Une équipe de chercheurs marseillais a mis au point une molécule capable de s'attaquer à la protéine TAT (transactivation) générée par le virus du Sida. Le docteur Erwann Loret, chargé de recherche au CNRS, directeur de l'institut de biologie structurale et microbiologie de Marseille, a révélé dans le journal La Provence, le 15 novembre, la modélisation et la fabrication de la molécule baptisée TDS (Triphène Diméthyle Succinimide). ''Cette molécule est capable de se fixer sur la protéine TAT produite par les cellules infectées par le VIH, explique le docteur Loret. Cette protéine TAT a notamment pour effet d'empêcher la réponse immunitaire des macrophages et des lymphocytes T chargés de détruire les cellules infectées par le virus du Sida. En inhibant la protéine TAT, on permettra à la réponse immunitaire de se faire''. ''La différence avec la tri-thérapie, a ajouté le chercheur, c'est que cette dernière bloque la duplication du virus mais ne détruit pas les cellules infectées. Si on arrête le traitement, le virus redevient aussi destructeur qu'au début. Notre objectif est de se débarrasser des cellules infectées par le VIH non éliminées par la tri-thérapie''. Selon Erwann Loret, il faut désormais ''améliorer l'efficacité de la molécule TDS'' avant d'envisager des essais pré-cliniques et cliniques. ''Une éventuelle commercialisation peut prendre cinq, sept ou dix ans. Il y a différentes étapes à franchir et nous n'en sommes qu'au début, a ajouté le chercheur. L'équipe scientifique marseillaise vient de se voir décerner un prix par le laboratoire pharmaceutique américain GlaxoSmithKline. Il s'agit d'une bourse de 75.000 dollars (547.000FF/83.000 euros) que le professeur Robert Gallo, co-découvreur du virus du Sida, a décerné en personne au docteur Loret le 17 novembre, à Marseille. Selon le professeur Gallo cette découverte est ''d'une importance capitale''. Depuis plusieurs années, la recherche s'intéresse à une des trois protéines de régulation du VIH, appelée TAT (pour "transactivation"). "Cette protéine présente la particularité de changer de structure, ce qui lui permet de traverser les membranes des cellules, explique le Dr Loret. C'est elle que l'on retrouve dans le sang des patients. Elle empêche le fonctionnement normal des agents dont le rôle est d'éliminer les cellules anormales, c'est-à-dire cancéreuses ou infectées." En clair, ces agents mis hors services, il s'agit de macrophages et lymphocytes T cytotoxiques, jouent le rôle fondamental d'"éboueur" de l'organisme. Dès lors, comment contrer cette protéine TAT ? C'est sur cette question que travaillent depuis quelques années de nombreux chercheurs dans le monde. L'équipe marseillaise a trouvé une réponse. "D'emblée, nous nous sommes demandé comment bloquer la transformation de la protéine afin de l'empêcher de se fixer sur sa cible". "A partir de là, il nous fallait cibler le 'point sensible' de TAT sur lequel une molécule de notre invention irait se fixer, afin de bloquer la transformation de la protéine. Du coup, son action est bloquée et les cellules éboueuses peuvent se battre contre les cellules infectées". Ils ont imaginé la molécule sur ordinateur ("drug design" ou création médicamenteuse assistée par ordinateur). Cela a marqué une première victoire pour l'équipe marseillaise. Mais le plus difficile restait à faire: convaincre la communauté scientifique de l'intérêt de cette recherche. Etape délicate mais indispensable pour passer à la production en laboratoire. Ce travail a été finalement entrepris à Nantes, en collaboration avec le chimiste Jacques Lebreton, en un temps record. "Six mois après, j'ai reçu les premières molécules-test, raconte Erwann Loret. Et ça collait !" "Concrètement, cela signifie que nous disposons potentiellement d'un médicament curatif contre le Sida", résume le biologiste.
La Provence :
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