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Les cycles naturels sous l'emprise des fractales

La découpe d'une côte sous les assauts de l'océan, la vie d'une batterie, la pousse d'une pelouse... Les cycles de la nature seraient gouvernés par les mêmes règles mathématiques régissant ces objets si particuliers que sont les fractales. C'est la conclusion surprenante des recherches effectuées par quatre scientifiques de l'université de Rochester, aux Etats-Unis, publiées en avril dernier dans Physical Review Letters. Les fractales sont des objets mathématiques qui montrent la même structure quelle que soit l'échelle. Un simple chou-fleur est fractal. En effet, chacun de ses morceaux apparaît comme un chou-fleur miniature. Or, jusqu'à présent, les lois d'échelle qui permettent de décrire leur développement n'étaient appliquées qu'à des formes non cycliques. Les physiciens Yonathan Shapir et Subhadip Raychaudhuri, avec leurs collègues électrochimistes Jacob Jorné et David Foster, ont découvert qu'elles peuvent être généralisées à bon nombre de processus cycliques. Tout a commencé lorsque Jacob Jorné a demandé à Yonathan Shapir si les développements cycliques, c'est-à-dire ceux qui résultent de croissances et de décroissances successives, pouvaient répondre à une sorte d'échelle. "J'ai tout de suite pensé que c'était possible si la variable temps était remplacée par le nombre de cycles, confie aujourd'hui le physicien. J'ai donc commencé à travailler sur les équations qui régissent ces derniers." En fait, un cycle peut être décrit par une combinaison d'équations correspondant aux deux mécanismes primaires qui le constituent, la croissance et la décroissance. Si la résolution analytique de la partie linéaire des équations s'est avérée plutôt aisée, celle de la partie non linéaire a été beaucoup plus laborieuse. Pour en venir à bout, Yonathan Shapir a dû utiliser le "Groupe de renormalisation", un système complexe qui permet de mettre à jour les propriétés fractales d'une équation et qui a valu à son auteur le Prix Nobel en 1982. "C'était le défi le plus difficile à relever", se souvient Yanathan Shapir. Et pourtant, il y est parvenu. Avec son collègue Subhadip Raychaudhuri, le physicien a ensuite effectué une série de simulations sur ordinateur afin de tester ses équations. Des particules cubiques ont été déposées au hasard sur différents types de surface puis enlevées, toujours au hasard, selon un processus imitant l'érosion ou la décharge d'une batterie. "Le cycle était répété plusieurs fois et les irrégularités de la surface mesurées constamment", explique-t-il. Après plusieurs dizaines de milliers d'opérations, une seule conclusion s'est imposée. Quelles que soient les règles de déposition et d'enlèvement aléatoires, la force et la surface mises en jeu, chaque cycle peut être décrit par une solution fractale. Jacob Jorné et David Foster ont alors pris le relais. Ils ont mis au point une expérience afin de mesurer les irrégularités d'une surface d'argent soumise à une suite d'électrodépositions et d'électrodissolutions. "Les résultats ont très bien montré que les irrégularités se développent selon une loi de puissance du nombre de cycles, comme le prédisaient nos lois d'échelle généralisées aux processus cycliques." Depuis, les chercheurs s'appliquent à préciser ces résultats pour des cycles dont les formes primaires ont des durées variables. Non contents d'apporter une petite révolution au monde des fractales, les travaux des scientifiques pourraient rapidement trouver des applications réelles. Par exemple, la surface d'une tumeur cancéreuse peut être considérée comme fractale. Si un patient suit un traitement cyclique de chimiothérapie, elle devrait suivre les mêmes lois mathématiques que les surfaces modèles étudiées ici. "Si c'était vraiment le cas, cela pourrait servir à affiner la longueur et le dosage du traitement", espère Yonathan Shapir. Néanmoins, l'application la plus directe devrait plutôt intéresser les fabricants de batteries. Les métaux constituant une batterie ne se déposant pas de façon uniforme, les industriels sont obligés de tester leurs produits encore et encore jusqu'à ce qu'ils expirent. Avec les équations fractales, seulement quelques cycles accélérés suffiraient pour calculer la durée de vie des batteries. Autant dire que les économies réalisées à l'aide des fractales seraient substantielles.

Infosciences :

http://www.infoscience.fr/index.php3

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