Des travaux associant l'Institut Curie et des chercheurs australiens du Peter MacCallum Cancer Centre de l’Université de Melbourne ont permis de découvrir une nouvelle molécule, l’ironomycine, qui permet d’induire la mort des cellules cancéreuses dans les leucémies myéloïdes aigües grâce à un mécanisme de mort cellulaire inédit.
L’apoptose est une modalité bien connue de mort cellulaire. Cependant, la cellule cancéreuse développe des résistances à l’apoptose. Le ciblage de nouvelles voies de mort cellulaire est une stratégie prometteuse pour traiter les cancers résistants aux traitements conventionnels. « Nous avons synthétisé une petite molécule nommée ironomycine qui induit une accumulation de fer dans les lysosomes provoquant une mort cellulaire alternative dans certaines formes agressives de cancers solides », explique Raphaël Rodriguez, directeur de recherche CNRS, chef du laboratoire Chimie et biologie du cancer à l’Institut Curie.
Lors d’une collaboration avec Sylvain Garciaz et l’équipe de Mark Dawson au Peter MacCallum Cancer Centre à Melbourne, l’ironomycine a été testée dans des formes de cancers du sang particulièrement agressifs, les leucémies aigües myéloïdes. Les résultats d’analyses génomiques utilisant la technologie CRISPR Cas-9 ont mis en avant que l’ironomycine induit un arrêt brutal de la respiration cellulaire en diminuant la quantité de fer dans la mitochondrie.
La mitochondrie est une organelle qui permet la génération d’énergie essentielle pour la survie de la cellule cancéreuse.
C’est aussi le centre de contrôle de nombreuses voies de mort cellulaire. Or, les atomes de fer sont au cœur de ces deux processus. En bloquant le fer dans le lysosome (organite cellulaire située dans le cytoplasme, contenant des enzymes qui dégradent la plupart des macromolécules biologiques), la molécule empêche l’utilisation du fer mitochondrial pour la respiration et induit un signal de mort qui implique deux protéines nommées BAX et BAK. « Dans le cas de l’ironomycine, la mort cellulaire est indépendante des régulateurs de l’apoptose classique. Cette nouvelle molécule induit un type nouveau de mort cellulaire dépendante du fer. C’est une découverte majeure pour envisager de nouvelles stratégies thérapeutique » précise Raphaël Rodriguez.
De nouvelles thérapeutiques ciblant la protéine BCL-2, impliquée dans l’apoptose classique, ont modifié le paradigme de traitement des leucémies aigües des patients non éligibles pour la chimiothérapie. Le venetoclax (Abbvie) est le chef de file de cette nouvelle classe de médicaments. Or l’ironomycine est particulièrement efficace en association avec le venetoclax dans un modèle murin de leucémie aigüe et dans le traitement de leucémies résistantes au venetoclax. Ces travaux sont particulièrement prometteurs et pourraient permettre de traiter ces pathologies cancéreuses au pronostic encore sombre.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash