 175 TWH par an, soit un quart de la consommation nationale prévue à cet horizon et 15 % des nouveaux objectifs européens – 1050 TWH par an – de production d’électricité offshore pour 2050. Le premier parc éolien marin du pays, au large de Saint-Nazaire, est désormais en service. Il compte 80 éoliennes de 175 mètres de haut à 12 kilomètres des côtes de Loire-Atlantique. Le deuxième parc éolien marin français sera bientôt opérationnel. Il s’agit du parc marin de la baie de Saint-Brieuc, dans lequel il ne reste, à l’entreprise espagnole Iberdrole, que neuf éoliennes sur 62 à installer. Ce parc devrait fournir l’équivalent de la consommation électrique de 835 000 habitants dès ces prochains mois. D’ici 2031, pas moins de 15 parcs marins sont déjà programmés, pour une puissance installée de 15 GW et une production totale attendue d’environ 45 TWH par an, soit 10 % de la consommation nationale prévue dans dix ans.
Mais cette montée en puissance bien plus forte que prévue de l’énergie éolienne marine ne pourra produire tous ses effets, en matière de réduction des émissions de CO2 et de disponibilité pour l’utilisateur final, que si elle est couplée de manière intelligente et synergique avec des moyens massifs de stockage d’énergie "in situ", à commencer par la production d’hydrogène vert sur site. Le gouvernement néerlandais a annoncé, en mars dernier, qu’il voulait installer sa première grande unité de production d’hydrogène en mer dans le nord de l’archipel de Wadden (Les îles de la Frise), au large de la province de Groningue. Alimentée en électricité par des éoliennes offshore, elle aura une capacité de production d’hydrogène vert par électrolyse de 500 MW. La mise en service est prévue en 2031. Pour l’instant, il s’agit du plus grand projet de production d’hydrogène offshore au monde.
Il est vrai que le potentiel de production d'énergie à partir de l’éolien offshore en mer du Nord et en mer Baltique est immense, comme le souligne une récente étude de DNV, qui montre par ailleurs que la production d'hydrogène en mer, reliée à un pipeline, est moins coûteuse que la production d'hydrogène sur terre. Cette étude prévoit que la demande d'hydrogène neutre pour le climat atteindra 2.000 térawattheures (TWh) d'ici à 2050, et DNV estime qu'il est possible de produire en Europe 300 TWh/an d'hydrogène en utilisant l'électricité produite par les parcs éoliens offshore de la mer du Nord d'ici à 2050. Ce binôme énergétique éolien marin-hydrogène vert est donc appelé à jouer un rôle moteur pour atteindre les nouveaux objectifs ambitieux définis, en mars dernier, par les États membres et les eurodéputés, à savoir atteindre les 42,5 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030.
En France, la société Lhyfe, l’un des pionniers mondiaux de la production d’hydrogène vert et renouvelable, a réussi en juin dernier une première mondiale en produisant directement de l’hydrogène vert, à raison de 400 kg par jour, à l’aide de sa plate-forme Seallhyfe, à 20 km au large du littoral atlantique. Lhyfe a annoncé récemment que le projet HOPE, qu’elle coordonne au sein d’un consortium de 9 partenaires, a été retenu par la Commission Européenne dans le cadre du partenariat européen pour l’hydrogène propre “Clean Hydrogen Partnership”. Lhyfe souhaite commercialiser dès 2026 une plate-forme capable de produire jusqu’à 4 tonnes / jour d’hydrogène vert en mer, puis d’acheminer cet hydrogène par pipeline aux utilisateurs à terre. Lhyfe espère ainsi devenir l’un des leaders européens de production d’hydrogène vert marine et compte bien jouer un rôle déterminant dans la réalisation du plan REPowerEU, qui vise à produire 10 millions de tonnes d’hydrogène propre dans l’Union européenne d’ici 2030.
Les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie et aux procédés industriels ont atteint, selon l’AIE, 36,8 milliards de tonnes (Gt) en 2022, ce qui constitue un nouveau record historique. Elles se sont élevées de près de 0,9 % par rapport à 2021. La production totale d’électricité représente à elle seule environ 16 gigatonnes de CO2 par an, soit environ 43 % des émissions mondiales de CO2. Et sur ces 16 gigatonnes, 12, soit les trois quarts, proviennent des centrales à charbon. Les nouvelles technologies que j’ai évoquées, axées sur l’éolien marin géant, qu’il s’agisse des éoliennes contrarotatives, de l’éolien multirotor et/ou des éoliennes flottantes multi bras à repositionnement automatique, pourraient permettre à l’Humanité de produire au moins le quart de son électricité en 2050 (soit environ 10 500 TWH par an) et de diminuer corrélativement de 20 % les émissions mondiales de CO2 (7 gigatonnes évitées chaque année). Mais, me direz-vous, pour produire une telle quantité d’énergie, il faudrait installer un nombre astronomique d’éoliennes marines. Eh bien non, justement. Même sans tenir compte des ruptures technologiques comme les éoliennes contrarotatives et l’éolien multirotor, il suffirait en réalité de 55 000 éoliennes marines géantes de 20 MW, capables de produire 200 millions de KWH par an et par machine, pour atteindre cet objectif. Ces machines, systématiquement couplées à des générateurs puissants d’hydrogène vert (pour stocker massivement les pics d’énergie excédentaire propres à l’éolien marin), pourraient évidemment être réparties sur les mers et océans, sur les sites les plus rentables en termes de gisements de vent, en 110 parcs de 500 éoliennes, ce qui représenterait moins d’un millième de la surface des océans…
Par sa situation géographique, et ses compétences technologiques, industrielles et humaines, la France a tous les atouts en main pour devenir un acteur majeur de cette révolution en marche de l’éolien marin géant. La prochaine génération d’éoliennes géantes de 20 MW sera en effet loin d’atteindre les limites physiques de construction de ces machines à produire de l’énergie. Beaucoup de scientifiques et d’ingénieurs sont en effet persuadés qu’il est possible de concevoir et de fabriquer des machines marines encore plus puissantes, de 40, voire 50 MW de puissance, dépassant les 400 mètres de haut et capables de produire plus de 0,4 TWH par an sur mer (400 millions de kWh par an). Il suffirait de seulement 30 machines d’une telle puissance pour produire 12 TWH par an, autant que le futur EPR de Flamanville… Mais pour construire de tels monstres de puissance, il faudra surmonter de vrais défis scientifiques et techniques dans de nombreuses disciplines, matériaux, turbine, rotor, prévision météo, stockage d’énergie sur site et connexion au réseau électrique.
Souhaitons que notre pays, dans le cadre d’une coopération accrue avec ses partenaires européens, ne laisse pas le chemin libre aux ambitions chinoises et américaines dans ce domaine stratégique et puisse devenir leader mondial dans la conception et la construction de ces machines géantes, qui devront être des merveilles de technologie pour fonctionner de manière sûre et fiable, résister aux conditions météorologiques extrêmes de la haute mer pendant plusieurs dizaines d’années et contribuer de manière décisive à la décarbonation du mix énergétique mondial et à la stabilisation du climat.
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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