Le nicotinamide, forme amide de la vitamine B3 (dénommée aussi niacinamide), a suscité l’attention au cours de la dernière décennie pour son possible effet photoprotecteur capable de diminuer le risque de cancer de la peau. Il serait ainsi susceptible d’intervenir favorablement dans la réparation des dommages que provoquent les UV sur l’ADN et de réduire l'immunosuppression cutanée induite par les UV. En 2015, un essai clinique randomisé en double aveugle de phase 3, mené auprès de 386 participants ayant des antécédents de cancer de la peau, a montré que la prise de nicotinamide (500 mg deux fois par jour), était associée à une réduction du nombre de nouveaux cancers de la peau.
Depuis, le nombre limité des essais cliniques, certains résultats contradictoires et la crainte d’effets indésirables (nombre de cancers cutanés superficiels réduit mais cancers agressifs favorisés), n’ont pas permis au nicotinamide d’accéder aux "guidelines" de la prévention des cancers de la peau même si certains dermatologistes le recommandent.
L’étude des effets cliniques du nicotinamide est difficile car, d’une part, il est en vente libre et d’autre part, les cancers cutanés kératinocytaires dont il s’agit (carcinomes basocellulaires et carcinomes épidermoïdes) figurent rarement dans les registres nationaux des cancers. Aux Etats-Unis, cependant, l'Administration de la santé des anciens combattants permet de s’affranchir de ces écueils car le nicotinamide figure sur la liste des médicaments remboursés et les prescriptions en sont documentées pour les anciens combattants. De plus, les dossiers sont très complets sur les cancers de la peau. Une étude de cohorte rétrospective a donc été menée à partir des données des dossiers médicaux électroniques (du 1er octobre 1999 au 31 décembre 2024) provenant de la base de données corporative du ministère des Anciens Combattants. Elle a porté sur 33 822 patients parmi lesquels 12 287 patients (âge moyen 77,2 [8,9] ans ; 241 femmes [2,0 %]) ont pris du nicotinamide oral, 500 mg, deux fois par jour pendant plus de 30 jours. Au total, 10 994 cas de carcinome basocellulaire cutané (CBC) et 12 551 cas de carcinome épidermoïde cutané (CEC) ont été recensés après exposition au nicotinamide.
Globalement, la réduction significative, du risque de cancer de la peau est de 14 %. Lorsque le nicotinamide est débuté après un premier cancer de la peau, la réduction du risque est de 54 %, mais l’effet est de moindre importance quand le traitement est commencé après chaque nouveau cancer. Ainsi, après un quatrième CBC, l’effet n’est plus mesurable mais il l’est toujours même après un huitième CEC. Chez les receveurs d'une greffe d'organe solide, aucune réduction significative du risque global n'a été constatée malgré une incidence réduite de CEC en cas d'utilisation précoce de nicotinamide. Le nicotinamide est largement disponible et a peu d'effets indésirables. Mais la vitamine B3 est aussi présente dans l'alimentation, notamment dans la volaille, le bœuf, le poisson, les légumineuses et les noix.
JAMA : https://jamanetwork.com/journals/jamadermatology/article-abstract/2838591