Des chercheurs, dirigés par Charles McCrory de l’Université du Michigan, ont mis au point une méthode d’électroréduction du CO₂ aboutissant à la formation d’oxalates métalliques. Il s’agit de petits composés solides, des sels simples, qui représentent un matériau très intéressant pour la fabrication de ciment. Les oxalates métalliques peuvent en effet servir d’agrégat ou d’additif, représentant ainsi une alternative au procédé standard (dit Portland). Il faut rappeler que cette industrie est aujourd’hui pointée du doigt comme étant particulièrement énergivore et émettrice de CO₂. L’intérêt de cette innovation est donc double : transformer une émission problématique en ressource utile, tout en réduisant l’impact carbone de l’industrie cimentière.
La synthèse d’oxalates à partir de CO₂ est un procédé connu qui implique l’utilisation d’électrodes métalliques (principalement composées de plomb) dans une solution d’électrolytes non aqueuse. Le plomb est en effet un catalyseur dans ce contexte. Toutefois, ce procédé présente un inconvénient majeur, qui est l’utilisation d’importantes quantités de plomb, connu pour être un élément toxique pour l’Homme et l’environnement. Les chercheurs ont donc tenté de réduire de manière significative la quantité de plomb mis en jeu dans cette réaction. Un objectif obtenu grâce à l’utilisation de polymères permettant de contrôler le micro-environnement immédiat autour des sites catalytiques. Dans ce nouveau procédé, la quantité de plomb est ainsi passée à l’état de trace.
La production d’oxalates métalliques se déroule alors en deux étapes, impliquant l’utilisation d’un jeu d’électrodes. En premier lieu, le CO₂ est converti en oxalate au niveau d’une électrode, tandis que dans le même temps, la seconde électrode libère des ions métalliques (typiquement du fer, du calcium ou autres) qui réagissent avec les oxalates pour former des oxalates métalliques précipités. Le solide ainsi formé est collecté et prêt à être incorporé dans un procédé cimentier. Cette innovation permet ainsi de solidifier le CO₂ sous forme stable, réduisant définitivement les émissions cumulées. On peut en effet parler de captage fixe de CO₂ : une fois solidifié en oxalate métallique, le CO₂ ne retourne pas dans l’atmosphère. Concernant sa mise en application au niveau industriel, les auteurs estiment qu’une mise à l’échelle du procédé est tout à fait réalisable. La réduction drastique des besoins en plomb est d’ailleurs un atout majeur pour une industrialisation durable.
Ces résultats montrent un potentiel important pour développer des filières cimentaires à plus faible empreinte carbone. L’utilisation de CO₂ recyclé permettrait notamment de réduire la dépendance aux ressources fossiles et de minimiser les émissions. Selon McCrory, les prochaines étapes consistent désormais à optimiser la production en masse des oxalates, à tester leur performance dans les formulations réelles de ciment et à s’assurer de l’absence d’effets indésirables (toxicité, stabilité mécanique). Pour présenter un intérêt industriel, il faut en effet que le procédé soit avant tout compétitif face aux matériaux traditionnels. Cette étude marque une avancée significative dans la valorisation du CO₂ capturé, en le transformant en matière utile pour l’industrie cimentière. Grâce à une ingénierie fine du catalyseur et la maîtrise du micro-environnement, les chercheurs offrent un nouveau prototype de ciment à faible émission carbone. La démarche combine captage, décarbonation, valorisation et durabilité.
Advanced Energy Materials : https://advanced.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/aenm.202501286