De la phosphine, molécule considérée comme une biosignature, a été détectée dans l'atmosphère de la naine brune Wolf 1130C par une collaboration internationale dirigée par l'astrophysicien américain Adam Burgasser. Cette découverte, publiée le 2 octobre 2025 dans la revue Science, signe la première du genre sur un astre de basse température.
La phosphine (dénotée PH3) est définie comme un gaz toxique et est notamment utilisée comme pesticide. Cependant, cette molécule contient un atome de phosphore, qui, en se combinant à l'oxygène, contribue à la formation de phosphate, indispensable au fonctionnement de l'organisme humain (il participe notamment à la formation des os et des dents). La phosphine a déjà été détectée dans le système solaire, à la fois dans les nuages de Vénus, mais aussi dans les atmosphères de Jupiter et de Saturne. En outre, le phosphore est fabriqué par la capture de neutrons dans l'intérieur des grandes étoiles puis relâché dans le vide interstellaire via les explosions de ces dernières connues sous le nom de supernova. Wolf 1130C appartient à la famille des naines brunes, un type de corps intermédiaire entre une planète géante gazeuse comme Jupiter et une petite étoile : ces naines brunes apparaissent comme trop massives pour être une planète, mais pas assez grandes pour se transformer en étoile active qui effectue la fusion thermonucléaire de l'hydrogène léger en hélium. Wolf 1130C fait partie d'un système triple situé à 54 années-lumière du Soleil, comprenant une naine rouge (Wolf 1130A) et une naine blanche (Wolf 1130B).
L'observation d'une telle molécule dans l'atmosphère de la naine brune Wolf 1130C a été permise par le télescope James Webb (JWST) via la méthode de la spectroscopie, à savoir l'analyse de la lumière de l'étoile absorbée par certaines molécules, notamment dans le domaine infrarouge où ces dernières présentent des caractéristiques plus facilement observables. La concentration de phosphine est alors déduite des propriétés de ces lignes, incluant la profondeur, leur largeur ou encore les rapports relatifs entre les concentrations de différentes espèces moléculaires. La prouesse technique des astrophysiciens réside alors dans la première détection inédite de phosphine sur une naine brune à basse température, correspondant à 327°C, soit moins que Vénus (462°C) et Mercure (430°C).
L'analyse spectroscopique révèle en outre que la phosphine est bien plus abondante comparée à d'autres astres du même type ou des planètes géantes gazeuses. Par ailleurs, le pourcentage de phosphine (0.00001 %) est en accord avec les prédictions des modèles de chimie atmosphérique qui reproduisent les concentrations mesurées pour Jupiter et Saturne. Adam Burgasser émet l'hypothèse selon laquelle cette différence de quantité de la molécule vis-à-vis d'autres naines brunes et mondes extrasolaires (en dehors du Système solaire) serait probablement due à la faible abondance de métaux sur Wolf 1130C, désignant tous les éléments chimiques plus lourds que l'hydrogène et l'hélium : « Dans l'atmosphère appauvrie en métaux de Wolf 1130C, il n'y a pas assez d'oxygène pour absorber le phosphore, ce qui permet à la phosphine de se former à partir de l'hydrogène abondant », explique le chercheur. Pour les exobiologistes – scientifiques qui étudient les possibilités de présence de vie sur d'autres corps célestes – la phosphine peut être considérée comme une potentielle biosignature dans les atmosphères d'astres extrasolaires. Les biosignatures sont des traces chimiques ou physiques pouvant induire l'existence de traces de vie, incluant des gaz comme le méthane, le dioxygène ou l'ozone.
Science : https://www.science.org/doi/10.1126/science.adu0401