L'effroyable catastrophe qui vient de s'abattre sur l'océan Indien ne doit pas nous faire oublier qu'un tel phénomène pourrait se produire chez nous. Le risque de tsunami est bel et bien réel, aussi, en Méditerranée. Mais il apparaît moins élevé que dans les autres mers du monde, le Pacifique et l'Océan Indien notamment, selon les experts.
C'est notamment le cas sur le pourtour du bassin méditerranéen où des tsunamis ont déjà sévi dans un passé pas si lointain. «L'île de Rhodes pourrait devenir un Phuket grec», avertit le directeur de l'Institut géodynamique de l'Observatoire d'Athènes, Gérassimos Papadopoulos, en référence à l'île thaïlandaise. Le 9 juillet 1956, en effet, une lame de 25 mètres de haut s'est abattue sur l'île d'Amorgos, dans les Cyclades, au sud-est de la mer Egée. A titre de comparaison, les murs d'eau qui ont balayé les rivages de l'océan Indien ne mesuraient «que» 15 mètres...
Le risque de tsunami existe, dès lors qu'il y a conjugaison d'une activité sismique et d'un plan d'eau", explique Michel Villeneuve, un géologue marseillais de l'Université de Provence, qui qualifie ce risque de "non négligeable". Un raz-de-marée qui toucherait la plaine de Camargue "pourrait aller jusqu'à la ville d'Arles" (Bouches-du-Rhône), à 25 kilomètres des côte, selon Michel Villeneuve.
En 1979, un tsunami s'était d'ailleurs produit dans les Alpes-Maritimes, entre Nice et Antibes. Il avait emporté la digue d'un chantier de l'aéroport et fait onze morts. En 1986, ce sont les riverains de la plage de Beauduc (Bouches-du-Rhône) qui avaient été surpris par une vague de deux mètres, consécutive à un séisme en Méditerranée. Il n'y a pas eu de victimes.
Selon le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), 5 à 10 % des raz-de-marée recensés en 2.000 ans d'histoire se sont produits en Méditerranée, les autres se répartissant essentiellement entre le Pacifique et l'Océan indien. La plus grande profondeur de ces océans, d'autre part, favorise la propagation des tsunamis.
Essentiellement provoqués par le glissement de la plaque africaine, au sud, sous la plaque eurasienne, au nord, les séismes de la zone méditerranéenne sont moins violents que dans le Pacifique ou l'océan Indien. «Leur magnitude se situe au maximum entre 7,5 et 8, rarement au-delà, explique Emile Okal, géophysien à la Northwestern University (Etats-Unis). Un tremblement de terre de magnitude 9 est impossible car il n'existe pas en Méditerranée de système de failles cohérent sur une distance suffisamment longue, d'un millier de kilomètres, comme c'est le cas au large du Chili ou de l'Indonésie.»
Autre particularité de la région : le volcanisme, très actif notamment en mer Egée et dans les îles éoliennes, peut aussi susciter des tsunamis dévastateurs comme ce fut le cas lors de l'explosion de l'île de Santorin, vers 1600 avant Jésus-Christ, où des vagues géantes ont déferlé sur la Crète et la Turquie. Pour beaucoup d'historiens, ce cataclysme pourrait être à l'origine du célèbre mythe de l'Atlantide... «Il faut créer en Méditerranée un système d'alerte comparable à celui qui existe depuis 1948 dans le Pacifique et qui a fait cruellement défaut dimanche dans l'océan Indien», plaide Gérassimos Papadopoulos.