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Edito : Le développement durable et l’innovation globale pourraient nous permettre d’affronter les défis de ce siècle
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Avant propos :
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Pour la première fois depuis 22 ans, je n'ai pas remis à temps mon éditorial à notre système informatique. N'ayant pas encore une IA (Intelligence Artificielle) suffisamment développée, cette machine n'a pas su m'avertir de mon retard et a remis en ligne le même édito que la semaine précédente. Je vous demande de bien vouloir m'en excuser.
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EDITO :
Il a fallu un siècle, de 1870 à 1970, pour que le produit mondial brut passe de 2.000 milliards à 15.000 milliards de dollars. Mais, depuis 1970, en seulement 50 ans, ce PMB est passé de 15.000 à 84.000 milliards de dollars. Au niveau mondial, la richesse moyenne produite par habitant aura donc fait un bond sans précédent dans l’histoire humaine, passant, en à peine plus de deux générations, de 4000 dollars à 10 500 dollars, soit une multiplication par deux et demi. Et cette augmentation considérable de la richesse globale produite s’est traduite par une amélioration du niveau et des conditions de vie comme l’Humanité n’en avait jamais connu depuis l’apparition d’Homo Sapiens, il y a 300 000 ans.
Qu’on en juge : presque 30 ans d’espérance de vie à la naissance gagnés au niveau mondial depuis 1970, la part de la population mondiale touchée par la malnutrition divisée par trois au cours de la même période, l’illettrisme et la mortalité à la naissance réduites dans les mêmes proportions. Il y a 50 ans, moins d’un terrien sur deux avait accès à l’eau potable et à l’électricité ; à présent, selon l’AIE et l’ONU, c’est presque neuf sur dix. Cette croissance économique, accompagnée d’un progrès scientifique et technique sans précédent dans l’histoire, s’est également traduite par un basculement rapide de la planète dans l’ère numérique. Alors qu’il y a 50 ans, moins d’un habitant de la planète sur cinq avait accès à un téléphone, près des trois quarts des terriens possèdent ou utilisent aujourd’hui un mobile et 55 % ont un accès à l’Internet, né il y a seulement 30 ans.
Mais l’imprévisible pandémie mondiale de Covid-19 qui est apparue fin 2019, puis a déferlé sur le monde entier, contaminant 40 millions de personnes et en tuant plus d’un million, a complètement fait dérailler l’économie de la planète, qui devrait connaître une diminution historique de croissance de plus de 5 % en 2020 et perdre 7000 milliards de dollars.
Mais le monde ne doit pas seulement faire face à cette pandémie dont nul ne sait combien d’années elle va durer et affecter nos vies et nos sociétés : il est également, comme nous en avons chaque jour de nouvelles preuves, touché de plein fouet par le réchauffement climatique dont les manifestations catastrophiques deviennent de plus en plus nombreuses et violentes. Et le coût humain et économique de ce changement climatique brutal va également être pharamineux, si nous ne sommes pas capables de changer radicalement de modèle de développement et de production dans tous les domaines : agriculture, industrie, transports, urbanisme…
Déjà en 2006, Sir Nicolas Stern avait évalué, dans un rapport qui avait fait date, à 5 400 milliards de dollars le coût de notre inaction face au changement climatique. Mais, depuis, ces estimations du coût du réchauffement climatique ont dû être revues à la hausse, car ce phénomène s’est accéléré plus vite que prévu : le dernier rapport en date, intitulé « Futur global » et sorti en début d’année, estime à présent à 10 000 milliards de dollars au moins le coût de ce changement climatique pour l’économie mondiale, d’ici 2050 (Voir Rapport).
Le dernier rapport du GIEC est venu confirmer que le changement climatique risque d’être irréversible, à moins que nous accélérions de manière décisive la mutation vers un nouveau modèle de croissance économique, reposant sur l’abandon des énergies fossiles, la valorisation des ressources naturelles, l’économie circulaire et la fabrication additive, ce qui suppose des ruptures technologiques majeures dans les domaines de l’énergie, des biotechnologies, du numérique et des matériaux. C’est l’élaboration et la mise en œuvre de ce nouveau modèle de développement qu’appellent de leur vœu les deux Nobel d'économie, William Nordhaus et Paul Romer, dont les travaux ont montré le rôle-clé de l'innovation comme moyen de croissance respectueuse de l'environnement. Nordhaus et Romer considèrent, non sans arguments, que le concept de "décroissance", tel qu'il est présenté par certains écologistes, est en fait la solution la plus égoïste possible, émanant exclusivement des habitants des pays développés.
Pour ces éminents scientifiques, la croissance, à condition bien entendu d’être durable et de s’appuyer sur un processus dynamique d’innovation, est un objectif à poursuivre car elle permet une meilleure création et une réelle redistribution des richesses à travers toutes les couches de la population. C'est notamment ce mécanisme qui a permis de diminuer la part de la population mondiale vivant dans l'extrême pauvreté qui s'est réduite de 35 % en 20 ans, d'augmenter de 30 ans l'espérance de vie moyenne mondiale à la naissance (qui atteint 71 ans) et de sortir une large partie de l’Asie du sous-développement endémique dans lequel elle se trouvait. Ces deux chercheurs font valoir que, pour les deux tiers de l’Humanité, la vraie question n’est pas de savoir comment décroître, mais bien de savoir comment répondre, sans détruire leur capital naturel et environnemental précieux, aux besoins d’une population croissante en produisant plus de ressources alimentaires, de routes, de voies ferrées, d’hôpitaux, d’écoles, de services de santé et d’éducation…
Nordhaus et Paul Romer s'appuient sur les travaux de Simon Kuznets (Nobel d'économie 1971) qui a montré l'existence d’une relation inverse entre la dégradation de l'environnement et le ratio de PIB par habitant. Au début du processus de croissance, la dégradation de l'environnement augmente, puis se stabilise lorsque le revenu par tête se situe à un certain seuil de croissance au-delà duquel elle diminue, jusqu'à entrer dans une dynamique de conciliation entre croissance et préservation de l'environnement.
Romer a notamment montré que la connaissance et l'innovation jouent un rôle-clé pour favoriser une croissance durable et non destructrice de l'environnement. Il a par ailleurs montré que les entreprises, en augmentant leur stock de capital, apprennent simultanément à produire de façon plus efficace, en valorisant les ressources naturelles, et à augmenter leur capital cognitif, qui devient alors un bien collectif auquel n'importe quelle entreprise peut avoir accès à un coût nul et que l'on peut utiliser en synergie avec d'autres facteurs pour produire de nouveaux biens et services finaux.
Rompant avec la conception classique du progrès technique, considéré comme une variable exogène de la croissance économique, ces éminents économistes ont développé une théorie de la croissance endogène, qui considère que le progrès technique peut être orienté, amplifié et stimulé par les relations qui forment les échanges entre individus. C’est pourquoi il faut élargir notre vision du concept d’innovation qui ne concerne pas seulement le champ technologique, mais également le champ social et organisationnel.
Une étude menée par l’Office européen des brevets (OEB) et l’Observatoire européen de la propriété intellectuelle (UEIPO), et portant sur la période 2014-2016, a identifié 353 secteurs d’activité plus intensifs en droits de propriété intellectuelle (DPI) que la moyenne. Sur la période étudiée, ces secteurs ont non seulement produit 45 % de la valeur ajoutée de l’Union européenne (UE), ce qui représente 6 600 Md€, mais ont aussi contribué pour plus de 80 % aux échanges extérieurs de l’UE. En matière d’emplois, ils ont également permis l’embauche d’un tiers des nouveaux embauchés sur 2014-2016, pour atteindre 63 millions de salariés sur 216 millions. L’étude précise qu’en comptabilisant les emplois indirects, ce sont au final 84 millions de personnes qui travaillent dans ces secteurs fortement créateurs de richesse et d’activités.
L’étude met aussi en avant deux secteurs particulièrement actifs : l’industrie du futur et les technologies d’atténuation du changement climatique. La première comprend les activités liées à l’IA, la robotique et l’internet des objets (IoT) ; elle représente, à elle seule, presque 4 % du PIB de l’UE et 2 % de ses emplois. Le second, qui regroupe principalement les « clean tech » emploie déjà 2,5 % des salariés européens soit plus de 5 millions de personnes.
Rappelons qu’au niveau mondial, les énergies renouvelables emploient déjà 12 millions de personnes et ont permis la création de 500 000 emplois en 2019 selon le « Renewable Energy and Jobs-Annual Review 2020 » publié par l'Agence internationale de l'énergie renouvelable. Et ce n’est qu’un début, car l’Irena, l’Agence des énergies renouvelables, estime que la décarbonation du système énergétique peut devenir l’un des principaux moteurs de l’économie mondiale et créer jusqu’à 28 millions d’emplois d’ici à 2050, dans un scenario de transition des énergies fossiles vers les ressources renouvelables, qui prévoit de couvrir les deux tiers de la demande mondiale d’énergie, contre à peine 20 % aujourd’hui, à l’aide d’énergies décarbonées en 2050.
En France, un collège d’experts, issu du conseil de l’Innovation, a été chargé d'identifier les marchés émergents sur lesquels positionner la France. Ce groupe de réflexion vient de rendre au Gouvernement son rapport « Faire de la France une économie de rupture technologique » qui vise à définir une stratégie claire pour l’avenir du pays, afin de relever les grands défis économiques et sociaux de demain : protéger l’environnement, être en bonne santé, mieux se nourrir ou garantir notre souveraineté.
Ce rapport a pointé dix marchés clés prioritaires, pour lesquels la France est en mesure de jouer un rôle de premier plan au niveau mondial. Parmi ces 10 secteurs-clés, figurent la santé numérique, l’agriculture de précision et les technologies quantiques. Ce travail signale plusieurs technologies transversales stratégiques : l’intelligence artificielle (IA), la robotique-cobotique, l’Internet des objets, les systèmes de stockage et de traitement des données, les interfaces homme-machine immersives, à base de réalité virtuelle.
Pour surmonter les immenses défis qui attendent l’Humanité au cours de ce siècle, qu’il s’agisse de la maîtrise de nouvelles et redoutables pandémies, comme le Covid-19, du changement climatique, ou encore de l’accès pour tous à une alimentation suffisante et saine et à une énergie propre et respectueuse de l’environnement, nous devons réorganiser en profondeur nos économies et nos sociétés pour favoriser, au niveau individuel comme au niveau collectif, un processus croissant d’innovation, couplé à une formation individualisée tout au long de la vie, dans quatre domaines essentiels : d’abord l’énergie, avec l’abandon rapide et définitif des énergies fossiles et la transition vers des énergies durables, solaire (y compris dans l’espace), éolien marin, énergies des mers, fusion thermonucléaire, hydrogène.
Ensuite, les biotechnologies, au sens le plus large, c’est-à-dire incluant à la fois la médecine et la santé, mais également les outils agronomiques permettant de maintenir la biodiversité, de réparer les dégradations de notre environnement naturel et d’augmenter suffisamment, sans avoir à recourir aux pesticides, à surface égale cultivée, la productivité pour pouvoir nourrir les 9,5 milliards d’êtres humains qui peupleront la planète dans 30 ans.
Troisième domaine stratégique, les technologies de l’information et de l’intelligence artificielle qui, s’appuyant sur l’informatique et l’internet quantique, pourront enfin nous permettre de disposer de la puissance de calcul phénoménale dont nous aurons besoin pour développer en quelques mois, et non en plusieurs années, les nouvelles molécules, les nouveaux vaccins et nouveaux matériaux qui révolutionneront la santé, les transports, l’habitat… Enfin, le dernier domaine dans lequel nous devons redoubler d’efforts pour innover est celui des technologies de l’espace. Ces technologies et infrastructures spatiales seront demain essentielles et omniprésentes pour produire de l’énergie propre, permettre une production agricole sur mesure de haute précision, assurer la gestion globale de l’environnement et des ressources naturelles et peut-être même, à plus long terme, contrôler globalement le climat et prévoir les catastrophes naturelles, face auxquelles l’homme est impuissant depuis la nuit des temps.
Ces technologies spatiales permettront également à nos successeurs, à l’horizon du siècle prochain, grâce à des technologies révolutionnaires très prometteuses, comme le moteur ionique à plasma, et l’hibernation contrôlée, de franchir une nouvelle étape dans l’exploration de notre système solaire, en préparant non seulement la colonisation de Mars, mais également des vols habités vers des mondes plus lointains, encore inaccessibles, mais qui abritent peut-être des formes de vie inconnues. En cet instant, je pense à certaines lunes de Saturne ou Jupiter, comme Europe, Titan ou Encelade.
C’est en retrouvant foi dans un progrès scientifique et technologique, non pas sacralisé et opaque, mais partagé, démocratiquement défini et orienté et mis au service de tous, que nous pourrons exploiter de manière propre, circulaire et durable des ressources inépuisables de notre environnement et aborder avec force et confiance un nouveau chapitre de l’aventure humaine !
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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