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La " batterie feuille " prend la route

Donald Sadoway n'en peut plus de fierté. Le professeur de chimie du département d'ingénierie du Massachusetts Institute of Technology (MIT) tient entre ses mains une sorte de feuille d'aluminium qu'il s'amuse à tordre en tout sens. " Voici mon bébé, ma batterie ! " En bon démonstrateur, le chercheur nous présente son produit. " C'est une batterie au lithium polymère. " Il roule la feuille et fait mine de la ranger dans la poche intérieure de sa veste : " Voyez, dit-il, elle est aussi déformable et légère qu'un paquet de chips, je peux la découper et l'intégrer dans un ordinateur portable, un téléphone mobile, dans le bracelet d'une montre ou même dans la doublure de vêtements, ainsi je transporte partout et facilement mon énergie, c'est l'avenir ! " " Mais son avantage fondamental, poursuit-il, est qu'elle est bien plus performante que les batteries actuelles. Moulée dans la carrosserie ou le châssis d'une voiture électrique elle lui donnerait une autonomie équivalente à celle d'une grosse voiture à essence. " Donald Sadoway en est sûr, il tient là le moyen de faire décoller les ventes de voitures électriques. Une idée partagée par la plupart des spécialistes du secteur car les techniques actuelles permettent au mieux de parcourir 120 kilomètres pour une recharge de plusieurs heures. Une performance très insuffisante notamment pour les parcours longue distance. Traditionnellement une batterie est composée d'une électrode positive et une électrode négative reliées intérieurement par une solution ionique, appelée électrolyte, et extérieurement par un circuit électrique. Quand le circuit est fermé, un flux d'électrons circule via les fils électriques de l'électrode négative vers la positive, donnant ainsi naissance à un courant. Pour équilibrer le système, un flux d'ions positifs rejoint l'électrode positive à travers l'électrolyte. Lorsque l'on recharge la batterie avec une source d'énergie extérieure, le phénomène s'inverse et le stock d'électrons de l'électrode négative est régénéré. Les batteries des voitures électriques de série actuelles sont composées d'électrodes en nickel et cadmium (Ni-Cd) ou nickel et hydrures métalliques (Ni-MH) baignant dans un électrolyte liquide aqueux. Le prototype du MIT possède, lui, une électrode négative composée d'une feuille de lithium et une positive composée d'une feuille d'oxyde de métal. L'électrolyte est ici un polymère solide et non pas liquide. Pourquoi avoir choisi du lithium ? Parce qu'il est le métal le plus léger de la classification périodique. Mais surtout parce qu'il procure des tensions élémentaires supérieures à 3 volts, soit le double du voltage du Ni-Cd et du Ni-MH qui est de 1,23 volt. Conclusion : pour un nombre inchangé de cellules électriques élémentaires, on obtient deux fois plus d'énergie ! La différence avec le prototype du MIT, c'est que les batteries déjà commercialisées utilisent encore un électrolyte liquide. Elles sont composées d'un réservoir contenant une solution de sels de lithium, dans laquelle plongent deux électrodes, l'une d'oxyde de lithium, l'autre de graphite. C'est la technologie dite lithium-ion. " Cette technique présente des avantages certains, explique Stéphane Biscaglia, du Département technologies des transports de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), notamment une énergie massique élevée (lire l'encadré ci-dessus) et un fonctionnement à température ambiante. Cependant sa fabrication est complexe et coûteuse. C'est pourquoi d'autres équipes de recherche parient sur la technologie lithium-polymère pour laquelle l'électrolyte est solide. En effet, mettre en oeuvre un tel électrolyte revient à fabriquer un ruban au kilomètre, prêt à être déposé sur les électrodes. C'est bien plus simple, donc moins cher. Son inconvénient principal est de ne fonctionner pour le moment qu'à une température minimale de 60 °C, mais ce problème est compensé par des avantages non négligeables : le ruban ne présente pas de risques de fuite et il peut prendre des tailles et des formes variées. Tout cela répond à l'objectif des constructeurs de batterie, augmenter l'autonomie et la souplesse d'utilisation tout en faisant baisser les prix.". " Nous avons établi une cathode efficace et bon marché ainsi qu'un nouvel électrolyte très performant, reprend Donald Sadoway. Avec de telles avancées, nous visons dans cinq ans une autonomie de 600 kilomètres ! " Hydro Québec demeure plus mesuré dans ses ambitions. La compagnie canadienne prévoit pour la fin de l'année une batterie de 15,7 kg capable de tenir 250 kilomètres sans recharge. En attendant la batterie longue durée que l'on roule sous le bras, le consommateur pourra tester bientôt cette technologie dans un tout autre domaine. Saft annonce, en effet, la première batterie au lithium polymère pour téléphone mobile qui pèsera 19 grammes pour à peine 3,5 millimètres d'épaisseur.

Science&Avenir : http://www.sciencesetavenir.com/techno/index.html

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