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Edito : Centrales solaires hybrides et FPOS : une nouvelle révolution énergétique et urbaine est en vue !

En 2018, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les centrales solaires ont produit 571 térawattheures d'électricité et les parcs éoliens 1.149 térawattheures. En 2010, l'éolien dépassait à peine les 330 térawattheures, tandis que le solaire n'existait pas encore à grande échelle.

Aujourd'hui, les énergies renouvelables assurent déjà 26 % de la production d'électricité dans le monde (26 500 TWh), dont 13 % pour l'éolien et 2 % seulement pour le solaire. Mais ces deux dernières technologies gagnent rapidement du terrain. Cette part des énergies renouvelables devrait grimper de 55  % d’ici à 2040, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Le photovoltaïque et l’éolien représenteraient plus de la moitié de cette croissance dans le scénario s’appuyant sur les objectifs énergétiques gouvernementaux. Ces deux sources pourraient fournir plus d’électricité que l’hydraulique dès 2030. Le photovoltaïque serait le principal moteur, avec 60  % des capacités de production d’électricité renouvelable supplémentaires installées d’ici à 2024.

Dans son rapport Renewables 2019, l’AIE relevait déjà l’essor des capacités de production d’électricité renouvelable. La puissance installée additionnelle devrait bondir cette année de 12  % (198 GW), alors qu’elle était restée stable entre 2017 et 2018 (178 GW). L’AIE prévoit 1 200 GW de capacités supplémentaires pour les énergies renouvelables d’ici à 2024, l’équivalent de la capacité totale des États-Unis aujourd’hui. Le solaire photovoltaïque (PV) devrait connaître une croissance « spectaculaire », portée à 75 % par les systèmes distribués (les installations sur les toits des maisons, des bâtiments commerciaux et industriels, par opposition aux centrales photovoltaïques au sol).

La capacité installée du PV distribué pourrait plus que doubler d’ici à 2024 pour atteindre 530 GW. Notamment grâce à la Chine, qui devrait dépasser l’Union européenne dès 2021 et s’imposer dans ce domaine. Un autre facteur s’est avéré décisif pour expliquer cette croissance irrésistible du solaire : depuis 10 ans, le coût de l'électricité produite dans des centrales solaires a été divisé par neuf, selon une  étude de la banque Lazard. Le coût réel du solaire et de l'éolien est désormais presque partout inférieur à celui des énergies fossiles ou du nucléaire.

Partout dans le monde, des installations solaires fleurissent et prennent une part grandissante dans la transition énergétique, mais aussi le développement économique de nombreux pays en voie de développement. C’est par exemple le cas en Afrique où le consortium formé par le Français EDF Renouvelables, par Masdar -société d'énergies nouvelles de l'émirat d'Abou Dhabi- et par Green of Africa -producteur d'électricité indépendant marocain- est en train de réaliser la construction de la première phase de la centrale solaire hybride de Noor Midelt 1.

Ce futur complexe, situé à 20 kilomètres de la ville de Midelt mise sur une technologie mixte particulièrement prometteuses qui associe la technologie du panneau solaire, éprouvée et largement diffusée à travers le monde, à celle de la concentration de chaleur, très efficace, mais encore moins bien maîtrisée. « En combinant dans une même installation les technologies photovoltaïques et la concentration de chaleur, la centrale proposée disposera d'un rendement amélioré et d'une capacité de stockage qui lui permettra de produire de l'électricité jusqu'à cinq heures après le coucher du soleil », estime EDF dans un communiqué, précisant que « le mode d'hybridation de ces technologies constitue une première mondiale ».

Le chantier, dont le coût est estimé à 700 millions d'euros, est en phase de lancement. Le futur complexe multi-technologique doit entrer en service en 2022. A terme, il disposera d'une puissance de 800 MW, soit l'équivalent d'un réacteur nucléaire. Il s'agit actuellement de l'un des plus importants projets au monde en matière de technologie solaire hybride. Avec cette technologie hybride et ses grandes étendues désertiques, le Maroc entend à l'avenir encore renforcer son autonomie énergétique. Dans un premier temps, son objectif sera déjà de porter à 52 % la part du renouvelable d’ici 2030.

L’autre exemple remarquable de centrale hybride est australien. Dans cet immense pays, bénéficiant d’un ensoleillement exceptionnel, l’entreprise Windlab, spécialisée dans les énergies renouvelables, travaille actuellement sur un projet de centrale hybride 3 en 1. Ce projet tri-technologique vise à faire travailler ensemble une centrale solaire, un parc éolien et un système de stockage par batterie lithium-ion. L’ensemble serait directement raccordé au réseau électrique. Ce projet, baptisé la centrale Kennedy Energy Park, a déjà obtenu le feu vert et la construction doit démarrer dans les prochaines semaines. Dans le détail, la centrale solaire devrait fournir 15 MW, le parc éolien devrait produire 43,2 MW, et les deux unités de production seront reliées à des batteries Tesla offrant une capacité de stockage de 4 MWh.

Mais la technologie solaire hybride ne se décline pas seulement dans les grandes installations, qui associent des panneaux solaires thermiques à concentration (qui produisent de la chaleur) et des panneaux photovoltaïques (qui produisent de l’électricité). Elle peut également s’appliquer d’une manière particulièrement efficace, en termes de rendement, comme en termes de longévité, dans les installations domestiques de petite taille, en ayant recours cette fois à des panneaux solaires mixtes, capables de produire simultanément chaleur et électricité.

En France, la société DualSun s’est fait connaître dans le monde entier en développant une remarquable innovation, un panneau solaire double face, baptisé Wave, qui allie deux technologies : le photovoltaïque, pour produire de l’électricité, et le thermique pour produire de l’eau chaude. Son fonctionnement est relativement simple : de minuscules tuyaux recouvrent toute la surface inférieure du panneau, permettant une répartition de l’eau sous les cellules photovoltaïques. L’eau rentre dans un coin du panneau, se réchauffe au contact des cellules, puis est renvoyée dans la maison, en direction du ballon d’eau chaude. Le circuit intègre un programmateur qui mesure la température de l’eau et déclenche la circulation dès que celle-ci passe en-dessous de 20 degrés. En fin de journée, après avoir réalisé plusieurs boucles, l’eau revient dans le ballon à environ 60 degrés.

Ce système mixte permet non seulement d’assurer 30 à 50 % de l’eau chaude sanitaire avec une dizaine de panneaux dans les régions bien ensoleillées, mais il peut également refroidir le panneau grâce à cette circulation d’eau et allonger ainsi sa durée de vie. Cette technologie hybride permet donc de  produire plus d’énergie, plus longtemps, tout en réalisant de substantielles économies sur la durée. On estime que, pour une installation type de 6 panneaux hybrides dans le sud de la France, si l’on tient compte de l’achat et de l’entretien de l’équipement sur toute sa durée de vie, on obtient un coût global de l’énergie de l’ordre de 8 centimes d’euros par kWh, très inférieur donc au kWh acheté à EDF, dont le tarif de base tourne actuellement autour de 14 centimes d’euros TTC.

Cette efficacité énergétique et cette rentabilité économique du solaire hybride, dont commencent à prendre conscience les particuliers, mais aussi les collectivités, ont été détaillées et confirmées dans la thèse de Laetitia Brottier (voir HAL) qui montre qu’une installation hybride domestique représentant un investissement de 8 500 euros (aides déduites) peut générer plus de 15 000 euros d’économies sur 20 ans. Cette thèse montre également que cette technologie solaire hybride a permis une division par quatre de la consommation d’énergie finale de 73 logements à Marseille. Autre exemple évoqué par cette thèse : à Sète, la pose de 300 m² de panneaux solaires hybrides sur ombrière pour la piscine couverte a permis 2,5 fois plus de production d’énergie qu’une simple installation photovoltaïque, ce qui montre l’efficacité de cette technologie pour optimiser les surfaces ensoleillées disponibles et aller plus vite vers des bâtiments neufs autosuffisants en énergie.

La seconde révolution technologique en cours dans le domaine de l’énergie solaire, qui est d’ailleurs tout à fait compatible avec celle du solaire hybride, est celle des FOPS, les Films Organiques Solaires Photovoltaïques. Flexibles, ultraminces, légers, semi-transparents et peu coûteux, les films photovoltaïques organiques sont produits par des procédés bas carbone ne nécessitant l’emploi d’aucun métal stratégique ni de solvants chlorés. A la place du silicium, ces films utilisent des dérivés du carbone, d’où leur appellation de cellule « organique ».

Par leurs caractéristiques physiques et chimiques remarquables, les FOPS peuvent être appliqués sur à peu près n’importe quel type de surfaces, murs de bâtiments, mais aussi fenêtres, véhicules, vêtements et objets divers. En raison de ses propriétés translucides, ce type de films solaires peut également être  déployé sur des serres agricoles, ce qui ouvre de vastes perspectives pour les exploitants, tant en matière d’amélioration des rendements que de production propre d’énergie locale. En outre, les films organiques présentent le grand avantage d’être insensibles à la chaleur et leur rendement reste constant, même en cas de canicule.

Outre Rhin, la firme allemande Heliatek, qui s’est associée avec les meilleurs instituts de recherche allemands, est parvenue, en dix ans, à faire passer le rendement de ces FOPS de 3 à 13 %, et vise les 15 % pour 2025. Ce rendement reste certes inférieur à celui des cellules solaires récentes, qui dépassent les 20 %, mais ce handicap est largement compensé par le champ d’utilisation bien plus large de ces films solaires et leur faible coût.

En France, l’un des principaux concurrents d’Heliatek est l’entreprise bretonne Armor. Cette société nantaise, fondée en 1922, fabriquait à l’origine des cartouches pour imprimantes, avant de s’orienter vers l’impression de modules photovoltaïques organiques. Accompagnée par des scientifiques de l’INES et du CNRS, elle a développé un film OPV ultrafin et très léger (450 g/m²) dont la durée de vie est de 20 ans et le rendement énergétique de 8 %. Armor fournit le film OPV utilisé par un concept de mobilier urbain interactif de JCDecaux, en permettant de communiquer, via les smartphones, les informations et les événements concernant un quartier. Armor équipe également des serres agricoles en partenariat avec Eiffage Energie. Cette firme bretonne est persuadée de l’immense potentiel mondial  des FOPS et multiplie les expérimentations et projets. Elle a notamment signé un contrat avec l’UNESCO dans le cadre d’une opération de soutien à l’éducation en Afrique. Dans ce projet, plusieurs centaines d’écoliers du Togo se sont vus remettre gratuitement un cartable doté d’un film photovoltaïque organique. Il leur permet de charger une lampe mobile durant la journée, puis d’utiliser cette lampe le soir pour étudier, ce qui change leur vie, car ces écoliers habitent des régions rurales qui ne sont pas connectées au réseau électrique.

Pendant ce temps, les recherches se poursuivent activement dans le monde pour mettre au point des cellules et films solaires à la fois souples, résistantes et bon marché, que l’on pourrait utiliser sur à peu près n’importe quel type de surface. Des chercheurs de l'Université nationale des sciences et des technologies d’Ulsan (Unist), en Corée du Sud, ont par exemple eu l’idée de percer des cellules solaires conventionnelles de minuscules trous, d'environ 100 μm, l'épaisseur d'un cheveu humain. Ces minuscules perforations rendent la cellule aussi transparente qu'une vitre teintée. Ce nouveau type de cellule atteint déjà le rendement remarquable de 12 %. Mais surtout, elles perdent moins de 4 % d'efficacité lorsqu'elles sont placées verticalement, alors que les cellules classiques perdent un tiers de leur rendement dans la même situation d’exposition. A terme, ce nouveau type de cellules solaires pourrait être directement intégré aux fenêtres des immeubles et habitations, qui présentent l’avantage de représenter des surfaces utilisables bien plus importantes que celles des toits.

Un panneau solaire complètement transparent a également été récemment développé par des chercheurs de la Michigan State University. Ils affirment que cette technologie pourrait avoir un potentiel d’économie d’énergie immense et pourrait être utilisée dans l’architecture, l’électronique mobile, les maisons, le bâtiment et même dans l’industrie automobile. Cette cellule utilise une technologie organique qui absorbe les longueurs d’ondes de la lumière invisibles à l’œil humain. « La lumière capturée est transportée dans le contour du panneau, où elle est convertie en électricité à l’aide de fines bandes de cellules solaires photovoltaïques », explique Richard Lunt, assistant professeur de génie chimique et de science des matériaux au MSU College of Engineering. La technologie vise à remplacer les fenêtres existantes, en particulier celles des grands bâtiments et des gratte-ciel, en raison de leur envergure.

Un nombre croissant de scientifiques sont persuadés que l’utilisation combinée à grande échelle de l’énergie solaire hybride et des FOPS va accélérer sensiblement la montée en puissance déjà impressionnante de l’énergie solaire dans le mix énergétique mondial. Fait révélateur, alors qu’en 2010, l’AIE prévoyait que l’énergie solaire représenterait 22 % de la production électrique mondiale en 2050 (une part déjà très importante, compte tenu du paysage énergétique de l’époque), elle a réévaluée cette part (en 2050) à 27 % en 2014, puis à 33 % en 2016.

Mais certaines études récentes vont encore plus loin. L'étude publiée en mars 2019 par les experts de l’Université finlandaise LUT University et d’Energy Watch Group montre par exemple qu’il est à présent envisageable d’imaginer pour 2050 un scenario énergétique mondial dans lequel le solaire, sous ses différentes formes, fournirait non seulement l’essentiel de l’électricité mondiale, mais aussi plus des deux tiers de la production primaire d’énergie de la planète (Voir Energy Watch Group). L’étude souligne qu’avec une électricité solaire qui coûterait à peine 5 centimes d’euro par kWh à produire, le solaire deviendrait sans rival en terme de compétitivité. Cette transition énergétique accélérée permettrait de réduire de moitié nos émissions mondiales de CO2 et d’éviter la catastrophe climatique annoncée, si nous restons sur la trajectoire actuelle de 1,5 %, en moyenne annuelle, de hausse mondiale de nos émissions de CO2.

En France, nous avons à présent la conjonction des compétences technologiques et de la prise de conscience de l’urgence climatique et environnementale et nous devons profiter de cette dynamique pour faire de notre pays une nation pionnière dans ce « basculement solaire ». Soyons volontaires et ambitieux : pourquoi ne pas décider qu’avant la fin de cette nouvelle décennie, tous les bâtiments neufs et les nouvelles habitations individuelles soient autosuffisants en énergie. Nous pourrions également, reprenant les conclusions de l’étude d’Energy Union Choices, conduite par le cabinet Artelys en 2018, décider de porter de 33 à 51 % la part totale des énergies renouvelables dans notre mix énergétique en 2030, ce qui est tout fait réalisable, en exploitant de manière plus volontariste notre remarquable potentiel solaire national. Le temps est venu de mobiliser toute notre intelligence et nos ressources pour exploiter enfin pleinement toute cette énergie propre, inépuisable et gratuite dont l’Humanité a besoin.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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