A l'issue de trois années de recherche, une équipe de l'Université de Tours (Laboratoire Biologie des infections à polyomavirus) a publié dans le prestigieux Journal Britannique de Dermatologie une étude qui présente une nouvelle approche thérapeutique prometteuse contre le carcinome à cellules de Merkel, un cancer rare de la peau, distinct du carcinome ordinaire et du mélanome, qui reste difficile à traiter.
« Pendant longtemps, la seule arme pour combattre ce cancer, c'était la destruction massive comme la chimiothérapie, la chirurgie et la radiothérapie, avec des effets secondaires très lourds », explique Antoine Touez, responsable de l'équipe et professeur à l'Université de Tours. Le développement des immunothérapies a permis des progrès, mais la moitié des patients ne répondent pas du tout à ces traitements, ou n'y répondent plus. De ce fait, ce type de cancer a tendance à développer des résistances et à récidiver.
La chercheuse Clara Esnault a conduit les différentes expériences qui ont mené aux résultats publiés. À la recherche d'un moyen thérapeutique de cibler les cellules cancéreuses, ces scientifiques ont d'abord identifié une molécule - CD56 - très présente à leur surface. En collaboration avec d'autres laboratoires, cette molécule a été analysée et un anticorps spécifique a été conçu pour l'attaquer. La startup tourangelle McSaf a, elle, été chargée de bioconjuguer l'anticorps avec un agent cytotoxique.
La molécule ciblée par l'anticorps ne se retrouve quasiment que sur les cellules tumorales. Quand cette molécule n'est pas là, le traitement n'est plus du tout toxique pour les cellules. Ce qui veut dire que ce traitement ne va attaquer que les cellules malignes, laissant tranquille tout leur environnement sain, à l'inverse des ravageuses chimiothérapies. Pour le confirmer, l'équipe a notamment fait usage de l'outil système Crisp-Cas9, permettant de découper des morceaux de l'ADN.
Le pré-traitement développé par l'équipe a d'abord été testé in vitro par Clara Esnault, avant de passer sur des souris auxquelles avaient été greffées des cellules cancéreuses. « On a constaté un arrêt du développement des tumeurs dans 100 % des cas », se réjouit-elle. Certaines tumeurs ont même complètement disparu, ce qui laisse espérer une bonne complémentarité avec les immunothérapies.
L'équipe poursuit à présent son travail pour optimiser l'efficacité thérapeutique de son nouveau traitement, et étudier la persistance de l'anticorps dans l'organisme. Mais ces chercheurs ont également une autre ambition, étendre ce traitement à d'autres cancers. En effet, la molécule ciblée à la surface des carcinomes à cellules de Merkel se retrouve aussi sur le cancer du poumon à petites cellules, un cancer sans solutions thérapeutiques efficaces, qui représente environ 15 % des cancers du poumon en France.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash